La mise en place des institutions représentatives du personnel est subordonnée à une condition d'effectif. Deux seuils sont à retenir :
- les entreprises d'au moins 11 salariés doivent être pourvues d'un ou plusieurs délégués du personnel (DP) ;
- celles d'au moins 50 salariés doivent avoir un comité d'entreprise (CE) et un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Des délégués syndicaux (DS) et des représentants de section syndicale (RSS) peuvent, en outre, y être désignés.
Même si les conditions sont remplies, l'entreprise ne dispose pas obligatoirement de représentants du personnel ; on dit alors qu'il y a une carence des institutions. En effet, s'il appartient à l'employeur d'organiser les élections, il ne peut être tenu responsable de l'absence de candidat.
Les entreprises de 50 à 199 salariés peuvent mettre en place une délégation unique du personnel (DUP). Dans ce cas, les salariés élus délégués du personnel sont les mêmes que ceux qui participent au comité d'entreprise.
Une réforme des institutions représentatives du personnel est en cours d'adoption (Projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi, dit « projet Rebsamen », adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 2-6-2015). Les salariés des entreprises de moins de 11 salariés seraient représentés à partir du 1er juillet 2017 par des commissions régionales chargées d'informer salariés et employeurs sur leurs droits. Dans les entreprises de 50 à 199 salariés, les DUP pourraient inclure les élus au CHSCT. Quant aux entreprises les plus grosses (au moins 300 salariés), le regroupement de plusieurs institutions représentatives deviendrait possible à condition de signer un accord d'entreprise. Plusieurs thèmes de consultation des instances et certaines négociations seraient regroupés afin de diminuer le nombre des réunions obligatoires.
Autre nouveauté proposée par ce projet : une protection renforcée des salariés élus ou désignés représentants du personnel. Notamment, pour ceux d'entre eux qui consacrent plus de 30 % de leur temps de travail à leur activité de représentant, une garantie de non-discrimination salariale serait instaurée.
Les DP exercent un rôle d'intermédiaire entre les salariés et l'employeur (C. trav. art. L 2313-1 s.). A cette fin, ils ont principalement les missions suivantes :
- présenter les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l'application du droit du travail (congés, durée du travail, santé et sécurité des salariés, etc.) et à la protection sociale. Ils n'en ont pas le monopole : rien n'interdit à un salarié de s'adresser directement à l'employeur ;
- saisir l'inspecteur du travail des plaintes et observations relatives à l'application du droit du travail et l'accompagner lors de ses visites dans l'entreprise ;
- alerter l'employeur en cas d'atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale, ou aux libertés individuelles dans l'entreprise afin que celui-ci procède à une enquête et prenne les mesures nécessaires pour mettre fin à la situation. Cette atteinte peut notamment résulter de harcèlement sexuel ou moral ou d'une discrimination ;
- communiquer les suggestions ou observations du personnel sur toutes les questions relevant de leur compétence au CE et au CHSCT ;
- remplacer les autres institutions lorsqu'elles ne sont pas présentes dans l'entreprise. Ils exercent alors tout ou partie des attributions du CE et du CHSCT et peuvent être désignés représentants de la section syndicale ou délégués syndicaux.
Enfin, les DP peuvent assister les salariés lors de l'entretien préalable à une sanction disciplinaire ou au licenciement. Cette mission ne leur est pas dévolue spécifiquement, tous les salariés peuvent l'accomplir, mais en pratique elle revient souvent aux DP. Et pour les autres entretiens ? L'assistance du délégué est possible mais elle requiert l'accord de l'employeur.
Le rôle du comité d'entreprise comporte deux facettes : il assure l'expression collective des salariés dans le domaine économique et professionnel (C. trav. art. L 2323-1 s.) et il gère les activités sociales et culturelles (C. trav. art. L 2323-83 s.).
Dans le domaine économique et professionnel, il est informé et consulté préalablement à un grand nombre de décisions de l'employeur, notamment sur les sujets suivants :
- l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise ;
- les orientations stratégiques de l'entreprise et leurs conséquences pour les salariés ;
- la durée du travail, la formation professionnelle, la protection sociale, les conditions de travail ;
- les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, notamment les licenciements économiques.
Concrètement, l'employeur communique aux membres du CE des informations sur tel projet qu'il envisage puis ceux-ci se réunissent pour rendre leur avis. Sauf rares exceptions, le chef d'entreprise n'est pas lié par cet avis mais il doit rendre compte de la suite qu'il lui donne.
Le CE peut aussi, dans certains domaines, conclure des accords (participation ou intéressement notamment).
Dans le domaine social et culturel, le comité d'entreprise gère toutes les activités proposées aux salariés, aux anciens salariés et à leur famille : voyages, activités sportives, colonies de vacances, etc.
Comme son nom l'indique, le CHSCT a une compétence circonscrite à trois sujets : l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail (C. trav. art. L 4612-1 s.). Dans ces domaines, le CHSCT a un rôle consultatif : son avis est requis sur tout projet important relevant de son champ de compétences, par exemple une modification des horaires de travail ou l'aménagement des locaux. Il a également le pouvoir d'effectuer des inspections, des enquêtes et de procéder à une analyse des risques professionnels. Enfin, si un membre du CHSCT constate qu'il existe une cause de danger grave et imminent, il en alerte immédiatement l'employeur.
Les syndicats assurent la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, collectifs et individuels, des salariés ou d'une catégorie d'entre eux - on parle alors de « syndicat catégoriel », à l'instar de la CFE-CGC pour les cadres (C. trav. art. L 2131-1 s.). Ils ont une mission revendicative et peuvent engager des actions de protestation en cas de conflit avec l'employeur, notamment la grève.
Lorsqu'ils sont représentatifs, c'est-à-dire lorsqu'ils remplissent certains critères dont l'obtention d'au moins 10 % des voix aux dernières élections professionnelles, ils sont représentés par un ou des délégués syndicaux qui négocient et concluent des accords collectifs avec l'employeur. Les syndicats non représentatifs peuvent désigner un représentant de la section syndicale (RSS) pour les représenter au sein de l'entreprise et exercer l'action syndicale. Certains RSS, mandatés à cet effet par un syndicat représentatif au niveau national, peuvent conclure des accords collectifs dans les entreprises de 200 salariés ou plus, dépourvues de délégué syndical mais ayant des représentants élus. L'accord doit ensuite être approuvé à la majorité des salariés.
SavoirL'absence de délégué syndical ou de RSS dans l'entreprise ne signifie pas pour autant qu'aucun accord collectif ne peut être signé, au moins dans les entreprises de moins de 200 salariés. De tels accords peuvent en effet être conclus, sous conditions, avec le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, à condition d'être ensuite validés par la branche professionnelle (C. trav. art. L 2232-21 s.). En cas de carence des institutions, ils sont négociés avec un salarié mandaté à cette fin par un syndicat puis approuvés par la majorité des salariés.
Les membres du comité d'entreprise et les délégués du personnel sont élus le même jour par les salariés de l'entreprise ou de l'établissement. En principe, les élections ont lieu tous les quatre ans.
Le nombre de représentants, titulaires et suppléants, est déterminé en fonction de l'effectif de l'entreprise. Les salariés sont divisés en deux collèges électoraux : ouvriers et employés d'un côté ; ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maîtrise et assimilés de l'autre (C. trav. art. L 2314-8). Un troisième collège est créé si le nombre des ingénieurs et cadres est au moins égal à 25. Toutefois, pour les établissements ne dépassant pas 25 salariés, les élections des délégués du personnel sont organisées en ne formant qu'un seul collège.
Pour se présenter aux élections, il faut remplir les conditions suivantes (C. trav. art. L 2314-16 et C. trav.L 2324-15) :
- avoir 18 ans révolus ;
- avoir travaillé dans l'entreprise depuis au moins un an ;
- ne faire l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à ses droits civiques ;
- ne pas être conjoint, partenaire de Pacs, concubin, ascendant, descendant, frère, soeur ou allié au même degré de l'employeur.
Il n'est pas nécessaire d'être syndiqué pour devenir délégué du personnel ou membre du CE. Mais le premier tour des élections est réservé aux listes présentées par des syndicats. Les candidatures « libres » ne sont admises qu'au second tour.
Les délégués syndicaux et les représentants de section syndicale sont désignés par le syndicat qu'ils représentent au sein de l'entreprise.
Pour être désigné délégué syndical, il faut être majeur, travailler dans l'entreprise depuis au moins un an, avoir été candidat à un mandat représentatif et avoir obtenu au moins 10 % des suffrages lors de cette élection.
Les représentants du personnel au CHSCT sont choisis par les membres élus du comité d'entreprise et les délégués du personnel. Tout salarié de l'entreprise peut se présenter à l'élection.
Chaque représentant dispose d'un crédit mensuel d'heures de délégation, dont le nombre varie selon l'instance et l'effectif de l'entreprise (C. trav. art. L 2143-13 pour les délégués syndicaux ; C. trav. art. L 2315-1 pour les délégués du personnel ; C. trav. art. L 2325-6 pour les membres du comité d'entreprise). A titre d'exemple : 15 heures pour un délégué du personnel dans une entreprise d'au moins 50 salariés ; 20 heures pour les membres du comité d'entreprise ; 10 heures pour un délégué syndical dans une entreprise comprenant jusqu'à 150 salariés. Ce crédit peut être dépassé en cas de circonstances exceptionnelles (plan de sauvegarde de l'emploi, projet de restructuration, etc.), de convention ou d'usage plus favorable.
Le représentant du personnel est libre d'utiliser ces heures comme il l'entend, du moment qu'il accomplit l'une de ses missions. L'employeur peut seulement lui demander de l'en informer ; parfois, cette information prend la forme de bons de délégations. L'employeur qui refuserait l'utilisation d'heures de délégation pourrait être sanctionné pénalement pour délit d'entrave.
Les heures de délégation sont rémunérées comme des heures de travail normales : le salarié ne doit subir aucune perte de rémunération du fait de l'exercice de sa mission.
Pendant leurs heures de délégation, les représentants du personnel sont libres de circuler, aussi bien à l'intérieur de l'entreprise qu'en dehors de celle-ci. Les frais de déplacement des représentants sont mis à la charge de l'employeur lorsque ce dernier a pris l'initiative d'une réunion hors de l'entreprise (Cass. soc. 21-3-2002 no 00-12.006).
L'employeur doit mettre à disposition du comité d'entreprise et des délégués du personnel des locaux aménagés et le matériel nécessaire à l'exercice de leurs fonctions (ligne téléphonique, photocopieuse).
Dans les entreprises de plus de 200 salariés, un local doit aussi être mis à disposition des sections syndicales.
Les représentants du personnel bénéficient d'une procédure spéciale de rupture de leur contrat de travail. Cette protection est accordée non seulement aux représentants élus ou désignés par un syndicat, mais également à tous ceux qui se sont portés candidats à une élection professionnelle. En bénéficient aussi les salariés titulaires d'un mandat à l'extérieur de l'entreprise (C. trav. art. L 2411-1), tels les conseillers prud'hommes, les conseillers des salariés ou certains élus locaux en cas de licenciement, à condition d'avoir informé l'employeur de leur statut.
Pour les représentants élus, la protection débute dès la présentation de leur candidature aux élections et perdure six mois après la fin de leur mandat (C. trav. art. L 2411-1 s.).
Quant aux salariés désignés par un syndicat, la protection démarre à partir de la réception de la lettre de désignation. Après expiration de son mandat et à condition que celui-ci ait duré au moins un an, le délégué syndical reste protégé pendant un an (Cass. soc. 25-10-2005 no 02-45.158 : RJS 1/06 no 62).
L'employeur souhaitant mettre fin à la collaboration d'un salarié protégé doit obligatoirement obtenir l'autorisation de l'inspecteur du travail. Avant de se prononcer, celui-ci rencontre personnellement et individuellement l'employeur et le salarié. Si, à l'issue de l'enquête menée par l'inspecteur, l'autorisation est refusée, le salarié est maintenu ou réintégré dans son emploi initial avec tous ses avantages antérieurs.
Pour les délégués du personnel et les membres du CE et du CHSCT, le comité d'entreprise doit en principe être consulté (C. trav. art. L 2421-3). A défaut de consultation, l'inspecteur du travail ne peut délivrer son autorisation.
La procédure d'autorisation est nécessaire quel que soit le mode de rupture mis en oeuvre par l'employeur : licenciement, mise à la retraite, rupture d'un CDD avant terme, non-renouvellement d'un CDD. La rupture conventionnelle homologuée est également soumise à la procédure spéciale. Le salarié demeure libre de mettre fin à son contrat, qu'il choisisse de démissionner, de partir à la retraite, de demander la résiliation judiciaire de son contrat ou de prendre acte de la rupture.
SavoirEt la discrimination ? L'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale ne doit jamais être pris en considération par l'employeur, pour quelque décision que ce soit : répartition du travail, formation, avancement, rémunération, mesures disciplinaires, etc. Par exemple, caractérise une discrimination le fait d'invoquer le manque de disponibilité du salarié en raison de ses fonctions syndicales pour justifier un retard dans le déroulement de sa carrière (Cass. soc. 26-1-2010 no 08-44.397).
A noter que la jurisprudence étend parfois l'interdiction de la discrimination aux représentants du personnel même non syndiqués (Cass. soc. 26-5-1999 no 97-40.966 : RJS 7/09 no 935 pour un délégué du personnel).
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