Lorsque la rupture du contrat devient inévitable, la rupture conventionnelle est une alternative au licenciement ou à la démission (C. trav. art. L 1237-11 s.). L'employeur peut se séparer du salarié sans avoir à suivre la procédure de licenciement. De son côté, le salarié peut quitter son emploi dans des conditions financières plus avantageuses qu'en cas de démission et bénéficier de l'assurance chômage. Sauf dispositions légales contraires, cette procédure est le seul mode de rupture amiable du contrat de travail autorisé (Cass. soc. 15-10-2014 no 11-22.251 : RJS 12/14 no 854).
La rupture négociée se distingue de la transaction qui intervient après la rupture pour éviter un litige ou y mettre fin.
ConseilSi vous avez souscrit une garantie « perte d'emploi » dans le cadre d'un prêt immobilier, relisez bien votre contrat pour vérifier que l'assureur n'a pas exclu la rupture conventionnelle de ses garanties. Selon le ministre du travail, les garanties souscrites avant le 27 juin 2008, c'est-à-dire avant l'existence de ce mode de rupture du contrat de travail, ne s'appliquent pas en cas de rupture conventionnelle homologuée (Rép. Zumkeller : AN 9-11-2010 p. 12239 no 74357).
Une telle rupture est en principe toujours possible, à condition qu'elle n'intervienne pas dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
Ainsi, une rupture conventionnelle peut être conclue même si :
- l'entreprise rencontre des difficultés économiques (CA Lyon 4-12-2012 no 12-01592) ;
- le contrat de travail est suspendu, qu'elle qu'en soit la cause, y compris l'accident du travail (Cass. soc. 30-9-2014 no 13-16.297 : RJS 12/14 no 855) et la maternité (Cass. soc. 25-3-2015 no 14-10.149 : RJS 6/15 no 407) ;
- il existe un différend entre l'employeur et le salarié (Cass. soc. 23-5-2013 no 12-13.865 : RJS 7/13 no 534) ;
- un licenciement a été notifié préalablement (Cass. soc. 3-3-2015 no 13-20.549 : RJS 5/15 no 329). A notre avis, la conclusion d'une telle convention est également possible après une prise d'acte de la rupture.
Seules limites à la validité de ces ruptures : la fraude et les vices du consentement. N'ont ainsi pas été reconnues valables les ruptures conclues alors que le salarié était :
- dans une situation de violence morale du fait du harcèlement dont il était victime ;
- sous la menace de l'employeur de voir ternir son parcours professionnel en raison de ses erreurs et manquements.
Une procédure spécifique est prévue pour mettre au point la rupture conventionnelle du contrat de travail.
Afin de garantir les droits du salarié, en particulier l'intégrité de son consentement, les modalités de la rupture de son contrat de travail sont discutées à l'occasion d'un ou plusieurs entretiens. Le salarié peut se faire assister, à sa convenance, soit d'un salarié de l'entreprise, soit, en l'absence de représentants du personnel dans l'entreprise, d'un conseiller extérieur choisi sur une liste établie par l'autorité administrative (disponible auprès de l'inspection du travail ou en mairie). Le défaut d'information du salarié sur cette possibilité n'affecte pas la validité de la convention (Cass. soc. 29-1-2014 no 12-27.594 : RJS 4/14 no 316). L'assistance du salarié autorise celle de l'employeur, qui peut solliciter la présence d'une personne de son choix appartenant à l'entreprise ou, pour les entreprises de moins de 50 salariés, appartenant à son organisation syndicale d'employeurs ou un autre employeur de la même branche. Chacun doit faire savoir à l'autre s'il entend se faire assister.
A l'issue du dernier entretien, les parties établissent la convention, soit directement dans la partie prévue à cet effet sur le formulaire type d'homologation, soit sur papier libre annexé à ce formulaire. Cette convention doit préciser :
- les conditions de la rupture, tenant par exemple à l'aménagement d'un « outplacement » rémunéré par l'entreprise ou encore aux modalités de restitution du véhicule de fonction ;
- le montant de l'indemnisation, qui est librement négocié sans pouvoir être inférieur à celui de l'indemnité légale de licenciement ou, dans les entreprises relevant de branches d'activités représentées par le Medef, la CGPME ou l'UPA, de l'indemnité conventionnelle si elle est supérieure ;
- la date de la rupture, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation de la convention par l'administration.
Une fois la convention signée, un exemplaire doit en être remis au salarié (Cass. soc. 6-2-2013 no 11-27.000 : RJS 4/13 no 280).
SavoirA partir de la signature de la convention par l'employeur et le salarié, chacun d'eux a 15 jours (dimanches et jours fériés compris) pour exercer un droit de rétractation. Celui qui entend remettre en question l'accord doit notifier sa rétractation à l'autre par lettre recommandée avec avis de réception ou remise en main propre contre décharge datée.
Une rupture conclue en méconnaissance du délai de rétractation ouvert au salarié justifie l'annulation de la convention de rupture (CA Lyon 26-8-2011 no 11-00551 : RJS 11/11 no 870). Mais une simple erreur dans le calcul de ce délai n'affecte pas la validité de la convention dès lors qu'elle n'a pas privé le salarié de la possibilité de se rétracter (Cass. soc. 29-1-2014 no 12-24.539 : RJS 4/14 no 316).
A l'issue du délai de rétractation, l'employeur ou le salarié adresse un exemplaire de la convention à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) en vue de la faire homologuer. La demande est présentée au moyen d'un formulaire type, qui peut être téléchargé sur www.travail-emploi.gouv.fr ou directement saisi en ligne sur www.telerc.gouv.fr. Lorsque le salarié est un salarié protégé (par exemple, représentant du personnel, délégué syndical), l'homologation est remplacée par une autorisation de l'inspecteur du travail.
L'administration dispose d'un délai de 15 jours ouvrables (non compris les dimanches et jours fériés) pour s'assurer du respect des conditions légales et du libre consentement des intéressés. Elle peut, par exemple, refuser l'homologation s'il apparaît que la rupture conventionnelle est utilisée comme un moyen de contourner les règles du licenciement collectif pour motif économique (notamment en cas de recours massif à ce mode de rupture). Faute de décision explicite dans le délai, l'homologation est réputée acquise.
Une fois la convention homologuée, le contrat de travail est rompu de façon définitive à compter de la date prévue dans la convention et au plus tôt le lendemain du jour de l'homologation.
Le salarié perçoit la seule indemnité de rupture indiquée dans la convention, sans pouvoir prétendre à une indemnité de préavis. S'il lui reste un reliquat de congés, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de congés payés.
Le salarié bénéficie des allocations chômage comme s'il avait été licencié.
Les recours contre la convention et son homologation doivent être portés devant le conseil de prud'hommes dans les douze mois de la date de l'homologation de la convention (ou du refus d'homologation). Pour les salariés protégés, c'est le tribunal administratif qui est compétent (Cass. soc. 26-3-2014 no 12-21.136 : RJS 6/14 no 501).
Il n'est pas possible de renoncer par avance à un tel recours, ni dans une clause contenue dans la convention de rupture (Cass. soc. 3-7-2013 no 12-15.208 : RJS 10/13 no 674) ni dans une transaction signée postérieurement (Cass. soc. 25-3-2015 no 13-23.368 : RJS 6/15 no 408).
S'il apparaît que le consentement du salarié n'a pas été librement donné ou a été vicié, la convention est annulée et la rupture requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle ouvre alors droit pour le salarié aux indemnités prévues dans ce cas.
Et si l'indemnité versée est inférieure au minimum légal ou conventionnel ? Le salarié peut se contenter de demander en justice un complément d'indemnité sans faire annuler la convention de rupture (Cass. soc. 10-12-2014 no 13-22.134 : RJS 2/15 no 95).
Le salarié peut, par ailleurs, obtenir des dommages et intérêts en cas de légèreté ou de lenteur blâmables de l'employeur dans la mise en oeuvre de la procédure.
Entre les soussignés :
La société Duval, SARL au capital de 10 000 €, ayant son siège social 26 avenue des Lices à Levallois-Perret, représentée par son gérant, Monsieur Dupont
Et
Monsieur Alain Lenoir, né le 16 mars 1966 à Lyon, de nationalité française,
Demeurant 12 avenue des Lices à Levallois-Perret
Il a été convenu ce qui suit :
Monsieur Lenoir travaille au sein de la société Duval depuis le 1er janvier 2008 en qualité de responsable administratif. Sa rémunération mensuelle brute moyenne est de 3 000 €.
Des divergences étant survenues entre les parties, celles-ci ont convenu de rompre le contrat de travail de Monsieur Lenoir conformément aux articles L 1237-11 et suivants du Code du travail.
A l'issue de deux entretiens qui se sont tenus les 13 et 20 mai 2015, sans que les parties soient assistées, il a été décidé que :
- la rupture du contrat prendra effet le 1er juillet 2015, sous réserve de l'homologation préalable de la présente convention par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;
- à cette date, Monsieur Lenoir percevra la somme de 2 000 € correspondant à l'indemnité compensatrice de congés payés acquise à cette date ainsi qu'une somme de 12 000 € à titre d'indemnité de rupture.
Le présent accord est conclu sous la double condition de :
- sa non-rétractation par l'une ou l'autre des parties dans les 15 jours calendaires suivant la signature de la présente convention ;
- son homologation par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Ile-de-France.
Fait à Levallois-Perret, en double exemplaire, le 20 mai 2015.
Si la rupture conventionnelle intervient alors que le salarié n'est pas en droit de bénéficier d'une retraite d'un régime légalement obligatoire, l'indemnité est partiellement exonérée d'impôt sur le revenu, de cotisations sociales, de CSG et de CRDS, dans les conditions et limites exposées no 56845 pour l'indemnité de licenciement versée hors plan de sauvegarde de l'emploi (CSS art. L 136-2 et L 242-1 ; CGI art. 80 duodecies). Mais l'employeur devra verser le forfait social de 20 % sur la fraction exonérée.
Dans le cas contraire, c'est-à-dire si le salarié est en droit de bénéficier d'une retraite d'un régime légalement obligatoire, l'indemnité est intégralement soumise aux cotisations de sécurité sociale, à la CSG, à la CRDS et à l'impôt sur le revenu.
Un départ négocié, à la différence d'une rupture conventionnelle du contrat de travail, peut être mis en oeuvre dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou d'un plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
Intervenant à l'occasion de suppressions d'emplois, ce mode de rupture ne dispense pas l'employeur du respect des procédures de licenciement économique avec, notamment, la consultation des représentants du personnel, le bénéfice du dispositif de reclassement prévu dans le plan de sauvegarde et l'autorisation de l'inspecteur du travail s'il s'agit de salariés protégés (C. trav. art. L 1233-3). Les dispositions relatives à l'entretien préalable et à la notification du licenciement ne sont toutefois pas applicables.
Le salarié doit percevoir l'ensemble des indemnités, y compris conventionnelles, qu'il aurait perçues s'il avait été licencié. Il bénéficie de la priorité de réembauche prévue en cas de licenciement économique.
Le départ volontaire dans le cadre d'un plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences obéit aux mêmes contraintes.
S'agissant du régime fiscal et social des indemnités versées, il faut distinguer trois cas de départ volontaire (CSS art. L 136-2 et L 242-1 ; CGI art. 80 duodecies) :
- dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, l'indemnité est exonérée de charges sociales, de CSG, de CRDS et d'impôt sur le revenu dans les mêmes conditions que les indemnités de licenciement versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ;
- hors plan de sauvegarde de l'emploi, l'indemnité est exonérée des cotisations sociales et d'impôt sur le revenu dans les mêmes proportions qu'une indemnité de licenciement versée en dehors d'un plan de sauvegarde de l'emploi. L'indemnité est, en revanche, intégralement assujettie à la CSG et la CRDS ;
- dans le cadre d'un plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, l'indemnité est intégralement assujettie aux charges sociales, à la CSG et la CRDS ainsi qu'à l'impôt sur le revenu.
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