C'est l'expression de la volonté du salarié de rompre le contrat de travail.
Toutes les ruptures décidées par le salarié ne sont pas des démissions. La démission peut être requalifiée en licenciement si elle ne résulte pas d'une volonté claire et non équivoque.
En outre, le salarié peut prendre acte de la rupture du contrat du fait de son employeur lorsque son départ est provoqué par l'attitude de ce dernier (non-paiement du salaire, harcèlement, violences, etc.).
La loi n'impose aucune formalité : une démission verbale est en principe possible. Toutefois, le contrat de travail ou la convention collective peuvent imposer l'envoi d'une lettre de démission. La lettre de démission peut être rédigée selon le modèle suivant : « Je vous confirme ma décision de démissionner. Compte tenu du délai de préavis de ... mois prévu par mon contrat de travail (ou la convention collective), j'assumerai mes fonctions jusqu'au ... ».
Même lorsque la convention et le contrat ne l'exigent pas, il est conseillé de démissionner par écrit, par lettre recommandée avec avis de réception ou par lettre remise contre décharge, afin d'éviter toute contestation sur la date de la rupture et le point de départ du préavis.
La démission n'est valable que si elle est exprimée par le salarié (Cass. soc. 28-11-2012 no 11-20.954) et s'il n'y a aucun doute sur la volonté réelle et expresse du salarié de démissionner. Ce n'est pas le cas d'un refus de travail, d'un abandon de poste ou d'une absence, même prolongée et injustifiée. De tels faits peuvent, en revanche, justifier un licenciement.
De même, n'est pas valable la démission donnée alors que le salarié est dans un état psychologique qui altère son jugement (dépression, par exemple) ou celle remise sous la contrainte ou la pression de l'employeur, notamment, en cas de menace d'un licenciement.
L'employeur qui se prévaut à tort de la démission du salarié peut être condamné à verser à l'intéressé les indemnités de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En principe non, sauf accord de l'employeur.
Par exception, les tribunaux admettent parfois la rétractation lorsque le salarié a démissionné dans un mouvement d'humeur, sous le coup de l'émotion ou de la colère, ou dans un état psychologique anormal (dépression, par exemple). Encore faut-il qu'il revienne sur sa décision dans les plus brefs délais.
ConseilSi vous souhaitez revenir sur votre démission, vous pouvez en informer votre employeur verbalement mais il est prudent de confirmer votre décision par écrit, par lettre recommandée avec avis de réception ou par lettre remise contre décharge.
Vous pouvez rédiger votre lettre selon le modèle suivant :
« Je vous informe que je souhaite revenir sur la démission que je vous ai donnée hier. J'étais sous le coup d'une vive colère et n'exprimais pas une volonté réelle et réfléchie de quitter l'entreprise. Je vous remercie par avance de ne pas en tenir compte. »
Par ailleurs, les tribunaux admettent de requalifier la démission en prise d'acte de la rupture si elle est équivoque. C'est le cas, même si la lettre de démission n'exprime aucune réserve, dès lors que des circonstances antérieures ou contemporaines à la démission la rendent équivoque, par exemple si l'inspecteur du travail a été informé d'un litige avant la démission ou si la lettre est accompagnée d'une réclamation de salaire.
Sauf s'il est en contrat à durée déterminée, le salarié peut démissionner à tout moment, sans avoir à justifier sa décision ni à demander l'autorisation de son employeur. Seule une démission dénotant une réelle intention de nuire pourrait être abusive et donner lieu à une condamnation du salarié à des dommages-intérêts ; c'est à l'employeur d'en apporter la preuve (Cass. soc. 29-1-2002 no 98-44.430 : RJS 4/02 no 404).
Certaines clauses du contrat de travail peuvent toutefois restreindre la liberté de démissionner. C'est notamment le cas des clauses de dédit-formation. Ces clauses obligent les salariés ayant bénéficié d'une formation longue et coûteuse, dépassant les obligations imposées aux employeurs par la loi ou la convention collective, à rembourser les frais de cette formation s'ils quittent l'entreprise avant un certain délai.
En dehors des cas où elles sont interdites par la loi (notamment pour les contrats de professionnalisation), les clauses de dédit-formation sont valables si les conditions suivantes sont réunies : la clause doit mentionner la date, la nature, la durée de la formation, son coût réel pour l'employeur ainsi que le montant et les modalités du remboursement à la charge du salarié ; la durée de l'obligation de fidélité doit être raisonnable et tenir compte du temps et du coût de la formation ; enfin, la somme permettant au salarié de se libérer de son engagement avant le terme prévu doit être proportionnée aux frais de formation engagés (Cass. soc. 5-6-2002 no 00-44.327 : RJS 8-9/02 no 1013). Elle ne doit pas inclure le remboursement des salaires perçus pendant la formation (Cass. soc. 23-10-2013 no 11-16.032 : RJS 1/14 no 65). Les juges peuvent réduire le montant d'une indemnité excessive ou annuler une clause illégale.
Dans la majorité des cas, le salarié qui donne sa démission ne peut pas quitter immédiatement l'entreprise : il doit attendre la fin du délai de préavis prévu par son contrat de travail ou par la convention collective. Ce délai s'impose également à l'employeur : celui-ci ne peut pas exiger le départ immédiat du démissionnaire.
Le salarié qui quitte l'entreprise sans observer de préavis peut être condamné à verser l'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que des dommages-intérêts si l'employeur prouve qu'il a subi un préjudice particulier. Ce dernier encourt les mêmes sanctions si c'est lui qui refuse l'exécution du préavis.
Sont autorisés à démissionner sans préavis : les salariées enceintes ; les salariés qui souhaitent élever leur enfant après un congé de maternité ou d'adoption ; ceux qui ont pris un congé pour création d'entreprise ; les journalistes qui démissionnent en application de la clause de conscience.
L'employeur peut dispenser de préavis le salarié. Celui-ci a alors droit à une indemnité compensatrice égale aux salaires qu'il aurait perçus jusqu'à la fin du préavis. Mais cette indemnité ne lui est pas due si c'est lui qui a demandé à être libéré de son préavis.
La loi ne prévoit de durée au préavis de démission que pour les VRP, les assistantes maternelles et les journalistes. Pour les autres salariés, il faut se référer à la convention collective ou, en l'absence de convention collective, aux usages applicables localement pour les fonctions exercées par le salarié (C. trav. art. L1237-1). Les durées de préavis les plus courantes sont d'un mois pour les ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise et de trois mois pour les ingénieurs, cadres et assimilés. Le contrat de travail peut prévoir un préavis de démission plus court que celui fixé par la convention.
Le préavis commence dès que le salarié a notifié à l'employeur sa démission. Dans le cas d'un envoi par lettre recommandée avec avis de réception, c'est la date de première présentation à l'employeur de la lettre qui est prise en compte.
SavoirLe préavis ne peut en principe pas être interrompu ou suspendu. Ainsi, ni la maladie, ni la maternité, ni l'interruption d'activité de l'entreprise n'ont pour effet de repousser le terme du contrat de travail. En revanche, l'arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle suspend le cours du préavis. Il en est de même pour la prise de congés payés sauf si l'employeur et le salarié conviennent du contraire.
Le plus souvent, les conventions collectives donnent aux salariés deux heures par jour pour recherche d'emploi, sans distinguer selon qu'ils sont en préavis de démission ou de licenciement. Ce droit cesse dès que le salarié a retrouvé un nouvel emploi.
Le salarié qui démissionne n'a droit à aucune indemnité, à l'exception :
- de l'indemnité compensatrice de préavis si l'employeur le dispense d'effectuer celui-ci ;
- de l'indemnité compensatrice de congés payés s'il quitte l'entreprise avant d'avoir pris tous ses congés.
Il peut le cas échéant prétendre à d'autres éléments de salaire prévus par le contrat de travail ou la convention collective (prorata de primes annuelles, notamment), ainsi qu'au déblocage anticipé des droits qu'il a acquis au titre de la participation aux résultats ou d'un plan d'épargne entreprise.
Avant de quitter l'entreprise, il doit demander à son employeur un certificat de travail et une attestation d'emploi pour Pôle emploi. Ce dernier document est indispensable pour obtenir d'éventuelles allocations chômage.
La démission d'un salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur (modification du contrat de travail, harcèlement, non-paiement du salaire, etc.) s'analyse en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail.
Seuls les salariés peuvent prendre acte de la rupture de leur contrat. Pour rompre le contrat, l'employeur doit, lui, engager une procédure de licenciement ; à défaut, la rupture du contrat s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ouvre droit à indemnisation.
La « prise d'acte » n'est soumise à aucun formalisme particulier. Une lettre du salarié adressée à l'employeur en recommandé avec avis de réception, remise contre décharge ou envoyée par fax est parfaitement valable (pour un modèle, voir ci-après). L'intitulé de la lettre importe peu. Par exemple, une « démission » donnée en raison du harcèlement subi ou du défaut de paiement des salaires est considérée comme une prise d'acte de la rupture car il apparaît clairement que la rupture du contrat trouve sa cause dans le comportement de l'employeur. Il est même admis qu'une démission donnée sans réserve peut être requalifiée par les juges en prise d'acte de la rupture dès lors que des circonstances antérieures ou contemporaines à la démission permettent de dire que celle-ci était équivoque (par exemple : Cass. soc. 11-7-2012 no 10-28.497).
Le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail à tout moment. Il peut le faire même s'il a saisi, pour les mêmes faits ou des faits différents, le conseil de prud'hommes d'une demande tendant à l'exécution de son contrat de travail ou au prononcé de la rupture de son contrat. La prise d'acte peut également intervenir à l'occasion d'un départ à la retraite (Cass. soc. 15-5-2013 no 11-26.784 : RJS 7/13 no 531).
Jacques Jeupard
42 rue de Villiers
92300 Levallois-Perret
SARL Valéa
22 rue de l'Appel
75017 Paris
A Levallois-Perret, le 5 juin 2015
Objet : prise d'acte de la rupture
Monsieur le directeur,
Par courrier du 15 mai 2015, vous m'avez demandé si je consentais à la modification du mode de calcul de la part variable de ma rémunération, tel que prévu par mon contrat de travail.
Je vous ai répondu par lettre du 27 mai 2015 que je refusais la modification ainsi envisagée de mon contrat de travail, celle-ci entraînant une forte diminution de ma rémunération.
Malgré mon refus, j'ai constaté à la lecture de mon bulletin de paie du mois de mai 2015 que vous aviez mis en oeuvre cette modification.
Je considère qu'en agissant ainsi vous avez rompu mon contrat de travail.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le directeur, l'expression de mes salutations distinguées.
Jacques Jeupard
La prise d'acte met fin au contrat de travail dès la présentation de la lettre à l'employeur. Le comportement ultérieur de l'employeur tout comme celui du salarié sont indifférents. Sont, par exemple, sans incidence sur l'appréciation de la rupture le licenciement ou la mise en demeure de reprendre le travail, notifiés par l'employeur après la prise d'acte.
Le salarié n'est pas tenu d'exécuter son préavis. S'il l'accomplit spontanément ou offre de le faire, cela ne permet pas à l'employeur de contester la gravité des manquements qui lui sont reprochés.
Si les faits invoqués sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire d'un licenciement nul dans certains cas, par exemple parce que le salarié est en accident du travail (Cass. soc. 12-12-2012 no 10-26.324 : RJS 2/13 no 111) ou est représentant du personnel.
Dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission (ou d'un départ à la retraite si elle intervient à cette occasion).
Pour se déterminer, les juges saisis de la question doivent prendre en compte l'ensemble des manquements de l'employeur invoqués devant eux et pas seulement ceux mentionnés dans la lettre de rupture. Mais le salarié ne peut toutefois pas se prévaloir d'un fait qu'il ignorait au moment de la rupture (Cass. soc. 9-10-2013 no 11-24.457 : RJS 12/13 no 291). En cas de doute sur la réalité des faits invoqués par le salarié, ce doute profite à l'employeur.
Ont été jugées comme des prises d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse celles qui ont fait suite à :
- l'inertie pendant plusieurs années d'un directeur des ressources humaines face à un conflit grave entre deux salariés (Cass. soc. 17-10-2012 no 11-18.208) ;
- l'agression verbale du salarié par son employeur, quand bien même celle-ci était intervenue en dehors du temps et du lieu de travail (Cass. soc. 23-1-2013 no 11-20.356 : RJS 4/13 no 267).
Ont été considérées comme des démissions les prises d'acte fondées sur le refus par l'employeur de promouvoir une salariée, le décalage d'une journée dans le paiement du salaire ou l'absence de visite médicale d'embauche.
Lorsque la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre au versement de dommages et intérêts, notamment au titre de la perte de chance d'utiliser ses droits au DIF faute de préavis ainsi qu'aux diverses indemnités de rupture : indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de congés payés et indemnité compensatrice de préavis bien que le salarié ne soit pas tenu de l'exécuter (solution identique même si le salarié a été dispensé à sa demande d'effectuer un préavis auquel il se croyait tenu). Il ne peut pas, en revanche, réclamer une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement (Cass. soc. 4-4-2007 no 05-42.847 : RJS 6/07 no 710).
Lorsque la prise d'acte vaut licenciement nul, le salarié peut demander ces mêmes indemnités ainsi qu'une indemnité forfaitaire égale aux salaires que le salarié aurait dû percevoir entre la date de la rupture et la fin de période de protection en cours. En revanche, il ne peut pas demander sa réintégration dans l'entreprise (Cass. soc. 29-5-2013 no 12-15.974 : RJS 8-9/13 no 623).
Ainsi, lorsque la prise d'acte produit les effets d'une démission, le salarié peut être condamné à payer une indemnité compensatrice de préavis. Il en va ainsi sans que l'employeur ait à prouver que l'absence de préavis lui a porté préjudice.
En tout état de cause, l'employeur doit indiquer sur l'attestation Pôle emploi remise au salarié que le contrat a été rompu à la suite d'une prise d'acte de la rupture. S'il mentionne qu'il s'agit d'une démission, il peut être condamné à des dommages et intérêts. En effet, le motif de la rupture du contrat de travail a des incidences sur la prise en charge ou non du salarié au titre du chômage.
La prise d'acte produisant les effets d'un licenciement ouvre droit aux allocations chômage. Dans l'attente du jugement, la demande d'indemnisation est cependant rejetée (Courrier PE du 9-3-2011).
La prise d'acte de la rupture présente l'avantage d'être simple et de mettre fin au contrat de travail immédiatement. Mais ce mode de rupture n'est pas sans risque, puisque la fin du contrat intervient immédiatement alors que sa qualification en licenciement ou en démission dépendra de la décision des juges. Ce risque est encadré puisque le conseil de prud'hommes a un mois pour statuer sur cette question (C. trav. art. L 1451-1). Mais l'utilisation des voies de recours (appel et cassation) peut en réalité aboutir à ce que la décision définitive soit rendue plusieurs années après.
Le salarié peut demander au conseil de prud'hommes de prononcer la rupture de son contrat de travail en cas de manquements de l'employeur à ses obligations. Le salarié doit en principe continuer à travailler jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne.
Si la demande de résiliation est justifiée, c'est-à-dire si les faits invoqués sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date de son prononcé par le juge (Cass. soc. 20-1-1998 no 95-43.350 : RJS 3/98 no 286). Le salarié a droit aux indemnités de rupture (préavis, licenciement, congés payés), ainsi qu'à des dommages et intérêts, mais pas à l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement. A titre d'exemple, ont été acceptées des demandes de résiliation fondées sur l'inaction de l'employeur dans le mois suivant la déclaration d'inaptitude physique du salarié, sur le non-paiement d'une prime d'ancienneté ou sur des propos répétés portant atteinte à la dignité du salarié.
Si la demande n'est pas justifiée ou si les faits qui l'ont provoquée ont cessé, la relation contractuelle se poursuit. Le salarié n'est pas considéré comme démissionnaire.
Que se passe-t-il lorsque la demande de résiliation judiciaire est suivie d'une rupture du contrat ?
En cas de licenciement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation est justifiée. Dans l'affirmative, les motifs invoqués à l'appui du licenciement ne sont pas examinés (Cass. soc. 16-2-2005 no 02-46.649 : RJS 5/05 no 509). Observons en outre que le seul fait que le salarié demande aux juges de prononcer la rupture de son contrat de travail ne peut pas constituer une cause de licenciement.
Si le salarié accepte une rupture conventionnelle, la demande de résiliation judiciaire formée antérieurement devient sans objet et n'a plus à être examinée par les juges (Cass. soc. 10-4-2013 no 11-15.651 : RJS 6/13 no 445).
S'il démissionne au cours de la procédure, il peut obtenir des dommages et intérêts mais la rupture ne peut pas être requalifiée en licenciement (Cass. soc. 30-4-2014 no 13-10.772 : RJS 7/14 no 561).
La demande en résiliation judiciaire du contrat de travail présente quelques inconvénients par rapport à la prise d'acte de rupture du contrat. En effet, le salarié risque d'être débouté si, au jour du jugement, les faits incriminés ont cessé (Cass. soc. 29-1-2014 no 12-24.951 : RJS 4/14 no 314). Dans le cas de la prise d'acte, seuls les manquements antérieurs ou concomitants à la rupture sont pris en compte. En outre, le contrat n'étant pas rompu immédiatement, le salarié peut être contraint de continuer à travailler alors même qu'il a suffisamment de griefs contre son employeur pour demander la rupture du contrat !
A l'inverse, la résiliation judiciaire a un avantage : le salarié ne prend pas de risque. Si sa demande est rejetée, il ne se retrouve pas sans revenu puisque son contrat de travail se poursuit.
Il s'agit d'actes répétés qui ont pour objet ou simplement pour effet, sans qu'une intention de nuire soit à démontrer, une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (C. trav. art. L 1152-1). Il s'agit par exemple de brimades, sanctions injustifiées, mesures vexatoires, mises à l'écart, humiliations publiques ou, plus généralement, de méthodes de management trop pressantes ou déstabilisantes.
L'employeur a bien sûr le droit de critiquer ou de sanctionner un salarié, ou encore de modifier ses conditions de travail. Mais il faut que le procédé employé soit correct. Par exemple, commet un harcèlement moral l'employeur qui supprime sans raison à un salarié son téléphone portable professionnel, l'oblige subitement à se présenter chaque matin dans le bureau de son supérieur et lui donne des tâches sans rapport avec ses fonctions.
Sont sanctionnés les propos ou comportements à connotation sexuelle répétés portant atteinte à la dignité de la victime en raison de leur caractère humiliant ou dégradant ou créant une situation intimidante, hostile ou offensante à son encontre (C. trav. art. L 1153-1). Peu importe que les faits n'aient pas eu pour but d'obtenir des faveurs sexuelles ou qu'ils se soient produits en dehors des temps et lieux de travail. Une tentative indélicate de séduction ou l'envoi de poèmes manifestant des sentiments amoureux ne rentrent pas dans cette définition. En revanche, est un harcèlement sexuel l'envoi de plusieurs mails obscènes à une collègue qui a fait savoir qu'elle ne souhaitait pas en être destinataire.
On parle aussi de harcèlement sexuel par assimilation, ou encore de chantage sexuel, pour toute forme de pression grave exercée afin d'obtenir un acte de nature sexuelle. Un seul acte suffit pour que l'on retienne le harcèlement dans ce cas. Il peut s'agir par exemple de soumettre l'obtention d'une promotion à des relations sexuelles avec son supérieur.
Le salarié est protégé contre le harcèlement sexuel ou moral dont se rend coupable son employeur, son chef de service ou, de manière générale, toute personne ayant une autorité de droit ou de fait sur lui. Il peut s'agir de clients, de prestataires extérieurs à l'entreprise ou de membres de la famille de l'employeur. Mais le harcèlement est également reconnu sans rapport d'autorité : il peut ainsi être le fait d'un collègue de même niveau hiérarchique, voire d'un subordonné (Cass. crim. 6-12-2011 no 10-82.266 : RJS 3/12 no 216).
Les victimes comme les témoins sont protégés.
Ainsi, aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation dans l'entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou, de manière générale, faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des actes de harcèlement moral ou sexuel (C. trav. art. L 1152-2 s. et L 1153-2 s.).
Bénéficient de la même protection les salariés ou stagiaires qui témoignent de tels agissements.
Toute rupture du contrat qui en résulterait, toute disposition ou acte contraire est nul de plein droit. Le salarié peut exiger d'être réintégré ; s'il ne le souhaite pas, il peut obtenir des dommages-intérêts.
La protection ne s'applique pas lorsque le salarié est de mauvaise foi : est ainsi justifié le licenciement pour faute grave d'un salarié pour avoir dénoncé de multiples faits inexistants de harcèlement moral (Cass. crim. 28-1-2015 no 13-22.378 : BDP 4/15 no 148).
Le salarié qui s'estime victime de harcèlement moral ou sexuel peut tout d'abord se plaindre auprès des délégués du personnel, du CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) ou du médecin du travail : ce dernier peut notamment proposer la mutation de l'intéressé pour le soustraire à son ou ses « harceleurs ». L'inspecteur du travail peut également intervenir.
Si le harcèlement est le fait d'un salarié de l'entreprise, la victime peut s'en plaindre à l'employeur : celui-ci a le devoir de sanctionner les auteurs de tels agissements. A défaut, il engage sa propre responsabilité, alors même qu'il n'est pas l'auteur de l'acte (Cass. soc. 21-6-2006 no 05-43.914 : RJS 8-9/06 no 916).
Le salarié victime de harcèlement moral ainsi que la personne accusée de harcèlement peuvent également s'adresser à un médiateur extérieur à l'entreprise, qui tentera de concilier les intérêts en présence et proposera des mesures pour mettre fin à cette situation (C. trav. art. L 1152-6). Le médiateur est choisi par les deux parties. Cette procédure est exclue en cas de harcèlement sexuel.
Si ces tentatives de conciliation n'aboutissent pas, le salarié peut agir en justice ou demander aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ou à une association de défense d'exercer en son nom cette action. L'action en justice permet au salarié d'obtenir des dommages-intérêts. Elle peut être dirigée contre l'auteur du harcèlement, qui devra indemniser la victime sur ses fonds personnels. Elle peut également l'être contre l'employeur, qui ne peut pas s'exonérer de sa responsabilité même s'il a fait cesser le harcèlement dès qu'il en a eu connaissance.
Si l'action a lieu devant le juge pénal, la personne coupable de harcèlement risquera une peine de prison et/ou une amende.
Devant le tribunal, le salarié doit établir les faits permettant de présumer qu'il est victime de harcèlement (C. trav. art. L 1154-1). Pour cela, il peut notamment faire état des SMS reçus de l'auteur du harcèlement (mais pas de conversations téléphoniques enregistrées) ou des diverses sanctions disciplinaires dont il a fait l'objet. L'employeur doit ensuite prouver au juge que ces faits ne constituent pas un harcèlement.
Le salarié victime peut quitter l'entreprise en démissionnant ou en prenant acte de la rupture. Même si les faits de harcèlement sont avérés, cette prise d'acte n'est pas obligatoirement justifiée : il faut pour cela que les agissements de harcèlement rendent impossible la poursuite du contrat (Cass. soc. 11-3-2015 no 13-18.603 : RJS 5/15 no 319). Si c'est effectivement le cas, la démission s'analyse en un licenciement nul (Cass. soc. 20-2-2013 no 11-26.560 : RJS 5/13 no 344). Le salarié démissionnaire pourra engager une procédure judiciaire pour exiger soit sa réintégration, soit obtenir des indemnités : indemnités de licenciement, de préavis et dommages-intérêts (au minimum six mois de salaire quelles que soient son ancienneté et la taille de l'entreprise).
Il est fréquent qu'avant même la rupture le harcèlement détériore la santé du salarié, le conduisant à multiplier les arrêts de travail. Dans certains cas extrêmes, le salarié est poussé au suicide. Sur ce point, il a été jugé que la tentative de suicide d'un salarié à son domicile pendant un arrêt de travail peut être prise en charge au titre des accidents du travail s'il est établi que cette tentative est une conséquence du harcèlement subi (Cass. 2e civ. 22-2-2007 no 05-13.771 : RJS 5/07 no 666).
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