Chacun est responsable des dommages qu'il cause par sa faute, sa négligence ou son imprudence (C. civ. art. 1382 et C. civ.1383).
La mise en oeuvre de la responsabilité pour faute suppose la réunion de trois conditions :
- une faute doit avoir été commise ;
- la victime doit avoir subi un dommage ;
- la faute, la négligence ou l'imprudence doivent être la cause du dommage.
Il n'existe pas de définition générale de la faute.
Il y a évidemment faute lorsqu'une personne commet un acte expressément interdit par une règle de droit particulière. Commet par exemple une faute :
- celui qui conduit sans permis (infraction à l'article L 221-2 du Code de la route) ;
- la femme divorcée qui continue à porter le nom de son ex-mari, alors que le jugement de divorce le lui a interdit (violation du jugement de divorce) ;
- la personne qui contracte un second mariage alors qu'elle est déjà mariée (violation de l'article 147 du Code civil).
Il y a également faute lorsqu'une personne agit dans le seul but de nuire à autrui ; tel est le cas du propriétaire qui plante de longues piques acérées sur son propre terrain uniquement pour crever les montgolfières de son voisin (Cass. 1e civ. 3-8-1915 no 00-02.378). L'intention de nuire oblige en outre l'auteur du dommage à indemniser lui-même la victime, puisque les dommages intentionnels ne sont pas assurables.
Mais la notion de faute est beaucoup plus large que cela : il y a faute chaque fois qu'une personne a un comportement anormal par rapport à celui qu'aurait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. Une personne raisonnable ne court pas pour attraper son autobus, ne skie pas trop vite, ne renverse pas d'objets dans les magasins, etc. Les tribunaux vont parfois très loin. Ainsi, constitue une faute le fait pour un alpiniste d'entraîner involontairement dans sa chute un autre grimpeur (Cass. 2e civ. 18-5-2000 no 98-12.802 : Bull. civ. II no 85).
SavoirBien que ce soit relativement rare, il peut y avoir faute par abstention. C'est le cas :
- lorsqu'une règle de droit particulière imposait d'agir. Par exemple, commet une faute celui qui néglige d'appeler les secours alors qu'il est en présence d'un blessé : la non-assistance à personne en danger est pénalement sanctionnée par l'article 223-6 du Code pénal ;
- lorsque une personne raisonnable ne se serait pas abstenue. Est par exemple fautif le barreur d'un voilier qui n'impose pas le port du gilet de sauvetage à ses passagers (Cass. 2e civ. 10-4-1991 no 90-12.009 : Bull. civ. II no 122).
Oui. Un enfant, même très jeune, peut commettre une faute et voir sa responsabilité civile engagée. Par exemple commet une faute un enfant de sept ans qui éborgne son camarade en jouant avec un arc et des flèches (Cass. 2e civ. 23-11-1972 no 71-11.377 : Bull. civ. II no 297).
De la même façon, une personne dont les facultés mentales sont altérées peut voir sa responsabilité pour faute retenue. Peu importe qu'elle soit placée sous un régime de protection des majeurs. La démence est une cause d'irresponsabilité en matière pénale, mais pas en matière civile. Par exemple, un tuteur demande et obtient l'annulation d'un acte passé par un majeur ; mais ce dernier ayant commis une faute lors de la passation de l'acte (il a affirmé ne pas faire l'objet d'une mesure de protection) il est condamné à verser à son cocontractant des dommages-intérêts d'un montant équivalent à celui qu'il aurait dû payer si l'acte n'avait pas été annulé (Cass. 1e civ. 28-1-2003 no 00-12.498).
Ces règles sont certes paradoxales, mais elles sont destinées à permettre l'indemnisation des victimes. La notion de faute ne vise pas la faute au sens commun du terme, mais le comportement objectivement anormal, apprécié par rapport à celui qu'aurait eu une personne raisonnable.
Pour obtenir réparation, la victime doit prouver que l'auteur du dommage a commis une faute : négligence, imprudence, maladresse, malveillance délibérée, etc. Cette preuve peut être apportée par tous moyens : témoignages, courriers, photos, etc.
A noter cependant que la victime est dispensée d'apporter la preuve de la faute lorsqu'une infraction pénale est à l'origine du dommage : l'existence de la faute est acquise dès lors qu'il y a condamnation pénale. Par exemple, la victime d'une fracture de la mâchoire n'a pas à prouver de faute si son agresseur est condamné pour coups et blessures à son encontre.
Pour pouvoir être indemnisée, la victime doit avoir subi un dommage ; il ne suffit pas qu'une faute ait été commise. Par exemple, celui qui fait construire un poste de chasse à la palombe en violation d'un arrêté ministériel commet une faute, mais si ses voisins ne subissent aucune gêne, ils ne pourront pas demander des dommages-intérêts (Cass. 2e civ. 18-12-2003 no 02-13.092 : Bull. civ. II no 405).
Pour obtenir réparation, la victime devra donc prouver qu'elle a subi un dommage. Tous les moyens de preuve sont possibles : témoignages, photos, rapports médicaux, expertises, etc.
Les dommages sont classés en deux grandes catégories :
- le dommage matériel est une atteinte aux intérêts financiers de la victime : cela va du vêtement abîmé à la perte financière due à une incapacité de travail ;
- le dommage moral est une atteinte aux intérêts non financiers de la victime : souffrances physiques, impossibilité de pratiquer un loisir après un accident, préjudice esthétique dû à des cicatrices, douleur d'avoir perdu un être cher, atteinte portée à l'honneur, etc. Par exemple, cause un préjudice moral à deux policiers le conducteur qui, lors d'un contrôle de police, n'accepte de décliner son identité qu'en présence du supérieur hiérarchique des policiers (Cass. 2e civ. 12-5-2005 no 04-12.072). Le dommage moral pose essentiellement un problème d'évaluation : les juges peuvent allouer un euro symbolique ou une indemnité substantielle.
La victime peut d'ailleurs avoir subi à la fois un préjudice matériel et un préjudice moral. Dans ce cas, très fréquent s'agissant des dommages corporels, elle demandera réparation des deux préjudices.
SavoirIl y a parfois plusieurs victimes :
- une victime directe, par exemple, le piéton écrasé par un chauffard ivre ;
- et une victime par ricochet. La femme du piéton écrasé peut obtenir réparation de son dommage moral (chagrin dû à la mort de son mari) et financier (perte de revenus). De même, la sécurité sociale pourra demander au chauffard le remboursement des prestations qu'elle a versées.
Pour être indemnisable, un dommage doit être certain. Un préjudice qui ne serait qu'éventuel n'est pas indemnisable. Par exemple, un contribuable ne peut pas réclamer d'argent sous prétexte que les malversations du maire de sa commune rendent vraisemblable une augmentation des impôts locaux.
Dommage certain ne signifie pas nécessairement dommage immédiat : le préjudice futur est réparable, si l'on est sûr qu'il se produira. Par exemple, peut prétendre à être indemnisée de la perte de revenus qu'elle subira dans le futur la personne qui arrête de travailler pour s'occuper bénévolement de son frère qui est devenu aveugle après un accident de chasse et qui a besoin d'une tierce personne pour l'assister dans les gestes de la vie quotidienne (Cass. 2e civ. 4-7-2013 no 10-12.164).
Intermédiaire entre le préjudice certain et le dommage éventuel, la perte d'une chance est parfois réparable. C'est le cas lorsque la probabilité de réalisation de l'événement escompté était importante. Par exemple, l'étudiant qui devient tétraplégique à la veille d'achever ses études supérieures pourra réclamer l'indemnisation du préjudice résultant de ce qu'il n'a plus guère de chances de parvenir à une situation enviable. La réparation devra être à la mesure de la chance perdue, et sera donc inférieure à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée (Cass. 2e civ. 11-9-2014 no 13-10.414). Dans notre exemple, les juges ne peuvent pas tenir pour acquis que l'étudiant aurait obtenu un poste de cadre supérieur et l'indemniser de la perte de salaire correspondante.
La victime d'un dommage corporel subit à la fois un préjudice matériel et un préjudice moral, qui sont tous deux indemnisables.
La victime peut bien sûr demander le remboursement des frais qu'elle a dû supporter, notamment des frais médicaux. Elle peut également obtenir une indemnisation pour la perte de revenus qu'elle subit pendant le temps où elle est incapable de travailler :
- tant que son état s'améliore, il lui est fixé un taux d'incapacité temporaire de travail, l'indemnisation étant évaluée en fonction de la perte de revenus enregistrée ;
- lorsqu'il est vraisemblable que l'état de la victime ne s'améliorera plus malgré les soins qui lui sont prodigués (on parle de consolidation), il est fixé un taux d'incapacité permanente.
Les taux d'incapacité sont fixés par des médecins-experts, qui tiennent compte des caractéristiques de la victime (par exemple, l'amputation du bras droit handicape plus un droitier qu'un gaucher, l'ablation des cordes vocales gêne plus un enseignant qu'un dessinateur). Il n'existe pas de barème d'indemnisation. Les juges évaluent le dommage en fonction de plusieurs critères, notamment l'âge de la victime. Par exemple, pour un même taux d'incapacité permanente de 70 %, a été octroyé l'équivalent de 110 000 € à un homme de 60 ans et de 230 000 € à un homme de 28 ans.
Si l'état de la victime s'aggrave après la date de consolidation, une indemnité complémentaire pourra bien sûr être demandée. Si son état s'améliore, le montant des dommages-intérêts qui lui ont été octroyés ne pourra pas être révisé à la baisse.
La victime d'un dommage corporel peut supporter différentes sortes de dommages moraux :
- souffrance physique (on parle de pretium doloris) ;
- préjudice d'agrément : impossibilité de pratiquer un loisir ou un sport après un accident, perte de certains sens (vue, odorat, etc.), impuissance sexuelle, etc. ;
- préjudice esthétique dû à des cicatrices, à une amputation, etc.
En l'absence de barème d'indemnisation, les souffrances morales sont évaluées par les juges à partir d'une échelle graduée de un à sept. Les montants attribués aux victimes sont extrêmement variables (par exemple et en moyenne 800 € pour des souffrances physiques de niveau un, 4 500 € pour des douleurs de niveau trois ou quatre et 30 000 €, voire davantage, pour des douleurs de niveau sept).
La troisième et dernière chose à prouver par la victime qui veut obtenir réparation est l'existence d'un lien de cause à effet entre la faute qu'elle invoque et le dommage qu'elle a subi : la faute doit avoir été la cause directe de son dommage.
La nécessité de ce lien de causalité semble être une évidence. En réalité, c'est souvent compliqué, parce qu'un dommage a rarement une seule cause : il survient à la suite d'un enchaînement ou d'un concours de circonstances. Les juges doivent alors essayer de faire la part des choses entre les multiples causes du dommage. Cela dit, ils apprécient très souplement l'exigence du lien de causalité : pour qu'une personne soit responsable, il suffit souvent de constater que le dommage ne se serait pas produit si elle n'avait pas commis de faute.
Il existe un lien de cause à effet :
- entre l'imprudence d'un piéton traversant un cortège de rollers et la chute d'un roller ayant tenté de l'éviter ;
- entre l'imprudence de l'occupant d'un appartement qui a fait changer le tuyau de sa gazinière par un non-professionnel et l'explosion de gaz qui a détruit l'immeuble ;
- entre la négligence du propriétaire d'un immeuble désaffecté qui n'a pas pris les précautions nécessaires pour empêcher l'accès au bâtiment et la chute d'un lycéen monté sur le toit ;
- entre la négligence d'un chasseur qui a laissé à la portée d'un profane un fusil chargé et non sécurisé et le décès accidentel d'un autre chasseur.
En revanche, il n'y a pas de lien de causalité :
- entre la faute commise par un automobiliste qui a oublié de fermer sa voiture à clé et l'accident provoqué par le voleur de la voiture ;
- entre la négligence de celui qui a oublié son chéquier dans un lieu public et l'impayé subi par le magasin dans lequel le voleur du chéquier a fait ses « achats » ;
- entre le fait de ne pas ranger des bougies et l'incendie provoqué par celles-ci après avoir été allumées par un tiers.
Il arrive que l'état de santé de la victime rende grave un dommage qui aurait été bénin, ou en tout cas moins grave, chez une personne « normale ». Les juges ne doivent pas tenir compte de cette prédisposition de la victime.
Par exemple, donne droit à réparation le décès d'une personne cardiaque après un accident, même si celui-ci était sans gravité : le fait que la personne n'en serait pas morte si elle avait été en bonne santé est sans influence sur l'indemnisation due par l'auteur de l'accident (Cass. crim. 30-1-2007 no 05-87.617 : Bull. crim. no 23).
Celui qui détient des biens qui prennent feu n'est responsable vis-à-vis des tiers que si l'incendie est dû à sa faute ou à celle des personnes dont il est responsable (C. civ. art. 1384, al. 2). Par exemple, le propriétaire de palettes dans lesquelles un feu a pris naissance est responsable de la propagation d'incendie, alors même que le feu est d'origine criminelle ; le propriétaire a commis une faute en entreposant les palettes dans un lieu non clôturé (Cass. 2e civ. 8-2-2001 no 99-14.636).
Cette règle spéciale est défavorable aux victimes, parce qu'elles doivent démontrer qu'une faute est à l'origine de l'incendie pour pouvoir obtenir des dommages-intérêts. Pour cette raison, la suppression de l'article 1384, alinéa 2 du Code civil est envisagée (tout le monde la souhaite, sauf les assureurs) et les tribunaux appliquent le texte avec la plus grande réticence. Par exemple :
- si des étincelles s'échappent du moteur d'une moissonneuse-batteuse et mettent le feu à la propriété voisine, il ne s'agit pas d'une propagation d'incendie et le gardien de l'engin agricole est responsable de plein droit (Cass. 2e civ. 15-12-1976 no 75-12.122 : Bull. civ. II no 334) ;
- si le passager d'un bateau en feu se jette à l'eau et se noie, le dommage n'a pas été causé par l'incendie et le gardien du bateau est responsable de plein droit (Cass. 2e civ. 27-2-1991 no 89-19.932).
Ajoutons pour finir que des règles spécifiques s'appliquent lorsque l'incendie provient d'une automobile.
Oui, en prouvant que, contrairement à ce que prétend la victime, aucune faute n'a été commise ou que, si faute il y a eu, cette faute n'a pas été la seule cause du dommage. En pratique, cela revient souvent à démontrer que le dommage est dû à un cas de force majeure ou, au moins pour partie, à la faute de la victime ou d'un tiers.
La preuve peut être apportée par tous les moyens possibles : témoignage, expertise, déclaration de catastrophe naturelle, etc.
Attention, des règles particulières s'appliquent aux accidents de la circulation. Pour améliorer l'indemnisation des victimes, tout spécialement quand il s'agit d'enfants, les causes habituelles d'exonération de responsabilité (force majeure, faute d'un tiers, etc.) ne sont pas toujours applicables.
Il y a force majeure lorsque le dommage est dû à un événement à la fois imprévisible, irrésistible, c'est-à-dire inévitable, et extérieur à l'auteur du dommage.
Par exemple, les dommages causés à une propriété par la chute d'arbres durant un épisode orageux dont la violence exceptionnelle n'avait pas été prévue par Météo France sont dus à un cas de force majeure (Cass. 2e civ. 16-9-2010 no 09-66.800).
En revanche, les dégâts causés par un bateau ayant rompu ses amarres lors d'une tempête annoncée par Météo France ne sont pas dus à un cas de force majeure puisque la tempête n'était pas imprévisible. Le propriétaire du bateau, qui aurait dû prendre les précautions nécessaires pour éviter les dégâts, doit réparer les dommages subis par la victime (Cass. 2e civ. 2-4-2009 no 07-22.005).
Par son comportement, la victime a parfois contribué à la réalisation de son préjudice. Si la faute de la victime est la cause exclusive de son dommage, le responsable présumé sera exonéré de toute responsabilité. Par exemple, celui qui va se baigner alors que cela est interdit est responsable de sa noyade ; ses héritiers ne pourront pas invoquer une faute du propriétaire du plan d'eau. De même, l'ancien artisan couvreur qui monte sur un toit pour aider un ami à réparer une toiture est responsable des blessures occasionnées par sa chute : en tant qu'ancien professionnel, il aurait dû prendre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité ; ses héritiers ne pourront pas demander réparation au propriétaire du toit.
Le plus souvent, la faute de la victime entraîne un partage de responsabilité, les juges estimant que le dommage est dû à une faute commune. La part de responsabilité de chacun est appréciée par les tribunaux en fonction de la gravité des fautes respectives. Partage par moitié, par exemple, dans un cas où la victime, qui a voulu accrocher un tableau chez un ami, est montée sur une chaise sans s'assurer que cette chaise pouvait supporter son poids. Même solution à l'encontre de la victime qui a accepté de se faire conduire par une personne ivre.
L'auteur présumé d'un dommage peut s'exonérer de sa responsabilité en prouvant que c'est en réalité la faute d'un autre qui a causé le dommage.
Si la faute du tiers est la cause exclusive du dommage, c'est le tiers qui en assumera l'entière responsabilité. Par exemple, le propriétaire d'une maison n'encourt aucune responsabilité si la tuile qui a blessé la victime a été jetée par une autre personne montée sur le toit.
En pratique, les cas d'exonération totale de responsabilité de l'auteur présumé du dommage sont rares. Le plus souvent, les tribunaux retiennent un partage de responsabilité, en fonction de la gravité des fautes de chacun.
SavoirS'il y a partage de responsabilité entre plusieurs personnes, la victime n'est pas obligée de poursuivre séparément les différents responsables pour obtenir le paiement des dommages-intérêts. Elle peut demander l'intégralité des dommages-intérêts à l'un quelconque des fautifs (on parle de responsabilité in solidum). Celui qui a payé les réparations pourra ensuite se faire rembourser la part non mise à sa charge en exerçant un recours contre le ou les autres responsables.
Il y a état de nécessité lorsqu'une personne commet un dommage pour en empêcher un plus grave. Par exemple, une personne brise la porte de ses voisins afin de secourir un des occupants de la maison. Dans cette hypothèse, l'auteur du dommage ne devra pas rembourser la porte : il n'a pas commis de faute puisqu'il a agi en bon père de famille.
En pratique, celui qui veut engager la responsabilité des parents d'un enfant doit prouver :
- que l'enfant est à l'origine du dommage qu'il a subi ;
- que l'enfant vivait avec ses parents au moment des faits ;
- que les parents disposaient de l'autorité parentale sur l'enfant au moment des faits.
Si la victime prouve que ces trois conditions sont réunies, les parents de l'enfant sont responsables. Il s'agit d'une responsabilité de plein droit, ce qui signifie que la victime n'a pas à prouver que les parents ont commis une faute.
Si la 2e ou la 3e condition font défaut, la responsabilité des parents peut être recherchée, mais il ne s'agit pas d'une responsabilité de plein droit : la victime doit prouver que les parents ont commis une faute dans la surveillance ou l'éducation de leur enfant et que cette faute a été à l'origine de son dommage.
Il va de soi que si l'enfant était majeur ou mineur émancipé au moment où il a commis le dommage, ses parents ne seront responsables de rien. Rappelons qu'un mineur émancipé répond de ses actes dans les mêmes conditions qu'un majeur.
ConseilLes dommages causés par les enfants peuvent être lourds de conséquences et les parents n'ont pratiquement aucun moyen d'échapper à leur responsabilité. Ils ont donc tout intérêt à souscrire une assurance de responsabilité civile les garantissant, ainsi que leurs enfants, des préjudices que ces derniers pourraient causer. En cas de dommage, l'assurance assumera le coût des réparations.
Pour que les parents soient responsables, il suffit que le dommage ait été directement causé par le fait, même non fautif, de l'enfant. Par exemple, dans une affaire où un enfant qui circulait à rollers en bordure d'une piste cyclable avait été heurté par un cycliste qui s'était blessé, l'enfant a été considéré comme étant la cause directe du dommage alors même qu'il n'avait commis aucune faute.
Les parents sont également responsables si le dommage a été causé par une chose dont l'enfant était le gardien. Par exemple l'enfant a brisé une vitre en jouant avec son ballon.
La responsabilité de plein droit des parents suppose que leur enfant habite avec eux. Cela dit, cette condition ne doit pas être interprétée littéralement, loin de là : il y a cohabitation alors même que l'enfant n'habite pas en permanence chez ses parents.
Par exemple, ne fait pas cesser la cohabitation entre les parents et l'enfant :
- le séjour de l'enfant en colonie de vacances ;
- le fait que l'enfant réside dans un pensionnat : l'internat ne constitue qu'une modalité d'exercice de la scolarité ;
- le fait pour les parents d'avoir confié temporairement leur enfant à un centre médico-pédagogique.
En revanche, fait cesser la cohabitation entre l'enfant et son père la décision du juge du divorce qui a fixé la résidence habituelle de l'enfant chez sa mère. Dans cette hypothèse, la responsabilité de plein droit incombe au seul parent chez qui réside habituellement l'enfant (Cass. crim. 29-4-2014 no 13-84.207). La responsabilité de l'autre parent pourra toutefois être engagée si la victime prouve qu'il a commis une faute de surveillance pendant que l'enfant se trouvait avec lui.
SavoirCertains enfants vivent chez leurs grands-parents ou chez un autre membre de leur famille. Dès lors qu'il ne s'agit pas des parents au sens strict, ces personnes ne sont pas responsables de plein droit des dommages causés par les enfants : leur responsabilité ne pourra être recherchée que si la victime prouve qu'ils ont commis une faute, notamment dans la surveillance ou l'éducation de l'enfant.
Les parents ne sont responsables de plein droit que s'ils sont investis de l'autorité parentale sur leurs enfants :
- dans le cas où les deux parents ont l'autorité parentale, ils sont tous les deux solidairement responsables (sauf si la résidence de l'enfant a été fixée judiciairement chez un seul des parents). La victime peut réclamer le paiement intégral de ses dommages-intérêts au père ou à la mère (ou la moitié à chacun), comme elle préfère ;
- si un seul des parents détient l'autorité parentale, c'est sur lui seul que pèse la responsabilité de plein droit. L'autre parent ne peut voir sa responsabilité engagée que si la victime prouve qu'il a commis une faute de surveillance pendant que son enfant se trouvait avec lui. Si la victime prouve cette faute, les deux parents seront là encore solidairement tenus au paiement des dommages-intérêts.
Lorsque les conditions de mise en jeu de leur responsabilité sont réunies, les parents ne peuvent pas y échapper : ils devront indemniser les victimes même s'ils ont parfaitement élevé et surveillé leur enfant.
En fait, la Cour de cassation prévoit deux causes d'exonération totale des parents : la force majeure et la faute imprévisible et irrésistible de la victime. Mais ces deux causes d'exonération n'ont jamais été retenues et on voit d'ailleurs mal comment elles pourraient l'être.
Si l'exonération totale des parents est quasi impossible, un partage de responsabilité est en revanche courant. Tel sera le cas :
- s'il y a eu faute de la victime : par exemple, une fillette de huit ans qui se crève un oeil en heurtant la balançoire de sa camarade est responsable de la moitié de son dommage du fait de l'imprudence qu'elle a commise en s'approchant trop près d'une balançoire en mouvement. Elle ne peut réclamer d'indemnisation aux parents de l'enfant qui était sur la balançoire que pour la moitié de son préjudice (Cass. 2e civ. 19-2-1997 no 94-19.726 : Bull. civ. II no 54) ;
- s'il y a eu faute d'un tiers : par exemple, la responsabilité du coup de poing porté par un collégien au cours d'une chute des enfants qui ont glissé parce qu'il pleuvait dans le gymnase doit être partagée entre les parents de l'auteur du coup de poing et l'Etat : les enseignants ont commis une faute en n'arrêtant pas la dispute et en ne prévenant pas les élèves que le sol était glissant.
Rappelons qu'en cas de partage de responsabilité la victime peut demander le paiement intégral de ses dommages-intérêts à l'un ou l'autre des responsables.
SavoirEn théorie, les parents qui indemnisent la victime ont un recours contre leur enfant : ils peuvent lui réclamer le remboursement de ce qu'ils ont dû payer. En pratique, ce recours n'est que très rarement exercé. A noter d'ailleurs que pour les parents qui sont assurés, le contrat d'assurance exclut toujours la possibilité d'exercer ce recours.
Les enfants ne sont pas en permanence avec leurs parents : ils sont à l'école, chez leurs grands-parents, chez une assistante maternelle, etc. Toutes ces personnes peuvent voir leur responsabilité engagée à raison des dommages causés par l'enfant qui leur a été confié. Mais à la différence des parents, elles ne sont responsables que si elles ont commis une faute, cette faute devant être prouvée par la victime.
La victime peut rechercher à la fois la responsabilité des parents (responsabilité de plein droit) et celle de la personne à qui a été confié l'enfant à l'origine du dommage (responsabilité pour faute). Elle ne sera évidemment pas indemnisée deux fois du même préjudice, mais cette double responsabilité est une sécurité. En outre, rappelons que si les juges décident d'un partage de responsabilité, la victime peut se faire payer tous ses dommages-intérêts par l'un quelconque des responsables.
Les instituteurs sont responsables des dommages causés par les élèves placés sous leur surveillance (C. civ. art. 1384, al. 6). Le terme d'instituteur doit ici être entendu au sens le plus large ; il désigne l'ensemble des enseignants et pas seulement ceux du primaire, les directeurs d'établissement, l'infirmière scolaire, les personnes chargées de la surveillance des enfants et même les employés municipaux mis à la disposition des écoles en qualité d'aides pédagogiques, à la fois dans les établissements publics et dans les établissements privés sous contrat d'association avec l'Etat.
La responsabilité de l'instituteur peut être engagée pour les dommages causés ou subis par les élèves s'il a commis une faute, notamment dans la surveillance des enfants. Commet par exemple une faute l'instituteur qui n'empêche pas les élèves de jouer à un jeu dangereux, celui qui laisse sciemment sans surveillance des élèves de 15 ans ou encore celui qui avance l'heure de sortie de l'école sans en avertir les parents.
La faute de l'instituteur doit être prouvée par la victime ou par son représentant légal (ses parents le plus souvent).
L'action en justice doit être dirigée contre le préfet du département : si la responsabilité de l'instituteur est retenue, c'est l'Etat qui indemnise la victime.
L'assurance scolaire a pour objet de prendre en charge les conséquences financières des dommages causés ou subis par les enfants pendant qu'ils sont à l'école. Elle comprend généralement :
- une garantie de responsabilité civile, pour les dommages que les enfants peuvent causer ;
- une individuelle accident, pour les dommages dont les enfants peuvent être victimes. L'indemnisation intervient même si l'enfant s'est blessé lui-même ou si les responsables de son dommage ne sont pas identifiés.
Bien que ce soit vivement conseillé, vous n'avez aucune obligation d'assurer vos enfants pour leurs activités scolaires obligatoires. En revanche, vous devez les assurer pour qu'ils puissent participer aux activités extrascolaires facultatives : visites, voyages, sports (autres que ceux relevant du programme scolaire) et d'une façon générale toutes les sorties incluant la pause déjeuner ou dépassant les horaires de la classe.
La plupart des assurances multirisque-habitation couvrent les dommages causés par les enfants à l'occasion de leurs activités scolaires et extrascolaires. Aussi, avant de souscrire une assurance spécifique, mieux vaut vérifier que vos enfants ne sont pas déjà couverts. Si nécessaire, renseignez-vous auprès de votre assureur : il est souvent possible d'obtenir une extension de garantie (garantie individuelle accident) à un prix avantageux.
L'employeur est responsable de tous les dommages causés par ses salariés dans l'exercice de leurs fonctions (C. civ. art. 1384, al. 5). La victime peut lui demander réparation si elle prouve que les deux conditions suivantes sont réunies (Cass. ass. plén. 25-2-2000 no 97-17.378 : Bull. ass. plén. no 2) :
- l'acte commis était de nature à engager la responsabilité personnelle du salarié ;
- l'acte commis se rattachait aux fonctions confiées au salarié.
Si ces deux preuves sont rapportées, la victime sera indemnisée par l'employeur. Ce dernier ne pourra pas s'exonérer en prouvant qu'il n'a commis aucune faute dans le recrutement, la formation ou l'encadrement de son salarié.
Pour poursuivre l'employeur, la victime n'a pas à mettre en cause le salarié. Mais elle doit prouver que l'acte qu'il a commis était de nature à engager sa responsabilité, ce qui suppose la réunion de trois conditions.
Le salarié doit d'abord avoir commis une faute. Il peut par exemple avoir agi :
- par simple maladresse : l'employée de maison fait tomber un pot de fleurs sur un passant en nettoyant le balcon, l'ouvrier abat un arbre qui s'écrase sur une maison voisine, etc. ;
- en désobéissant aux consignes : la baby-sitter cause un accident pendant la sieste des enfants, heure à laquelle elle n'était pas censée quitter la maison ;
- sciemment : l'employé commet un vol pendant ses heures de travail.
Une fois que la victime a prouvé la faute du salarié, il lui reste à prouver, comme on l'a vu au début de ce Dossier, qu'elle a subi un dommage et qu'il existe un lien de causalité entre la faute commise par le salarié et son dommage.
Même en l'absence d'un contrat de travail, les juges retiennent parfois la responsabilité d'une personne en raison des dommages causés par une autre. C'est le cas lorsqu'une personne donne des directives à une autre pour accomplir une tâche particulière.
Ainsi, le propriétaire qui demande à son locataire d'effectuer des travaux est responsable des dommages causés par le locataire. De même, l'association de chasse qui organise une découpe de gibier est responsable des blessures causées à l'un de ses adhérents par un autre pendant cette découpe.
Sachez que si vous faites appel à un ami pour vous aider dans des travaux domestiques (déménagement, peinture, etc.), vous pouvez être déclaré responsable des dommages causés par cet ami pendant qu'il vous apporte son aide. Vous avez donc tout intérêt à vérifier que votre assurance de responsabilité civile couvre bien les dégâts causés par les aides bénévoles. Si ce n'est pas le cas, mieux vaut demander une extension de garantie.
Puisqu'il faut que le dommage soit imputable au salarié, l'employeur peut s'exonérer, en totalité ou en partie, s'il prouve que le dommage est dû :
- à la faute d'un tiers : les vitres ont été cassées par un passant, et non par ses ouvriers ;
- à la faute de la victime : la victime de l'accident était montée dans le camion alors qu'elle savait que le chauffeur n'avait pas le droit de prendre de passagers ;
- à un cas de force majeure : la chute de l'échafaudage est due à une violente tempête, pas à une erreur de montage.
Il convient de distinguer trois situations :
- le salarié a agi dans l'exercice de ses fonctions et conformément à la mission qui lui a été confiée par son employeur : la victime ne peut engager que la responsabilité de l'employeur. Par exemple, l'employeur est seul responsable des dommages causés à des plantations par un pilote d'hélicoptère ayant procédé à un épandage malgré des conditions climatiques très défavorables. Par exception, dans le cas où le salarié a commis une infraction pénale ou une faute intentionnelle, la victime de l'infraction peut demander réparation tant à l'employeur qu'au salarié ;
- le salarié a agi dans l'exercice de ses fonctions mais à des fins étrangères à ses attributions : l'employeur et le salarié sont solidairement responsables ;
- le salarié a agi hors de ses fonctions, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions : la victime ne peut engager que la responsabilité du salarié.
De fait, les tribunaux concluent presque toujours à la responsabilité de l'employeur. Par exemple, jugé qu'un employeur est responsable des agressions sexuelles commises par son salarié sur son lieu de travail et pendant son temps de travail car le salarié a trouvé à cette occasion les moyens et l'opportunité de commettre le délit (Cass. 2e civ. 17-3-2011 : Bull. civ. II no 69).
Si le salarié possède une assurance de responsabilité civile professionnelle (cas de nombreux professionnels de santé), la victime peut agir contre l'assureur du salarié alors même qu'elle ne peut pas agir contre le salarié lui-même (Cass. 1e civ. 12-7-2007 nos 06-12.624 et Cass. 1e civ.06-13.790 : Bull. civ. I no 270).
En matière de responsabilité civile, la notion de chose est extrêmement large, puisqu'elle recouvre tout ce qui n'est pas humain : une trottinette, une porte, un crochet, un escalier, une falaise, un immeuble, les pales d'un hélicoptère, un arbre, des poussières, etc.
Certaines choses sont soumises à des régimes particuliers de responsabilité. C'est le cas des véhicules, des produits défectueux, des animaux et des bâtiments en ruine.
La loi prévoit que c'est le gardien de la chose (C. civ. art. 1384, al. 1). Les juges définissent le gardien comme la personne qui a l'usage, le contrôle et la direction de la chose.
En pratique, le gardien est souvent le propriétaire. Par exemple, le propriétaire d'un terrain est gardien des arbres qui s'y trouvent ; il engage sa responsabilité si l'un des arbres s'abat sur la route et provoque un accident de la circulation (CA Lyon 20-9-2012 no 11/03489).
Le gardien est parfois une personne autre que le propriétaire. Par exemple, celui qui a prêté sa voiture ou se l'est fait voler n'en est plus le gardien : ce sera l'emprunteur ou le voleur. Le gardien peut également être le locataire, voire l'utilisateur temporaire de la chose. Par exemple, le client d'un supermarché est le gardien du chariot qu'il utilise ; il est de ce fait responsable des dommages qu'il a causés avec le chariot. De même, le locataire est responsable du dommage causé par un volet de l'appartement tombé sur une voiture.
Les termes d'usage, de contrôle et de direction utilisés par les juges ne doivent pas être pris au pied de la lettre : un enfant, même très jeune, peut être le gardien d'une chose. Par exemple, un enfant de trois ans a été déclaré responsable des blessures infligées à un de ses camarades : il a été jugé gardien du bâton qui avait éborgné l'autre enfant.
En revanche, un salarié dans l'exercice de ses fonctions n'est jamais gardien de la chose qui a causé le dommage. Seul son employeur est responsable, selon les règles que l'on a précédemment exposées.
L'intérêt de la responsabilité dite du fait des choses est d'être une responsabilité sans faute, ce qui place la victime dans une situation privilégiée : elle n'a pas à prouver que celui qui est à l'origine de son dommage a commis une faute, mais seulement qu'il était le gardien de la chose qui a causé son dommage. Mieux : elle n'a bien souvent même pas à prouver que la chose a été la cause de son dommage.
Elle doit donc seulement prouver qu'elle a subi un dommage.
Non, ce n'est pas indispensable. Par exemple le client publiquement suspecté de vol du fait du déclenchement intempestif de la sonnerie du portail électronique de sécurité peut demander réparation au magasin, gardien du portail électronique (Cass. 2e civ. 1-4-1999 no 97-17.951 : Bull. civ. II no 66).
Cela dit, si l'absence de choc entre la chose et la victime n'empêche pas la mise en cause de la responsabilité du gardien, le fait qu'il y ait ou non contact a une conséquence en matière de preuve :
- dans le cas, le plus fréquent, où le dommage résulte d'un contact avec la victime, celle-ci n'a pas à démontrer que la chose est matériellement intervenue dans la réalisation de son dommage. Le seul fait de l'accident fait présumer cette intervention ;
- en l'absence de contact, la victime doit prouver que la chose est bien matériellement intervenue dans la réalisation de son dommage. En pratique, elle devra démontrer que la chose a eu une position ou un fonctionnement anormal : le ballon n'aurait pas dû rouler sur la route, le portail n'aurait pas dû sonner, etc.
Un accident se produit parfois avec une chose inerte : une vitrine (la victime est passée au travers), un escalier (la victime est tombée), etc. Mais le plus souvent, s'il y a eu un dommage, c'est bien parce que la chose était en mouvement : l'arbre est tombé sur la victime, le vélo l'a percutée, la bouteille de gaz lui a explosé à la figure, etc.
La différence entre les deux situations se manifeste encore une fois sur le terrain de la preuve à apporter par la victime :
- lorsque la chose bouge, elle est présumée avoir été la cause du dommage et la victime n'a rien à prouver ;
- quand la chose est inerte, la victime doit faire constater par les juges que la chose présentait un caractère anormal. Par exemple, présente un caractère anormal un carrelage mouillé sur lequel la victime a glissé (Cass. 2e civ. 7-4-2005 no 04-12.218). En revanche, la présence dans un parking d'un muret blanc délimitant un chemin d'accès piétonnier ne présente pas un caractère anormal lorsque ce muret, dont la couleur tranche avec le gris foncé du bitume, est parfaitement visible ; la victime ne peut donc pas demander réparation au propriétaire du parking (Cass. 2e civ. 29-3-2012 no 10-27.553 : Bull. civ. II no 66). De même, dans une affaire où un adolescent, en voulant sauter dans une piscine depuis le toit d'un abri situé à proximité, s'était empalé sur une tige en fer servant de tuteur à un arbuste, il a été jugé que la tige n'était pas en position anormale ; la demande de réparation des parents de l'adolescent au propriétaire de la piscine a donc été rejetée (Cass. 2e civ. 13-12-2012 no 11-22.582 : Bull. civ. II no 206).
Oui, mais très difficilement : il ne s'exonère pas s'il prouve qu'il n'a pas commis de faute, puisque la responsabilité du gardien est une responsabilité sans faute.
Pour s'exonérer, le gardien de la chose doit démontrer que, contrairement à ce que prétend la victime, la chose incriminée n'a pas été à l'origine du dommage, ce qui revient à établir que le dommage est dû en réalité :
- à la faute de la victime : elle est montée sur l'échelle sans vérifier que celle-ci pouvait supporter son poids ;
- à la faute d'un tiers : la victime a glissé dans l'escalier parce que quelqu'un l'a poussée ;
- à un cas de force majeure : l'arbre qui a écrasé la voiture est tombé à cause d'un ouragan.
La faute de la victime ou celle d'un tiers entraîne le plus souvent un partage de responsabilité. Il faut que ces fautes présentent les caractères de la force majeure pour autoriser l'exonération totale du gardien. Pour bénéficier de cette exonération, le gardien doit démontrer que la faute de la victime (ou du tiers) a été pour lui imprévisible et insurmontable, ce qui est très difficile en pratique.
Par exemple, n'est pas imprévisible pour un propriétaire le fait que des individus non identifiés pénètrent par effraction dans son entrepôt de carburant, brisent le pistolet de distribution d'une cuve de gasoil et laissent se déverser 16 000 litres de carburant dans une rivière. Le propriétaire a été condamné à indemniser la compagnie des eaux chargée de dépolluer la rivière (Cass. 2e civ. 22-5-2003 no 02-10.367 : Bull. civ. II no 155).
De même, n'est pas imprévisible pour un propriétaire le fait qu'un ami entre de nuit dans sa propriété sans y être invité, tombe et se blesse en raison du dénivelé du terrain.
La loi prévoit que c'est le propriétaire de l'animal ou celui qui s'en sert (C. civ. art. 1385). En fait, les règles sont celles que l'on vient de voir à propos des choses : c'est le gardien de l'animal qui devra indemniser les victimes. Il peut s'agir, par exemple, de la personne qui l'héberge, même pour quelques jours, ou du vétérinaire à qui l'animal a été confié. En revanche, celui qui promène le chien ou le lapin de l'un de ses amis n'en est pas le gardien : c'est le propriétaire de l'animal qui devra répondre des dommages.
Pour être indemnisée, la victime doit bien sûr démontrer qu'elle a subi un dommage et que ce dommage est dû à un animal dont elle peut désigner le gardien.
Dans la très grande majorité des cas, il y a eu un contact (douloureux) entre l'animal et sa victime : le chien a mordu, le chat a griffé, les abeilles ont piqué, etc. Ce contact, qui s'est traduit par des morsures, griffures, piqûres... prouve par lui-même le rôle de l'animal dans la réalisation du dommage.
Plus rarement, le dommage intervient en l'absence de tout contact matériel direct entre l'animal et la victime. Par exemple, un chien aboie violemment au passage d'un piéton qui sursaute, tombe et se blesse ; un cheval rue dans un mur dont des pierres se détachent, blessant dans leur chute les personnes stationnées de l'autre côté du mur, etc. Dans ces situations, l'absence de contact physique n'empêche pas la victime de poursuivre le gardien de l'animal. Mais elle devra démontrer que l'animal a été la cause de son dommage. Cette preuve se fait par tous moyens (témoignages, notamment).
Oui, mais uniquement dans les conditions que l'on a vues à propos de la responsabilité du fait des choses. Le gardien d'un animal ne peut donc s'exonérer de sa responsabilité que s'il établit que le dommage est dû à la faute d'un tiers, à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.
Par exemple, le chien a fait tomber un passant parce qu'il avait été effrayé par un violent coup de tonnerre (force majeure) ou par un pétard lancé par des enfants (faute d'un tiers) ; la victime a excité le chien alors qu'elle savait qu'il était dangereux (faute de la victime).
En revanche, le fait que l'animal se soit perdu ou échappé n'exonère pas son gardien : il ne s'agit pas d'un cas de force majeure (Cass. 2e civ. 2-4-1997 no 95-20.735 : Bull. civ. II no 101).
Comme en matière de responsabilité du fait des choses, la faute de la victime ou celle d'un tiers ne peut totalement exonérer le gardien de l'animal de sa responsabilité que si ces fautes présentent les caractères de la force majeure. Jugé par exemple que n'est pas imprévisible pour un propriétaire le fait qu'une personne entre dans sa propriété sans y être invité et se fasse mordre par le chien présent dans la cour (Cass. 2e civ. 27-3-2014 no 13-15.528). En revanche, est imprévisible pour le propriétaire le fait qu'une personne s'approche de l'animal pour le caresser alors qu'elle connaissait parfaitement les lieux et la férocité du chien (Cass. 2e civ. 19-2-1992 no 90-14.470).
Pour de multiples raisons, et notamment parce que :
- l'auteur du dommage n'est pas assuré et ne veut pas payer ;
- l'auteur du dommage est assuré mais son assureur refuse de payer : il prétend que son client n'est pas responsable (par exemple, il invoque la force majeure) ou que le sinistre n'est pas couvert (par exemple, le dommage était intentionnel, donc pas assurable) ;
- l'auteur du dommage est assuré mais la proposition d'indemnisation de l'assureur est insuffisante ;
- la victime veut une réparation en nature (insertion dans un journal, démolition d'un mur, etc.) que seul le juge a le pouvoir d'ordonner.
La victime directe elle-même, mais aussi ceux qui ont subi un préjudice par ricochet (par exemple, les enfants qui ont souffert moralement et économiquement de l'accident subi par leur mère). Lorsque la victime est morte, ses héritiers peuvent agir à un double titre :
- en qualité d'héritiers, ils peuvent poursuivre l'action de la victime et demander réparation du dommage matériel et moral qu'elle a elle-même subi ;
- en qualité de victimes par ricochet, ils peuvent le cas échéant demander des dommages-intérêts pour leur propre préjudice.
La victime a bien sûr la possibilité d'attaquer le responsable de son dommage. Mais la loi lui donne le droit d'agir directement contre l'assureur de responsabilité civile du responsable. En pratique, elle a tout intérêt à agir contre les deux à la fois.
Si le responsable du dommage est mort, l'action peut être intentée contre ses héritiers.
La victime peut agir soit devant les tribunaux civils soit, si l'auteur du dommage a engagé sa responsabilité pénale (coups et blessures, homicide involontaire, diffamation, etc.), devant les juridictions pénales en se constituant partie civile.
Sauf délais plus courts prévus par des textes particuliers (par exemple, 3 ans pour agir contre l'Etat lorsque le dommage est survenu à l'école), la victime a selon le cas 5 ou 10 ans pour engager la responsabilité civile de l'auteur de son dommage.
Les dommages causés par un bâtiment en ruine sont soumis à un régime spécifique de responsabilité civile. Le propriétaire du bâtiment est responsable si le dommage est dû à un défaut d'entretien ou à un vice de construction du bâtiment (C. civ. art. 1386).
La victime a le choix : elle peut engager la responsabilité du propriétaire et/ou celle du gardien du bâtiment (par exemple, le locataire de l'appartement). L'action à l'encontre du propriétaire sera fondée sur l'article 1386 du Code civil, celle à l'encontre du gardien du bâtiment sur l'article 1384, al. 1 du Code civil relatif à la responsabilité du fait des choses que l'on a sous sa garde (Cass. 2e civ. 22-10-2009 no 08-16.766 : Bull. civ. II).
Pour pouvoir demander réparation sur le fondement de l'article 1386 du Code civil, la victime doit démontrer :
- que c'est un bâtiment en ruine qui est à l'origine du dommage. La notion de bâtiment est entendue largement par les juges : il peut s'agir d'un mur, de la balustrade d'une terrasse, d'une rampe d'escalier, d'une toiture, etc. Quant à la ruine, elle suppose le délabrement ayant entraîné l'effondrement total ou partiel du bâtiment ;
- que la ruine du bâtiment est due à un défaut d'entretien ou à un vice de la construction.
Oui, mais difficilement. Il ne s'exonère pas en prouvant qu'il n'a pas commis de faute. En particulier, il n'échappe pas à sa responsabilité en prouvant que le défaut d'entretien est le fait du locataire. Il doit démontrer que, contrairement à ce que prétend la victime, le dommage n'est pas dû au mauvais état de son bâtiment mais à :
- une faute de la victime : celui qui s'amuse à faire tourner les ailes d'un moulin en ruine est responsable de la chute de l'aile ;
- la faute d'un tiers : la corniche de la maison ne s'est pas détachée toute seule ;
- un cas de force majeure : c'est la tempête qui a arraché le volet qui a blessé la victime.
Comme nous l'avons vu au début de ce Dossier, les juges retiennent souvent un partage de responsabilité en cas de faute de la victime ou de faute d'un tiers. Ainsi, est responsable pour un tiers de son préjudice la victime qui, fixant une antenne parabolique sur l'extérieur d'une des fenêtres de son appartement, est tombée d'une hauteur de 10 mètres, le garde-corps de la fenêtre ayant cédé sous son poids ; le propriétaire est responsable du dommage à hauteur des deux tiers restants pour défaut d'entretien et vice de construction du bâtiment (Cass. 2e civ. 8-2-2006 no 04-19.371).
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