Ce sont les règles qui organisent les relations financières et patrimoniales des époux entre eux et celles du couple avec les tiers.
Il existe deux types de régimes matrimoniaux :
- les régimes communautaires, qui associent les deux époux à la constitution et à la gestion d'un patrimoine commun ;
- les régimes séparatistes, dans lesquels seuls existent en principe des biens personnels que chaque époux gère de façon indépendante.
Les époux peuvent choisir leur régime matrimonial en passant un contrat de mariage devant un notaire. S'ils ne le font pas, la loi décide pour eux : ils sont automatiquement mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts.
Quel que soit leur régime matrimonial, tous les époux sont soumis à un tronc commun de règles obligatoires, souvent appelé régime primaire ou statut impératif de base. Ces règles fixent les droits et obligations minimaux des personnes mariées :
- en assurant une indépendance minimale à chaque époux : chacun a le droit d'exercer la profession de son choix, de percevoir lui-même ses revenus professionnels sur son propre compte bancaire, etc. ;
- en imposant un minimum de solidarité matérielle aux époux : les deux membres du couple doivent contribuer aux dépenses de la famille, payer les dettes domestiques, etc.
Nous allons voir ici les plus importantes de ces règles, qui sont prévues aux articles 212 s. du Code civil.
Dans tous les régimes matrimoniaux, les deux conjoints doivent contribuer au train de vie de la famille (C. civ. art. 214) : dépenses de logement, nourriture, vêtements, transport, santé, scolarité des enfants, loisirs, vacances, acquisition ou entretien de la résidence principale ou secondaire de la famille, etc. Un époux ne peut pas se dispenser de contribution.
La répartition des charges entre les deux époux est en principe proportionnelle à leurs facultés respectives. Elle est déterminée en fonction des ressources et des patrimoines de chacun.
La contribution aux dépenses familiales peut être acquittée en argent, mais elle peut aussi être fournie en nature. Contribue par exemple valablement aux charges du mariage l'époux qui loge sa famille dans un appartement qui lui appartient personnellement, celui qui assume les tâches ménagères et l'éducation des enfants ou apporte sa collaboration à l'activité professionnelle de l'autre.
C'est souvent le cas lorsque l'un des époux quitte le domicile familial. Il cesse alors de participer aux charges de la famille. L'époux resté seul peut bien sûr demander le divorce pour faute. Il peut aussi saisir le juge aux affaires familiales de son domicile pour lui demander de fixer le montant de la contribution due par son conjoint. L'avocat n'est pas obligatoire. La requête, qui peut se faire en utilisant le modèle Cerfa no 11525*05 « Demande de fixation d'une contribution aux charges du mariage », doit indiquer les démarches préalablement entreprises en vue de parvenir à un accord amiable. A défaut, le juge pourra proposer une médiation. La requête est déposée ou envoyée par courrier simple ou recommandé au tribunal de grande instance.
A réception de la demande, le greffe du juge convoque les deux époux à une audience à laquelle il est impératif de se présenter. Pour préparer cette audience, il faut :
- constituer un dossier présentant le budget détaillé de la famille avec les pièces justificatives ;
- adresser à son conjoint, par lettre recommandée avec avis de réception, une copie de tous les documents qui vont être remis au juge. Le conjoint doit, en retour, envoyer copie de ses propres documents.
Lors de l'audience, le juge entend les deux conjoints. Il rend ensuite sa décision.
S'il fait droit à la demande, le juge fixe le montant de la contribution qui prend, le plus souvent, la forme d'une pension alimentaire. Notons que la contribution couvre notamment les besoins relatifs à l'entretien et l'éducation des enfants.
Si le conjoint ne respecte pas la décision du juge qui a fixé la contribution aux charges du mariage, l'époux victime peut, pour se faire payer, recourir à la procédure du paiement direct en se rapprochant d'un huissier ou au recouvrement public.
Si, par la suite, la situation d'un des époux se modifie, il est possible de saisir à nouveau le juge aux affaires familiales pour demander une augmentation ou une diminution de la pension alimentaire. La requête se fait dans les mêmes formes que la demande initiale, en utilisant le modèle Cerfa no 11525*05 « Demande de fixation d'une contribution aux charges du mariage ».
Eliane Lechat
42, rue de Villiers
92300 Levallois-Perret
Monsieur Henri Lechat
38, rue du Lièvre
75014 Paris,
A Levallois-Perret, le 15 avril 2015
Henri,
Tu as choisi de partir, mais nous sommes toujours mariés. Tu dois, en conséquence, continuer de pourvoir aux dépenses de la famille.
Je te rappelle que nous avons deux emprunts qui courent et, si on y ajoute les charges de copropriété, les mensualités des impôts, la cantine des enfants, leurs vêtements et activités extra-scolaires ainsi que les autres dépenses courantes, nous arrivons à plus de 2 500 € de charges fixes par mois, auxquelles tu dois participer.
Tu connais mon salaire (2 000 €/mois). Le tien étant de 4 000 €/mois, il me semble juste que tu me verses 1 700 € au titre de ta contribution aux charges du mariage.
En espérant vivement que nous arrivions à nous mettre d'accord,
Eliane
Les dettes qui ont pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants engagent toujours solidairement les deux époux, même si seul l'un d'entre eux les a faites (C. civ. art. 220, al. 1). Pour ces dettes qualifiées de ménagères, le créancier peut donc réclamer l'intégralité de ce qui lui est dû à l'un ou l'autre des époux. Tel est le cas, par exemple, du paiement des loyers et factures de téléphone, eau ou électricité du logement familial (arriérés compris), des dépenses de santé, des cotisations obligatoires d'assurance maladie-maternité ou d'assurance vieillesse ou encore des salaires de l'employé de maison.
SavoirNe constituent pas des dettes ménagères celles qui n'ont aucune utilité familiale (par exemple, les dépenses de loisirs d'un seul époux ou les cotisations à un régime facultatif de retraite par capitalisation sans réversion au profit du conjoint), les opérations d'investissement (par exemple, l'achat d'un appartement, même destiné à constituer la résidence principale de la famille) ou les dettes professionnelles d'un conjoint. Le paiement de ces dettes ne peut donc jamais être poursuivi sur les biens propres du conjoint de l'endetté.
Même si elles ont un objet domestique, trois catégories de dettes n'engagent pas solidairement les deux époux s'ils ne les ont pas faites ensemble.
Première catégorie : les emprunts, sauf s'ils portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante. Les tribunaux font une appréciation au cas par cas de ces conditions : si l'acquisition d'une voiture ou d'une cuisine intégrée est généralement considérée comme répondant aux besoins de la vie courante, le caractère modeste de l'emprunt est apprécié en fonction des revenus du couple. Ainsi, une somme de 12 200 € peut être jugée modeste tandis que, dans une autre espèce, 4 600 € ne seront pas considérés comme tel. En présence de plusieurs emprunts, même si chacun porte sur des sommes modestes et nécessaires aux besoins de la vie courante, la solidarité est exclue si le montant cumulé des sommes empruntées est excessif au regard du train de vie du ménage.
Deuxième catégorie : les achats à tempérament, quel qu'en soit le montant. Ce sont, par exemple, les achats payés avec une carte de crédit délivrée par un magasin ou une chaîne de magasins, comme les cartes Cofinoga ou Printemps.
Troisième catégorie : les dettes excessives. Le caractère excessif d'une dette ménagère s'apprécie en fonction de trois critères :
- le train de vie de la famille. Par exemple, l'achat d'une télévision grand écran à 3 000 € sera considéré comme une dépense excessive pour un ménage aux revenus modestes ;
- l'utilité de l'opération. Des frais médicaux importants ne sont pas excessifs s'ils sont indispensables ;
- la bonne ou mauvaise foi du tiers. Il y a mauvaise foi, par exemple, si le vendeur sait que le prix dépasse les capacités financières du couple ou que le conjoint s'oppose à l'achat projeté.
Sans que cela résulte du régime primaire mais de dispositions spécifiques, les époux sont, quel que soit leur régime matrimonial, solidairement responsables du paiement des impôts suivants : l'impôt sur le revenu, l'impôt de solidarité sur la fortune et la taxe d'habitation à condition, pour cette dernière, qu'ils vivent effectivement ensemble.
Chaque époux est libre d'ouvrir à son nom tout type de compte (compte chèques, compte sur livret, compte à terme, compte-titres, etc.) et d'effectuer toute opération (dépôt ou retrait de fonds, acquisition ou vente de titres). Son conjoint n'a aucun droit de regard (C. civ. art. 221).
Pour garantir cette autonomie, il est prévu que :
- la banque n'a pas à vérifier que le titulaire du compte est bien le propriétaire des fonds dont il dispose. Ainsi, un époux a le pouvoir d'encaisser sur son compte personnel un chèque établi aux noms des deux conjoints et endossé (c'est-à-dire signé au dos) par chacun d'eux (Cass. 1e civ. 16-5-2013 no 12-12.207 : Bull. civ. I no 100) ;
- la banque doit exécuter les ordres du seul titulaire du compte. Elle doit refuser de transférer, sur le compte du mari et à la demande de ce dernier, des fonds déposés sur le compte personnel de l'épouse, même si ces fonds sont des biens communs (Cass. 1e civ. 29-6-2011 no 10-11.683 : RJDA 11/11 no 954). Inversement, la banque ne peut pas refuser une opération au motif qu'elle a reçu une opposition du conjoint. Pour bloquer le fonctionnement du compte, ce dernier doit obtenir une décision de justice, par exemple une saisie conservatoire.
L'autonomie des époux dans leurs rapports avec la banque ne les dispense pas de se devoir des comptes entre eux. Celui qui s'approprie des fonds communs ou appartenant à son conjoint devra le dédommager.
Et si la banque qui a laissé à tort un époux ponctionner le compte de son conjoint doit dans un premier temps rembourser ce dernier, elle ne manquera pas de se retourner contre l'époux indélicat (Cass. 1e civ. 8-7-2009 no 08-17.300 : Bull. civ. I no 163).
Les époux peuvent faire ce qu'ils veulent des biens meubles (bijoux, meubles, argent, titres, etc.) qu'ils ont en leur possession (C. civ. art. 222). Ils peuvent les vendre, les donner, les prêter, les louer, etc.
Le principe est que ces opérations sont valables, même si elles portent sur un bien appartenant à l'autre époux. Ce dernier peut seulement obtenir des dommages-intérêts.
Par exception, l'époux victime peut faire annuler le contrat s'il prouve que le tiers, par exemple l'acheteur, savait que le bien ne pouvait pas être vendu. C'est le cas :
- si l'opération porte sur des biens à l'évidence propres au conjoint (des vêtements, par exemple) ;
- lorsque l'époux propriétaire a prévenu le tiers qu'il s'opposait à l'opération, par exemple en lui adressant une lettre avec avis de réception en ce sens.
Les époux doivent obligatoirement décider ensemble de tous les actes qui risquent de priver la famille de sa résidence principale (C. civ. art. 215, al. 3) : vente, location, échange, hypothèque, donation, apport en société, etc.
Cette règle s'applique :
- même si le logement familial appartient à un seul époux : celui qui en est propriétaire à titre personnel ne peut pas le vendre sans l'accord de son conjoint. Il ne peut même pas résilier seul le contrat d'assurance multirisques habitation qui garantit le logement ;
- pendant toute la durée du mariage, y compris si les époux sont en train de divorcer. S'ils vivent séparément, la résidence de la famille reste celle que les époux avaient choisie d'un commun accord avant leur séparation.
L'époux qui n'a pas consenti à l'acte peut le faire annuler s'il justifie d'un intérêt actuel. Tel n'est pas le cas du conjoint qui, au jour de sa demande, est divorcé et ne réside plus dans le logement qu'il a quitté au cours de l'instance en divorce (Cass. 1e civ. 3-3-2010 no 08-13.500 : Bull. civ. I no 53). L'époux doit agir en justice, par l'intermédiaire d'un avocat, dans un délai d'un an à compter du jour où il a eu connaissance de l'acte et au plus tard un an après la dissolution du régime matrimonial. Il doit mettre en cause son conjoint et le tiers qui a passé l'acte avec lui. Faute d'avoir agi dans le délai d'un an, l'époux qui n'a pas consenti à l'acte ne peut plus demander la nullité mais il peut encore l'invoquer comme moyen de défense. Par exemple, si la banque agit pour faire vendre le logement familial en vertu d'une hypothèque signée par son conjoint, il pourra toujours s'opposer à cette vente en invoquant la nullité de l'hypothèque.
SavoirEn théorie, la protection du logement familial s'applique aussi aux meubles et objets qui se trouvent dans le logement familial : un époux a besoin de l'accord de son conjoint pour vendre, louer, donner... ces biens. En pratique, cette règle ne s'applique guère : les époux ayant tout pouvoir sur les biens meubles qu'ils ont entre les mains, ils peuvent en fait vendre les meubles de leur domicile ou les objets qui le garnissent, pour peu que leur acheteur soit de bonne foi, c'est-à-dire ignore que ces biens viennent du logement familial.
La loi prévoit que le bail d'habitation qui assure le logement de la famille appartient nécessairement aux deux époux, quel que soit leur régime matrimonial (C. civ. art. 1751). Il en va ainsi, sans formalité particulière, même si :
- la location a été conclue avant le mariage ;
- un seul époux a signé le contrat ;
- les époux se séparent.
En conséquence :
- les époux sont responsables ensemble du paiement des loyers et le restent en cas de séparation. Faute d'être payé, le propriétaire peut saisir les biens de l'un ou de l'autre ;
- le congé donné par un seul des époux ne met pas fin au bail et ne libère donc pas celui qui donne congé du paiement des loyers ;
- le propriétaire doit adresser un congé à chacun des époux pour mettre fin au bail (à condition qu'il ait été informé de l'existence du conjoint, notamment lorsque le mariage est intervenu après la signature du bail) ;
- un époux ne peut pas céder le bail sans l'accord de l'autre.
En principe, un époux n'a pas le droit de gérer les biens de l'autre, pas plus qu'il n'a le droit d'agir sur les biens communs au nom de son conjoint (C. civ. art. 225). Il en va autrement si son conjoint lui donne un mandat qui l'autorise à le représenter.
Si le mandat est formulé en termes généraux, seuls sont autorisés les actes de gestion courante, par exemple la commande de travaux d'entretien ou la perception de loyers.
Pour pouvoir signer au nom de l'autre un acte important tel qu'une vente, un bail commercial ou un contrat d'échange, un époux doit avoir reçu un mandat spécial. La preuve d'un tel mandat ne peut pas résulter de l'attitude passive du conjoint lors des négociations ayant précédé et suivi la signature de l'acte.
Celui qui autorise son conjoint à agir en son nom peut révoquer à tout moment le mandat donné (C. civ. art. 218).
Les raisons de l'empêchement importent peu : éloignement physique, altération des facultés mentales, handicap moteur, hospitalisation, etc.
Pour éviter que la gestion des biens ne soit paralysée, le conjoint de l'époux hors d'état de manifester sa volonté peut saisir le juge des tutelles pour se voir autorisé :
- à agir seul, sans avoir à recueillir l'accord de l'autre (C. civ. art. 217). Cette autorisation permet de gérer les biens pour lesquels l'accord des deux époux est normalement nécessaire (le logement familial, par exemple) ;
- à agir au nom de l'autre (C. civ. art. 219). Cette autorisation permet notamment de gérer les biens propres du conjoint empêché, en plus des biens pour lesquels l'accord des deux conjoints est nécessaire.
Ces deux possibilités permettent souvent d'éviter la mise en place d'une tutelle (rappelons que c'est normalement le conjoint qui est tuteur), avec une procédure et un contrôle du juge beaucoup plus légers.
Pour les actes qui nécessitent l'accord des deux époux, le juge aux affaires familiales peut autoriser l'un d'entre eux à agir seul, malgré l'opposition de son conjoint, si l'acte est conforme à l'intérêt de la famille (C. civ. art. 217).
Par exemple, contre la volonté de son conjoint, un époux a été autorisé à :
- résilier le bail du logement familial pour relouer un appartement moins coûteux ;
- vendre le domicile conjugal pour alléger les dettes du couple, alors même que le conjoint avait été autorisé à résider dans ce logement dans le cadre de la procédure de divorce en cours (Cass. 1e civ. 30-9-2009 no 08-13.220 : Bull. civ. I no 196).
En revanche, n'a pas été autorisé à agir l'époux qui voulait :
- vendre un bien commun en dessous de sa valeur ;
- vendre le logement familial qui lui appartenait en propre, son seul but étant manifestement de nuire à son conjoint (CA Paris 29-9-1972, 1e ch. : D. 1975 p. 540).
D'abord pour choisir son régime matrimonial, c'est-à-dire pour échapper à la communauté réduite aux acquêts qui s'applique à ceux qui ne font pas de contrat de mariage (C. civ. art. 1387). Le cas échéant, pour d'autres raisons : dresser un inventaire des biens des futurs époux, constater une donation entre les futurs époux ou d'un tiers à l'un d'entre eux, reconnaître un enfant, etc.
Un contrat de mariage ne peut être fait que par un notaire et doit être fait avant le mariage, sauf bien sûr s'il est établi à l'occasion d'un changement de régime matrimonial (C. civ. art. 1394 s.).
Le notaire est librement choisi par les futurs époux. Il aide au choix du régime le plus adapté à chaque situation et rédige le contrat.
Le contrat de mariage doit être signé par les futurs époux. Doivent également signer, le cas échéant, les parents du fiancé mineur ou la personne qui fait une donation à l'occasion du mariage.
Le notaire établit ensuite un certificat à remettre à l'officier d'état civil qui célébrera le mariage. Le contrat de mariage sera applicable à compter de cette célébration.
Il faut compter environ 500 €, sauf clauses particulières, telles par exemple :
- une donation au dernier vivant (mais la donation est en pratique toujours faite après le mariage, ce qui permet le cas échéant de la révoquer) ;
- une donation à l'un des époux par un tiers, généralement son père ou sa mère (le coût est celui d'une donation ordinaire) ; un apport de biens à la communauté : le notaire prélève des honoraires sur les biens apportés.
L'existence du contrat de mariage est mentionnée sur l'acte de mariage à l'initiative des services de l'état civil. Le notaire se charge des publicités nécessaires en cas d'apport de biens à la communauté.
S'il n'est pas publié dans les formes voulues, le contrat de mariage ne s'applique que dans les rapports des époux entre eux. Il ne peut pas être opposé aux tiers, qui sont donc en droit de considérer les époux comme mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts.
Le juge aux affaires familiales prend les mesures d'urgence qui s'imposent lorsque le comportement fautif d'un époux met en danger les intérêts de sa famille (C. civ. art. 220-1).
Le juge peut, par exemple :
- retirer à un époux tout ou partie de ses pouvoirs sur les biens communs ou sur ses biens propres ou personnels ;
- exiger le double consentement des conjoints pour des actes qui peuvent, en principe, être conclus par chacun d'eux ;
- ordonner l'immatriculation de la moitié des actions du couple au nom des deux époux ;
- nommer un administrateur provisoire de la communauté ou de la société constituée entre les époux.
La durée de la mesure est fixée par le juge et ne peut jamais dépasser trois ans.
Si l'époux passe outre à l'interdiction prononcée par le juge, son conjoint peut demander l'annulation de l'acte. Pour cela, il doit prouver que le tiers qui a passé le contrat connaissait la mesure d'interdiction (d'où l'intérêt qui s'attache à publier la décision de façon adéquate). L'annulation doit être demandée au juge dans les deux ans, le délai partant en principe du jour où le conjoint a eu connaissance de l'acte (du jour de la publication au bureau des hypothèques pour les ventes d'immeubles).
L'époux fautif peut aussi être condamné pour abus de confiance : peine d'emprisonnement de trois ans maximum et/ou 375 000 € d'amende maximum.
C'est le régime le plus fréquent, puisqu'il s'applique à 80 % des couples mariés. Il concerne :
- tous ceux qui se marient sans faire de contrat de mariage, depuis le 1er février 1966 ;
- les époux qui se sont mariés avant le 1er février 1966 et qui l'ont choisi par contrat de mariage.
La communauté réduite aux acquêts organise une solidarité entre les époux, puisque chacun participe à la création, au développement et à la gestion d'un patrimoine commun, appelé communauté. Mais il protège aussi les biens de famille puisque les conjoints conservent un patrimoine personnel constitué de biens propres.
L'enrichissement de l'un profitant à l'autre, le régime de la communauté réduite aux acquêts protège l'époux dont les revenus sont les plus faibles, celui qui renonce à son emploi pour s'occuper de sa famille ou celui qui collabore gratuitement à l'activité professionnelle de l'autre.
Réciproquement, les risques pris par l'un sont supportés par l'autre. C'est la raison pour laquelle la communauté réduite aux acquêts est déconseillée aux couples dont l'un des membres exerce une activité indépendante (libérale, par exemple). L'inconvénient peut être pallié si le conjoint exerce son activité dans le cadre d'une société à risque limité. Mais il ne faut pas, alors, garantir à titre personnel ses dettes professionnelles. Il est aussi possible d'adopter le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, ce qui permet au conjoint de distinguer son patrimoine professionnel de son patrimoine personnel, seul le premier pouvant être saisi par ses créanciers professionnels.
SavoirEn cas de remariage, le choix de la communauté est à peser : son mode de fonctionnement implique presque nécessairement qu'il soit fait, lors de la dissolution du mariage, des comptes entre le patrimoine commun et le patrimoine propre de chacun des conjoints. En cas de décès d'un époux, ces comptes peuvent être source de tensions entre le conjoint survivant et les enfants du défunt nés d'une première union.
Constituent des biens communs tous les biens créés ou acquis pendant le mariage, autrement que par héritage ou par donation (C. civ. art. 1401). Il importe peu que les biens aient été :
- achetés par l'un seulement des époux ou par les deux ensemble ;
- financés par de l'argent appartenant à la communauté ou à l'un des époux (mais celui qui paye avec ses fonds propres aura droit à indemnisation).
Constituent par exemple des biens communs le gros lot gagné grâce à un billet de loterie acheté pendant le mariage, le commerce ouvert durant le mariage ou l'appartement acheté durant cette même période.
A l'inverse, l'appartement acheté par l'un des futurs conjoints avant son mariage lui appartient en propre, même si l'emprunt est remboursé pendant le mariage avec de l'argent commun.
Qu'en est-il lorsque le mariage a lieu entre la promesse de vente et sa régularisation chez le notaire ? Si la promesse contient non seulement l'engagement de vendre mais aussi celui d'acheter, le transfert de propriété a lieu dès la promesse et le bien est propre à l'acquéreur. Dans le cas contraire, c'est-à-dire si seul le vendeur promet de vendre, l'acquéreur conservant sa liberté d'acheter ou non, le transfert de propriété du bien n'a lieu qu'à la signature de la vente chez le notaire. Le bien est alors commun aux époux.
Certains biens ont une nature mixte : ils appartiennent à l'époux qui justifie des qualités et compétences professionnelles ayant permis leur acquisition ou leur développement mais leur valeur patrimoniale fait partie de la communauté. C'est notamment le cas des clientèles des professions libérales, des officines de pharmacie ou de la licence de taxi délivrée par l'administration.
Tous les revenus des époux sont des biens communs (C. civ. art. 1401).
Il en est ainsi, notamment, des revenus retirés, directement ou indirectement, d'une activité professionnelle : salaires, pensions de retraite civiles ou militaires, honoraires, droits d'auteur, indemnités journalières de maladie, indemnités et dommages et intérêts versés à l'occasion d'un licenciement, indemnité de départ à la retraite, etc. Il en va de même des indemnités versées par une assurance perte d'emploi ou une assurance invalidité, qui compensent la perte de revenus (Cass. 1e civ. 26-9-2007 no 06-13.827 : Bull. civ. I no 302).
Constituent également des biens communs les revenus des biens des époux, que les biens en question appartiennent ou non à la communauté. Sont par exemple communs les dividendes des actions du couple, les loyers provenant de la location d'une maison appartenant au mari ou les revenus bruts (avant paiement des charges) produits par l'entreprise de la femme.
Les sommes déposées sur un compte bancaire ou un livret d'épargne ouvert au nom d'un seul époux sont des biens communs dès lors que ce compte ou ce livret est alimenté par les revenus de son titulaire (Cass. 1e civ. 14-1-2003 no 00-16.078 : RJDA 6/03 no 640).
Les actions ou parts de société acquises par un époux pendant le mariage sont des acquêts (sauf si elles sont majoritairement financées par des fonds propres et si l'acquéreur fait une déclaration d'emploi ou de remploi, voir ci-après). Toutefois, compte tenu de la nature particulière de ces biens, deux questions se posent : quel époux acquiert la qualité d'associé ? Dans quelle mesure les titres entrent-ils dans la communauté ?
Sur l'acquisition de la qualité d'associé :
- l'époux qui achète des actions (de société anonyme par exemple) avec des fonds communs a seul la qualité d'associé. Il exerce donc seul les droits attachés à ces actions (participation aux assemblées, droit de vote, perception des dividendes, droit préférentiel de souscription...) ;
- celui qui achète des parts sociales (de SARL par exemple) avec des fonds communs acquiert la qualité d'associé et en exerce les droits. Notamment, les dividendes doivent être versés entre ses mains et non entre celles de son conjoint, même si ces sommes sont des biens communs (Cass. 1e civ. 5-11-2014 no 13-25.820 : BDP 2/14 inf. 42). Mais son conjoint peut aussi revendiquer la qualité d'associé pour la moitié des parts. Pour permettre l'exercice de ce droit de revendication, la loi impose à l'époux qui se porte acquéreur d'informer son conjoint de l'opération projetée (C. civ. art. 1832-2). A défaut, l'acquisition est nulle. Si le conjoint exerce son droit de revendication et si les statuts de la société contiennent une clause d'agrément, les associés doivent agréer les deux époux ou les écarter tous les deux. Le conjoint peut exercer son droit de revendication après l'acquisition des parts ; en cas de refus d'agrément, l'époux qui avait acquis les parts a seul la qualité d'associé.
Si les deux époux acquièrent ensemble des actions ou des parts de société, ils obtiennent l'un et l'autre la qualité d'associé. Mais en pratique, les titres ne sont pas inscrits à leurs deux noms ; la moitié des actions ou parts sociales acquises est inscrite au nom d'un époux et l'autre moitié au nom du conjoint, chacun exerçant seul les droits attachés aux titres enregistrés à son nom.
Les actions ou parts sociales achetées avec des fonds communs entrent en communauté, sauf si les titres se rattachent à des titres propres à un époux (notamment en cas d'acquisition d'actions en vertu d'un droit préférentiel de souscription résultant d'actions propres à l'un des époux).
Pour autant, actions et parts sociales ne sont pas soumises au même régime : l'époux associé peut valablement céder les actions communes tandis que la vente de parts sociales communes exige l'accord des deux conjoints.
Au jour de la liquidation de la communauté (en cas de divorce par exemple), les actions doivent être partagées entre les deux époux et peuvent être attribuées à l'un ou l'autre. Dans le cas de parts sociales, elles sont nécessairement attribuées à l'époux associé car seule leur valeur est entrée en communauté (Cass. 1e civ. 4-7-2012 no 11-13.384 : Bull. civ. I no 155). Pour la même raison, l'époux associé peut librement les donner ou les vendre sans attendre le partage (Cass. 1e civ. 12-6-2014 no 13-16.309 : BPAT 4/14 inf. 157). La valeur des parts ainsi vendues doit néanmoins être portée à l'actif de la communauté pour ce qu'elle est au jour du partage et non pour le prix de cession (Cass. 1e civ. 22-10-2014 no 12-29.265 : BDP 2/14 inf. 41).
Les biens propres comprennent d'abord tous les biens dont chaque époux était propriétaire avant son mariage (C. civ. art. 1405). Ils comprennent également certains biens que les époux acquièrent ou créent pendant leur mariage :
- les biens que reçoit un époux par héritage, donation ou testament, sauf si la donation ou le testament prévoit que le bien sera commun (clause dite d'entrée en communauté). Des fonds donnés à un époux restent des biens propres même s'ils sont versés sur le compte joint du couple (Cass. 1e civ. 4-5-2011 no 10-11.576 : BPAT 4/11 inf. 224) ;
- les biens dont le caractère personnel est marqué ;
- les biens qui se rattachent à des biens propres.
Les deux dernières catégories sont examinées ci-après.
Précisons que lorsqu'un bien propre est payé avec de l'argent commun, l'époux devra, à la dissolution du régime matrimonial, indemniser la communauté selon des modalités que l'on exposera plus loin.
Constituent toujours des biens propres de chaque époux notamment (C. civ. art. 1404) :
- les vêtements (mais pas le linge de la famille : draps, serviettes, etc.) ;
- les souvenirs de famille ;
- le droit à pension alimentaire ou à pensions d'invalidité. En conséquence, seul l'époux titulaire de ce droit peut le mettre en oeuvre ou y renoncer. En revanche, les sommes effectivement reçues à ce titre intègrent la communauté car elles constituent des revenus de substitution ;
- les dommages-intérêts réparant un préjudice physique ou moral, par exemple, l'indemnité d'assurance versée à la suite d'un accident de voiture ou une pension de guerre. Ces indemnités sont à distinguer de celles qui compensent une perte de revenus et qui sont des biens communs ;
- les instruments de travail, par exemple les tonneaux et fûts acquis pour les besoins d'une exploitation viticole qui appartient en propre à un époux (Cass. 1e civ. 19-12-2012 no 11-25.264 : Bull. civ. I no 270).
Les bijoux constituent des biens propres, sauf s'ils ont été acquis dans une optique de placement. Un bijou d'un prix très élevé par rapport aux revenus du couple et qui ne sort jamais du coffre pourra donc être considéré comme un bien commun.
SavoirLes stock-options sont des promesses faites par un employeur de vendre des actions dans un délai et moyennant un prix définitivement fixés.
Ces options sont des biens propres par nature car elles ont un caractère personnel marqué : leur attributaire les reçoit en raison de sa qualité de salarié ou de dirigeant et lui seul possède la faculté d'opter pour la souscription ou l'achat de l'action, à l'exclusion de son conjoint.
En revanche, les actions acquises grâce à ces options sont communes si elles sont achetées durant le mariage (Cass. 1e civ. 9-7-2014 no 13-15.948 : BDP 1/14 inf. 5).
Constituent des biens propres les biens accessoires à des biens propres (C. civ. art. 1406), telles par exemple :
- les constructions faites sur un terrain appartenant à l'un des deux époux (Cass. 1e civ. 26-9-2012 no 11-20.196 : Bull. civ. I no 183) ;
- les actions acquises grâce à un droit préférentiel de souscription attaché à des actions propres ;
- les actions attribuées suite à une augmentation de capital lorsque les nouveaux titres se rattachent à des titres propres à un époux ;
- les parts d'indivision acquises en plus des parts déjà possédées par un époux.
Les biens qui remplacent des biens propres ont également et automatiquement la nature de biens personnels (C. civ. art. 1406). Il en va ainsi, par exemple :
- du prix de vente d'un bien propre (y compris la plus-value) ;
- de l'indemnité d'assurance perçue en cas de destruction ou de vol d'un bien propre ;
- du bien échangé contre un bien propre, même si le nouveau bien vaut davantage que l'ancien. Il n'en va autrement que si le complément de prix financé par la communauté est supérieur à la valeur du bien cédé ; dans ce cas, le bien est commun mais l'époux qui perd la propriété du bien échangé a droit à une indemnisation.
La règle qui veut que le bien qui remplace un bien propre est lui-même un bien propre cesse de produire ses effets quand intervient la monnaie. Par exemple, les actions reçues en contrepartie de l'apport d'un bien propre sont automatiquement des biens propres tandis que celles reçues suite à l'apport de fonds propres intègrent la communauté sauf déclaration d'emploi ou de remploi, c'est-à-dire déclaration de la volonté de donner aux biens acquis la nature de biens propres (Cass. 1e civ. 5-3-1991 no 87-18.298 : D. 1991 jur. p. 565 note R. Le Guidec).
Prouver qu'un bien est commun n'est pas nécessaire puisque tous les biens sont présumés appartenir à la communauté.
C'est donc au conjoint qui prétend qu'un bien lui appartient en propre de le prouver. Pour cela, il doit en principe fournir une preuve écrite : inventaire de succession, acte de donation, facture d'achat antérieure au mariage, etc. Mais il peut utiliser des témoignages s'il démontre qu'il lui était impossible d'obtenir une facture ou un autre document au moment où il a acquis le bien. Enfin, la preuve du caractère propre de certains biens résulte de leur nature même (par exemple, vêtements, outils de travail).
Pour éviter des difficultés de preuve, il est possible de faire dresser un inventaire des biens par un notaire avant le mariage. Cette mesure est utile si un époux dispose d'un important patrimoine mobilier (notamment, des valeurs mobilières), dont l'origine sera souvent difficile à établir après quelques années de mariage. Elle évitera que les biens ne soient ultérieurement absorbés par la communauté, faute d'avoir pu prouver qu'ils étaient la propriété de l'époux.
Cela dépend :
- si la contribution de la communauté est supérieure à celle de l'époux, le bien est commun. C'est le cas si vous achetez un appartement de 250 000 € frais compris, dont vous financez 100 000 €, le reste étant payé par des fonds communs. L'appartement est un bien commun (mais la communauté devra vous indemniser pour vos 100 000 €) ;
- si la part payée par l'époux excède celle de la communauté, le bien est propre, à condition que l'acte d'achat comporte une déclaration d'emploi ou de remploi. Ce peut être le cas si vous achetez un appartement de 250 000 € frais compris, que vous financez par de l'argent personnel à hauteur de 150 000 € (mais vous devrez indemniser la communauté pour ses 100 000 €). Si le complément de prix est financé par un emprunt, l'importance de la contribution de la communauté est appréciée en tenant compte uniquement du capital emprunté, à l'exclusion des intérêts.
Le bien financé par l'argent personnel d'un époux n'est propre que si cet époux fait, dans l'acte d'achat (C. civ. art. 1434) :
- une déclaration d'emploi si le bien est directement acheté avec de l'argent propre ;
- une déclaration de remploi si le bien est acheté avec le produit de la vente d'un bien propre.
Le contenu de la déclaration d'emploi ou de remploi est double : y figurent à la fois l'affirmation que les fonds sont propres (il n'est pas nécessaire de préciser d'où vient l'argent) et l'indication que l'on veut faire du bien acheté un bien propre.
Le conjoint ne peut pas s'opposer à cette déclaration. Il peut en revanche essayer d'en contester la validité en démontrant, par exemple, que les fonds employés appartenaient à la communauté.
Il est possible de faire dans l'acte d'achat une déclaration d'emploi ou de remploi par anticipation, par exemple lorsque l'on n'a pas encore vendu le bien qui permettra de financer celui qui est acheté. Il faudra ensuite rembourser la communauté des sommes avancées, dans un délai maximal de cinq ans à compter de l'achat et en tout état de cause avant la dissolution de la communauté.
Si vous n'avez pas fait de déclaration d'emploi ou de remploi, le bien acquis est en principe un bien commun mais, en contrepartie de l'enrichissement que vous aurez apporté à la communauté, vous aurez droit à une indemnité. Sachez cependant que, avec le consentement de votre conjoint, vous pourrez réparer votre oubli et faire après coup la déclaration d'emploi ou de remploi : votre conjoint renonce ainsi à tous ses droits sur le bien.
Sauf exceptions, chaque époux peut gérer seul les biens communs. Les actes faits par l'un s'imposent à l'autre (C. civ. art. 1421). Un époux peut, par exemple :
- donner un appartement commun en location, en encaisser les loyers et donner congé au locataire ;
- exercer seul en justice une action relative à un bien commun, que ce soit en demande ou en défense. Le jugement rendu à l'égard d'un époux vaut aussi pour l'autre ;
- vendre la voiture ou le portefeuille de titres du couple ;
- léguer (c'est-à-dire laisser par testament) des biens communs mais uniquement dans la limite de sa part de communauté ;
- recevoir le remboursement de sommes communes prêtées par son conjoint.
Si un époux commet une faute de gestion, il peut être condamné à supporter seul le poids définitif de la dette souscrite et/ou à payer des dommages-intérêts.
Les tribunaux apprécient au cas par cas l'existence d'une telle faute. Par exemple, a été reconnue fautive :
- la souscription de nombreux prêts à la consommation en le cachant à son conjoint et en imitant sa signature (Cass. 1e civ. 14-3-2012 no 11-15.369 : Bull. civ. I no 59) ;
- l'affectation, à l'insu du conjoint, de sommes empruntées à des opérations boursières déficitaires (Cass. 1e civ. 28-9-2011 no 10-21.565 : BPAT 6/11 inf. 333).
L'époux victime a cinq ans à compter de la dissolution du mariage pour agir en justice, en saisissant le juge aux affaires familiales.
Chaque époux gère seul ses biens propres en toute indépendance (C. civ. art. 1428). Exception faite du logement familial, chacun peut librement vendre ses biens propres, les louer, les donner, les apporter en société, etc.
Un époux n'a donc pas le droit de gérer les biens propres de son conjoint, sauf bien sûr s'il a reçu un mandat en ce sens. Rappelons cependant que les époux peuvent librement disposer des biens meubles qui sont en leur possession, ce qui relativise l'exclusivité des pouvoirs des époux sur leurs biens propres.
SavoirSi un époux s'immisce dans la gestion des biens propres de son conjoint en dépit de son opposition, l'époux victime peut demander des dommages-intérêts, dans les cinq ans de la dissolution du mariage. Il peut aussi demander la nullité ou l'inopposabilité de l'acte, dans les conditions qu'on verra un peu plus loin, avec les sanctions du défaut de pouvoir (C. civ. art. 1432).
Chacun a seul pouvoir pour toucher ses propres salaires et les revenus de ses biens propres et en faire ce qu'il veut (C. civ. art. 223). Trois réserves cependant :
- avant de pouvoir dépenser ses revenus à sa guise, chaque époux doit d'abord s'acquitter de sa contribution aux dépenses familiales ;
- si un époux utilise ses revenus à des fins purement personnelles, il devra dédommager la communauté. C'est le cas si un époux utilise les loyers d'un de ses appartements pour financer les travaux d'agrandissement d'une maison qui lui appartient ;
- le pouvoir exclusif de chaque époux sur ses salaires et revenus de biens propres cesse lorsque les revenus en cause sont économisés, c'est-à-dire à partir du moment où ils sont perçus ou confondus avec d'autres fonds communs (par exemple, lorsqu'ils sont placés sur un compte d'épargne).
Sur la perception des dividendes, voir no 45314.
Ce sont les actes les plus importants (C. civ. art. 1422, C. civ.1424 et C. civ.1425). Il s'agit :
- des donations de biens communs, quels qu'en soient la forme (donation faite ou non devant un notaire), l'objet (argent, voiture, appartement, etc.) et le bénéficiaire, y compris donc pour une donation à l'enfant du couple ;
- des actes par lesquels un bien commun est affecté à la garantie de la dette d'une tierce personne, par exemple la mise en gage d'un bien commun pour garantir la dette d'un associé de l'un des époux ;
- du transfert d'un bien de la communauté dans un patrimoine fiduciaire, c'est-à dire le transfert d'un bien à un tiers qui a la charge de le gérer ou de l'exploiter au profit d'une ou plusieurs personnes ;
- de certains actes affectant les biens communs les plus importants, notamment les immeubles, les parts sociales (parts de sociétés civiles, SARL, sociétés en nom collectif et sociétés en commandite simple) et les fonds de commerce. Les deux époux doivent intervenir ensemble pour tout acte de disposition, c'est-à-dire pour vendre ces biens ou les échanger, les hypothéquer, les apporter en société, consentir un bail commercial dessus, etc. Par exemple, une femme qui après avoir constitué une SCI avec une associée lui vend ses parts doit obtenir l'accord de son mari, même s'il n'a jamais manifesté l'intention d'être lui-même associé. De la même façon, un époux ne peut pas percevoir seul l'argent provenant de l'une de ces opérations.
Pour mémoire, rappelons que dans tous les régimes matrimoniaux, les époux doivent agir ensemble pour tout ce qui concerne le logement familial.
Les juges apprécient au cas par cas s'il y a ou non acte de disposition et donc cogestion obligatoire.
Ainsi, un époux seul peut mettre fin au bail commercial du local dans lequel il exploite un fonds de commerce appartenant à la communauté, une telle résiliation n'étant pas assimilable à la vente du fonds (Cass. 1e civ. 18-12-2002 no 01-03.539 : RJDA 3/03 no 236). De la même façon, la signature d'un mandat, par un époux seul, portant sur la recherche d'acquéreurs pour un bien immobilier est valable car elle n'implique pas la vente du bien (Cass. 1e civ. 20-11-2013 no 12-26.128 : RJDA 3/14 no 209).
Cela dépend. Le conjoint qui cosigne un acte peut :
- s'engager au même titre que son conjoint. Supposons par exemple que les deux époux aient vendu ensemble leur résidence secondaire. Si l'acheteur fait annuler la vente, il pourra saisir les biens communs et les biens propres des deux époux pour obtenir la restitution du prix ;
- se contenter de donner son consentement à l'acte décidé par l'autre. Par exemple, un époux donne son accord pour la vente du fonds de commerce exploité par son conjoint. En cas de difficultés, ses biens propres ne pourront pas être saisis par l'acheteur.
En cas de doute sur le sens de l'engagement pris, les tribunaux recherchent quelle a été la volonté des époux. Il est donc préférable de la préciser clairement dans l'acte.
Il y a défaut de pouvoir, par exemple, quand un époux vend seul un appartement commun. L'époux victime peut agir en justice, avec le concours d'un avocat, pour demander l'annulation de l'acte (C. civ. art. 1427).
L'époux doit agir dans les deux ans du jour où il a eu connaissance de l'acte critiqué et, au plus tard, deux ans après la dissolution du régime matrimonial. Le délai pour agir est réduit à un an si l'acte incriminé concernait le logement familial.
Il faut distinguer le défaut de pouvoir de l'abus de pouvoir. Il y a abus de pouvoir lorsqu'un époux a agi dans les limites de ses pouvoirs mais à l'insu et au préjudice de son conjoint. C'est le cas s'il vend un meuble de prix très en dessous de sa valeur. L'acte est alors inopposable au conjoint victime (Cass. 1e civ. 23-3-2011 no 09-66.512 : Bull. civ. I no 61) : il reste valable entre l'époux signataire et le tiers contractant, mais il ne peut avoir aucune conséquence à l'égard du conjoint étranger à la transaction. Cette sanction, a priori moins sévère que la nullité, présente pourtant deux intérêts. Elle protège le tiers de bonne foi qui a passé le contrat avec le conjoint. Elle peut également être plus favorable au conjoint victime, parce que le délai pour agir est de cinq ans à compter de la dissolution du mariage (au lieu de deux pour l'action en nullité).
Vous pouvez saisir le juge aux affaires familiales du lieu de la résidence de la famille pour qu'il interdise à votre conjoint la gestion des biens communs ou la gestion de ses biens propres (C. civ. art. 1426 et C. civ.1429). L'avocat est obligatoire.
Si le juge fait droit à votre demande, la mesure d'interdiction durera jusqu'à ce qu'un nouveau jugement constate qu'elle n'est plus justifiée.
Vous pouvez demander qu'il soit interdit à votre conjoint de gérer les biens communs, y compris ses propres salaires, dans trois cas :
- votre conjoint est durablement incapable de manifester sa volonté, quelle qu'en soit la raison (maladie, absence, etc.) ;
- votre conjoint n'est pas apte à gérer le patrimoine commun, peu important qu'il soit de bonne ou de mauvaise volonté ;
- votre conjoint commet volontairement des actes nuisibles à vos intérêts communs.
Si le juge prononce l'interdiction, vous serez autorisé à gérer seul l'ensemble du patrimoine commun. Vous devrez cependant obtenir l'autorisation du juge pour les actes qui relèvent de la cogestion obligatoire (vente d'un bien immobilier, notamment).
Vous pouvez demander qu'il soit interdit à votre conjoint de gérer ses biens propres dans trois cas :
- il est durablement hors d'état de manifester sa volonté, quelle qu'en soit la raison (handicap moteur, sénilité, accident, etc.) ;
- il laisse dépérir ses biens propres, au préjudice de sa famille, qui doit en assumer les charges. Peu importe qu'il soit de mauvaise foi, incompétent ou simplement négligent ;
- il met en péril les intérêts de sa famille en dissipant ou détournant les revenus qu'il tire de ses biens propres, notamment par des dépenses exagérées ou inutiles.
Les dettes communes sont celles qui naissent durant le mariage, à l'inverse de celles qui naissent avant le mariage ou après sa dissolution. Par exemple, l'ex-époux qui vend, après son divorce, un bien anciennement commun supporte seul l'impôt sur la plus-value : même si celle-ci s'est partiellement constituée durant le mariage, la dette d'impôt, elle, ne naît qu'avec la vente, postérieure au divorce (Cass. 1e civ. 14-5-2014 no 13-16.302).
En présence d'une dette commune (un époux fait un achat, cause un préjudice qu'il doit réparer, etc.), deux questions sont à examiner : sur quels biens le créancier peut-il se faire payer ? A qui incombera, au final, la dette ? Cette dernière question ne s'envisage qu'au moment où la communauté prend fin. Il faut alors déterminer les dettes qui sont à la charge définitive de la communauté (c'est-à-dire des deux époux ensemble) et celles qui doivent être supportées par l'un ou l'autre époux seul. Dans le cas où une dette incombant à la communauté a été payée par des fonds propres ou inversement, l'équilibre est rétabli, à la fin du mariage, par l'établissement d'un « compte de récompense » entre les époux (nos 45506 s.).
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Quels sont les biens saisissables par le créancier ? |
Quelle est la répartition des dettes entre les époux ? | ||
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Dettes |
Biens communs |
Biens propres de l'auteur de la dette |
Biens propres du conjoint | |
Dettes faites par les deux époux |
oui |
oui |
oui |
50/50 |
Dettes ménagères faites par un seul époux |
oui (1) |
oui |
oui (1) |
50/50 (1) |
Autres dettes faites par un époux |
oui, sauf les salaires du conjoint |
oui |
non |
50/50 en principe 100 % sur l'auteur de la dette si elle a été faite dans son intérêt personnel ou si elle résulte d'une faute commise par lui (2) |
Cas particuliers : emprunts et cautions par un époux (pour plus de précisions, voir nos 45393 s.) |
non, sauf les salaires et revenus des biens propres de l'auteur de la dette (3) |
oui |
non |
50/50 en principe 100 % sur l'auteur de la dette si elle a été faite dans son intérêt personnel (4) |
Dettes antérieures au mariage ou liées à une donation, un legs ou une succession |
non, sauf les salaires et revenus des biens propres de l'auteur de la dette (5) |
oui |
non |
100 % sur l'auteur de la dette |
(1) Les dettes ménagères sont celles qui ont pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants (voir nos 45220 s.). Celles qui sont excessives ou payables en plusieurs mensualités ont un régime particulier : la possibilité de saisir les salaires du conjoint est discutée ; les biens propres du conjoint ne sont pas saisissables ; le partage par moitié de ces dettes est controversé. (2) Par exemple, les dettes d'une société qu'un époux a été condamné à assumer à titre personnel en raison de ses fautes de gestion ou celles résultant de la souscription de nombreux prêts à la consommation à l'insu du conjoint. (3) Tous les biens communs sont saisissables si le conjoint consent à l'emprunt ou à l'engagement de caution. S'il se porte lui-même emprunteur ou caution, ses biens propres sont évidemment engagés au même titre que ceux de son conjoint. (4) Par exemple, le découvert du compte bancaire professionnel d'un époux est à la charge de la communauté mais le remboursement du capital emprunté pour acquérir un bien propre incombe exclusivement à l'époux propriétaire du bien. (5) Les biens communs deviennent saisissables si les biens propres de l'époux débiteur se sont confondus avec le patrimoine commun et ne sont plus identifiables. |
L'époux qui souscrit un emprunt ou se porte caution sans l'accord de son conjoint n'engage que ses biens propres et ses revenus (C. civ. art. 1415). Les biens communs et les biens propres du conjoint sont donc protégés.
Cette règle s'applique notamment aux crédits à la consommation, aux crédits immobiliers, aux autorisations de découverts sur un compte bancaire et aux cautions. On peut penser que sont également concernés les crédits revolving, crédits vendeur, etc.
La règle ne s'applique pas, notamment :
- aux emprunts de faible montant et nécessaires à la vie courante, qui relèvent de la solidarité ménagère (voir no 45223) ;
- à l'obligation de supporter personnellement les dettes sociales pesant sur les associés d'une société de personnes, telle une société civile ou une société en nom collectif (Cass. 1e civ. 17-1-2006 no 02-16.595 : RJDA 4/06 no 423).
Dans ces cas, les biens communs sont saisissables.
Chacun des deux époux peut revendiquer le bénéfice de cette protection : celui qui n'a pas donné son consentement à l'emprunt ou la caution et aussi celui qui s'est engagé.
Sont par exemple interdits :
- la saisie d'un compte joint et même d'un compte personnel de l'époux caution ou emprunteur, faute pour celui qui pratique la saisie d'identifier les revenus de l'époux à l'origine de la dette ;
- les prélèvements automatiques autorisés par un époux sur son compte personnel pour rembourser les échéances d'un prêt si le prêteur ne prouve pas que le compte est alimenté par les seuls revenus de l'époux emprunteur ;
- la saisie d'un plan épargne logement ou d'un compte-titres bien qu'ouverts au nom de l'époux caution ou emprunteur et alimentés exclusivement par ses revenus. En effet, dans ce cas, les sommes versées en compte sont épargnées ou capitalisées et sont donc devenues des biens communs ;
- l'inscription d'une hypothèque sur un bien commun ou même sur la moitié de ce bien ;
- l'inscription, après le divorce des époux, d'une hypothèque sur un bien qui était commun au moment où l'un des conjoints s'est porté caution.
Les biens communs deviennent saisissables si le conjoint consent expressément à l'emprunt ou à la caution.
Aucune forme particulière n'est exigée pour constater le consentement du conjoint. Cela dit, ce consentement doit être certain et concomitant à l'emprunt ou à la caution (Cass. 1e civ. 29-6-2011 no 10-11.012 : Bull. civ. I no 137). Il ne peut pas être déduit :
- de la simple connaissance que l'époux avait du découvert accordé par la banque sur le compte joint à la demande de son conjoint ;
- du fait que l'époux a rempli et signé, lors de la constitution du dossier de prêt, une fiche de renseignements mentionnant son état civil ainsi que les revenus et patrimoine du couple ;
- de l'hypothèque qu'il a consentie avec son conjoint sur un bien commun au profit du prêteur après l'emprunt ou du fait que chacun des époux se porte, par des actes séparés, caution d'une même dette ;
- de l'accord de l'époux au plan de surendettement qui inclut le prêt litigieux.
Et même, le fait que l'engagement pris par une épouse soit subordonné à la condition que son mari se porte caution ne suffit pas à établir qu'elle a consenti à ce cautionnement !
Lorsqu'un époux fait une dette non ménagère, son créancier peut saisir le compte bancaire, personnel ou joint, sur lequel sont versés les gains et salaires du conjoint, mais il doit laisser à ce dernier au minimum (C. civ. art. 1414 ; C. exécution art. R 162-9) :
- soit ses gains et salaires du mois précédant la saisie ;
- soit le montant moyen mensuel de ses gains et salaires sur les 12 mois précédant la saisie.
C'est au conjoint, informé de la saisie par la banque, de choisir le calcul le plus avantageux.
SavoirL'époux averti d'une saisie de ses revenus et salaires peut, par exemple, écrire à sa banque le courrier (ou courriel) suivant : « Je vous précise que mes salaires sont versés sur le compte no xxx qui vient de faire l'objet d'une saisie. En application de l'article R 162-9 du Code des procédures civiles d'exécution, je vous remercie de bien vouloir laisser immédiatement à ma disposition la somme de xxx € correspondant à mon salaire du mois de xxx. » La banque doit s'exécuter immédiatement (et non pas au bout de quelques jours), sous peine de devoir des dommages et intérêts.
Conformément au droit commun, tous les biens communs exception faite des salaires du conjoint sont susceptibles d'être saisis pour payer les créanciers professionnels de l'époux en difficulté. En conséquence, ce dernier et son conjoint perdent la libre administration de la communauté. Au mieux, ils peuvent continuer de la gérer sous la surveillance de l'administrateur judiciaire.
Même la liberté du conjoint de disposer de ses salaires est mise à mal. Dans une espèce où, après la mise en liquidation judiciaire de son mari, l'épouse avait continué à payer avec ses salaires la rente viagère que le couple devait à une tierce personne, il a été jugé que le paiement des mensualités était contraire aux règles des procédures collectives. Si les salaires d'un époux ne peuvent pas être saisis pour le règlement d'une dette professionnelle de son conjoint, cette protection cesse dès lors que les salaires sont « absorbés » dans la masse commune, c'est-à-dire dès qu'ils sont perçus ou confondus avec d'autres fonds communs.
Les principales causes de disparition de la communauté sont le décès d'un époux, le divorce ou la séparation de corps et le changement de régime matrimonial.
Parmi les autres causes de dissolution de la communauté, citons la séparation de biens judiciaire. Un époux peut demander cette séparation de biens si le comportement de son conjoint conduit la communauté à la ruine. Le régime de communauté est dissous à compter du jour de la demande en séparation de biens.
Il faut solder les dettes communes, faire les comptes entre les époux puis partager les biens.
A compter de la dissolution de la communauté et jusqu'à la réalisation du partage, les époux sont en indivision. Les biens communs deviennent des biens indivis et sont gérés comme les biens d'une succession.
Si la communauté est liquidée à l'amiable, aucun délai ne s'impose pour effectuer la liquidation et le partage des biens. Si le partage est ordonné par le juge et que celui-ci désigne un notaire pour établir l'acte de partage, l'état liquidatif doit, en principe, intervenir dans l'année qui suit la désignation du notaire. Mais ce délai est très souvent prolongé.
La liquidation de la communauté consiste à déterminer ce qui sera partagé entre les époux. Trois opérations sont nécessaires (C. civ. art. 1467).
Tout d'abord, chacun doit reprendre ses biens propres. Durant la vie commune, les patrimoines se sont mélangés. Il faut donc distinguer les biens communs, qui seront partagés, des biens propres qui sont repris par leur propriétaire. Notons que les époux peuvent valablement modifier la nature d'un bien et, par exemple, dire qu'un bien normalement propre sera commun. Une seule condition à cela : ne pas porter atteinte aux droits de tierces personnes.
Il faut ensuite répertorier les dettes communes, car il pourra être nécessaire de vendre certains biens communs pour les payer.
Enfin, il faut établir, pour chaque époux, un compte portant sur les sommes qu'il doit à la communauté et sur les sommes que la communauté lui doit (C. civ. art. 1468). On parle d'un « compte de récompenses ». En effet, des dépenses personnelles ont pu être financées par des fonds communs et des dépenses incombant à la communauté ont pu être payées par des fonds propres. A la fin de la communauté, chacun doit être dédommagé de ses avances.
SavoirLe recours à un notaire pour la liquidation de la communauté n'est obligatoire que lorsque la communauté comprend un ou plusieurs biens immobiliers. Si ce n'est pas le cas, les époux peuvent procéder eux-mêmes au partage de leurs biens. Cela dit, si le patrimoine commun est important (titres de sociétés, meubles, objets d'art, etc.), mieux vaut faire appel à un notaire, compte tenu de la complexité des opérations de liquidation.
La communauté a une dette envers un époux chaque fois qu'elle a tiré profit de ses biens propres (C. civ. art. 1433). Ce profit doit être direct et résulter d'un transfert de valeurs d'un patrimoine propre vers la communauté.
Par exemple, la communauté doit une « récompense » lorsque l'un des conjoints a utilisé un héritage pour financer des travaux sur un appartement commun ou pour rembourser une dette de la communauté.
A l'inverse, la communauté ne doit rien lorsque :
- un époux règle la dette d'une société, même si les deux conjoints en sont les seuls associés et si ce paiement évite la saisie de biens communs car les fonds n'intègrent pas directement la communauté (Cass. 1e civ. 6-3-2013 no 11-24.557 : Bull. civ. I no 32) ;
- un époux loge sa famille dans un bien qui lui est propre car il n'y a pas de mouvements de fonds.
Il appartient à celui qui demande une récompense de prouver que ses fonds ont profité à la communauté. Cette preuve est facilitée puisque l'encaissement de fonds propres sur un compte joint fait présumer l'existence d'un tel profit (Cass. 1e civ. 28-11-2006 no 04-17.147 : Bull. civ. I no 515). C'est, en ce cas, à l'autre époux de démontrer l'absence de profit retiré par la communauté des deniers encaissés.
Lorsque des deniers propres sont portés au crédit d'un compte bancaire ouvert au nom de l'époux propriétaire, ils ne sont pas présumés avoir servi à la communauté (Cass. 1e civ. 15-2-2012 no 11-10.182 : Bull. civ. I no 33).
Un époux a une dette envers la communauté chaque fois qu'il a tiré profit des biens communs (C. civ. art. 1437) ; autrement dit, chaque fois que celle-ci a payé une dette qui lui revient à titre définitif. ll faut un transfert de valeurs de la communauté vers un patrimoine propre.
C'est le cas, par exemple, si un époux :
- rembourse l'emprunt qu'il a souscrit pour acheter de l'outillage professionnel avec les revenus de l'entreprise qui lui appartient à titre personnel ;
- finance des travaux d'amélioration d'une maison qui lui appartient avec les loyers tirés de la location de cette maison ;
- achète avec des fonds communs des points retraite auprès d'un organisme privé sans qu'une pension de réversion soit prévue au profit de son conjoint ;
- paye la prestation compensatoire qu'il doit à sa première épouse avec des fonds communs.
En revanche, l'époux ne doit rien à la communauté qui a financé :
- des dépenses d'entretien pour un de ses biens propres puisque les conjoints ont profité ensemble de la jouissance du bien ;
- les intérêts (mais pas le capital) de l'emprunt que l'époux a souscrit pour acquérir ou améliorer un bien propre parce que c'est le prix de la jouissance du bien par la communauté ;
- la pension alimentaire qu'il doit par exemple à ses parents ou ses enfants nés d'un premier mariage ;
- l'amélioration d'un bien appartenant aux parents de l'épouse car ces fonds profitent aux parents et non à l'épouse, même si par la suite ils lui donnent l'immeuble.
Un époux ne doit rien, non plus, en l'absence de sommes prises sur la communauté lorsque :
- la plus-value apportée à un de ses biens propres résulte des travaux réalisés par son conjoint (Cass 1e civ. 29-5-2013 no 11-25.444 : Bull. civ. I no 114) ;
- son assurance invalidité rembourse l'emprunt souscrit pour l'acquisition ou l'amélioration d'un bien propre car le mouvement de fonds se fait entre l'assureur et l'organisme prêteur (Cass. 1e civ. 12-4-2012 no 11-14.653 : Bull. civ. I no 94).
Dans le cadre des opérations de partage, un époux peut être condamné à payer à la communauté les sommes correspondant aux revenus de ses biens propres qu'il a, dans les cinq dernières années de la communauté (C. civ. art. 1403) :
- négligé de percevoir, par exemple s'il n'a rien fait contre un locataire qui ne payait pas ses loyers ;
- dilapidé en dépenses inutiles ou exorbitantes dans le seul but d'en priver la communauté.
Les dettes des époux et de la communauté obéissent aux mêmes règles d'indemnisation (C. civ. art. 1469) :
- soit l'indemnisation est du montant de la dépense qui a été faite, sans réévaluation ;
- soit l'indemnisation est égale à la plus-value apportée au patrimoine qui s'est enrichi (méthode dite du profit subsistant). Cette plus-value est évaluée au jour de la liquidation de la communauté, c'est-à-dire au moment où les comptes sont faits. La désignation d'un expert est parfois nécessaire.
En principe, la récompense est égale à la plus faible des deux sommes : soit la dépense qui a été engagée, soit la plus-value apportée au patrimoine qui en a bénéficié. En cas de moins-value, l'époux qui a avancé des fonds est donc en principe privé de toute indemnité.
Mais ce double plafond s'applique rarement :
- lorsque la dépense était nécessaire (par exemple, dépenses de mise en conformité avec des normes de sécurité ou dépenses d'habitabilité de l'immeuble telles qu'installation de chauffage ou de sanitaires), la récompense ne peut pas être inférieure au montant dépensé, même si aucune plus-value ne subsiste au jour de la liquidation ;
- si la dépense a permis l'acquisition, la conservation ou l'amélioration d'un bien, la récompense est au moins égale à la plus-value apportée au patrimoine qui en a profité. Ce sera le cas si un époux a utilisé de l'argent personnel pour faire des travaux d'agrandissement dans le logement commun ou si la communauté a financé la construction d'une maison sur un terrain appartenant à un époux. A noter que si la dépense était nécessaire (par exemple l'acquisition du domicile conjugal), les deux exceptions se cumulent : la récompense est donc de la plus forte des deux sommes entre dépense et plus-value (Cass. 1e civ. 15-12-2010 no 09-17.217 : Bull. civ. I no 267).
Les époux Lerouge ont acheté en 1995 une maison d'une valeur équivalant à 100 000 € avec des fonds propres de monsieur. La maison vaut 160 000 € en 2015, année du divorce des époux. La communauté doit à M. Lerouge 160 000 €.
A supposer que M. Lerouge n'ait financé que l'équivalent de 30 000 € sur le total de 100 000 €, la communauté payant le reste du prix de la maison, la récompense serait de 160 000 € × 30 000 / 100 000, soit 48 000 €.
Pour chaque époux, il faut d'abord compenser les dettes qu'il a envers la communauté avec les dettes que la communauté a envers lui : seul le solde est effectivement soumis à récompense.
Après compensation, si un époux doit de l'argent à la communauté, l'indemnisation de celle-ci peut se faire de différentes façons mathématiquement équivalentes, au choix des époux. Les méthodes sont les suivantes :
- l'époux qui doit la récompense prend moins sur les biens communs ;
- le conjoint de l'époux qui doit la récompense prélève sur les biens communs, avant le partage, une somme égale au montant de la dette ;
- l'époux qui doit la récompense soustrait de sa part de communauté la moitié de ce qu'il doit, et paye à son conjoint l'autre moitié.
Si les époux ne parviennent pas à se mettre d'accord, c'est la première méthode qui s'applique.
Evidemment, ces modes de règlement ne sont possibles que si les biens communs sont suffisants. Dans le cas contraire, l'époux qui a une dette doit verser effectivement une somme d'argent.
Les biens communs valent 80 000 € et vous devez 20 000 € à la communauté.
1e méthode : vous ne prenez que 30 000 € sur la communauté et votre conjoint 50 000 €.
2e méthode : votre conjoint prélève 20 000 € sur les biens communs avant le partage et vous vous partagez par moitié les 60 000 € qui restent.
3e méthode : vous partagez les 80 000 € par 2 mais vous prenez 10 000 € de moins sur le partage et vous payez 10 000 € à votre conjoint.
Après compensation, si la communauté doit de l'argent à un époux, l'indemnisation de l'époux se fait, au choix de ce dernier :
- en argent, quitte à faire vendre un bien commun si les liquidités sont insuffisantes ;
- en nature, en prélevant sur les biens communs. Sauf accord différent des époux, les prélèvements doivent s'effectuer d'abord sur l'argent comptant, puis sur les meubles et enfin seulement sur les immeubles. Le choix des biens prélevés peut cependant être contrarié. C'est le cas, notamment, si la communauté doit de l'argent aux deux époux et que tous deux veulent prélever les mêmes biens. Le bénéficiaire est alors désigné par tirage au sort.
La liquidation de la communauté n'est pas concernée, puisque cette dette n'engage pas les biens communs. Mais le conjoint doit bien sûr rembourser ce qu'il a perçu. En principe, il ne doit que le montant qui a été déboursé pour lui, sans qu'il y ait lieu à réévaluation. Toutefois, sauf accord des époux pour un autre mode d'évaluation, si l'argent lui a permis d'acquérir, de conserver ou d'améliorer un bien propre, il doit une indemnité égale à la plus-value apportée à son patrimoine ou, s'il est plus important, au montant dépensé.
L'époux qui a avancé les fonds peut en demander le remboursement à tout moment, sans attendre la fin de la communauté. Mais le plus souvent, tous les comptes sont faits à la fin du régime.
Il doit en principe être payé en argent. Mais il peut accepter d'être remboursé en nature, en prélevant des biens sur la part de communauté de son conjoint.
Le partage se fait d'un commun accord entre les deux époux (ou entre l'un d'eux et les héritiers de l'autre). Le juge n'intervient, en principe, qu'en cas de désaccord.
Chaque époux doit recevoir la moitié de la valeur des biens communs, cette valeur étant estimée le jour où ils sont effectivement partagés.
Si un époux reçoit une part plus importante que son conjoint, il doit lui verser une soulte, c'est-à-dire une compensation financière pour rétablir l'égalité. Par exemple, les biens communs valent 120 000 €, dont une maison de 100 000 €. Celui qui prend la maison doit payer à son conjoint une compensation de 40 000 €.
Si les deux époux revendiquent le même bien, le bénéficiaire est tiré au sort.
Les époux sont en droit d'obtenir l'attribution de certains biens par préférence à leur conjoint (ou aux héritiers de leur conjoint). C'est le cas notamment de la résidence principale, ainsi que des immeubles communs qui sont annexes ou contigus à un immeuble personnel. L'époux attributaire ne devient propriétaire du bien concerné qu'au jour du partage, et non dès le jour où l'attribution est décidée. Jusque-là, le bien reste en indivision et les deux conjoints doivent en supporter les charges.
Nous exposons ici les grands principes du partage et les règles spécifiques au partage de communauté.
Lorsqu'un époux prive volontairement la communauté de l'un de ses biens pour porter atteinte aux droits de son conjoint, on dit qu'il y a recel (C. civ. art. 1477). Tel est le cas par exemple si l'un des époux détourne le prix de vente d'un bien commun ou inscrit sciemment une dette qui lui est personnelle au passif de la communauté, ce qui diminue l'actif à partager. Le recel peut être commis durant le mariage ou après la dissolution de la communauté jusqu'au jour du partage des biens communs.
L'époux victime doit saisir le juge aux affaires familiales avec l'assistance d'un avocat. Il peut le faire pendant le mariage mais aussi après, dans les cinq ans de la dissolution du mariage. L'action peut être engagée par ses héritiers après son décès. Celui qui se plaint d'un recel doit le prouver ; ceci dit, la preuve est facilitée par l'obligation qui incombe à chaque époux d'informer son conjoint de l'utilisation qu'il a faite des sommes et biens communs.
SavoirLa sanction du recel est que le partage ne se fait plus par moitié. L'époux fautif doit rendre les biens détournés et les revenus qu'ils ont produits. Si ces biens ont été vendus, il doit en restituer la valeur. Ces biens ou valeurs sont intégralement attribués au conjoint. L'époux fautif n'a droit qu'à la moitié du reste des biens communs, c'est-à-dire à la moitié de ce qu'il n'a pas détourné.
Il reste, en revanche, tenu de la moitié des dettes de la communauté.
Enfin, il peut être condamné à des dommages-intérêts.
En général, les dettes communes sont réglées sur les biens communs avant que ceux-ci ne soient partagés. Mais il peut arriver que les biens communs ne permettent pas de payer les dettes communes ou qu'un créancier de la communauté ne se manifeste qu'après le partage.
Ce créancier est en droit de réclamer le paiement de ce qui lui est dû à l'un ou l'autre des époux, sans avoir à respecter d'ordre. En pratique, il agira contre les deux époux mais pas de la même façon (C. civ. art. 1482 et C. civ.1483) :
- l'époux responsable de la dette peut se voir réclamer la totalité du paiement ;
- l'époux non responsable de la dette ne peut se voir réclamer que la moitié du paiement.
Pour se payer, le créancier peut saisir tous les biens personnels des époux, sans avoir à distinguer selon qu'ils étaient propres ou communs du temps de la communauté.
Entre les époux, le partage des dettes se fait de la façon suivante : chacun supporte seul les dettes qui lui incombent et pour moitié celles qui incombent à titre définitif à la communauté. Toutefois, l'époux qui dissimule sciemment l'existence d'une dette commune doit l'assumer entièrement.
Un époux peut faire dresser un inventaire des biens reçus lors du partage et tenir un compte des dettes qu'il a payées. Cela lui permettra de limiter sa responsabilité vis-à-vis du créancier : il ne sera obligé de régler les dettes communes faites par son conjoint que dans la limite de ce qu'il aura reçu.
Il reste en revanche tenu de l'intégralité des dettes qu'il a lui-même faites.
L'inventaire doit être établi par un notaire, en présence du conjoint, dans les neuf mois de la dissolution de la communauté. Ce délai peut être prolongé sur autorisation du juge.
Attention cependant, cette précaution ne protège pas les biens contre une mesure de saisie. Elle limite simplement le montant pour lequel la saisie peut être faite.
A noter également que l'époux qui a détourné ou caché des biens de la communauté ne peut pas limiter sa responsabilité.
La communauté réduite aux acquêts que l'on vient de décrire constitue le modèle à partir duquel sont conçus tous les autres régimes communautaires. Ces régimes ne sont en fait que des aménagements de la communauté d'acquêts, aménagements prévus par le contrat de mariage et qui peuvent porter sur trois points :
- la composition du patrimoine commun ;
- les pouvoirs de gestion des époux sur le patrimoine commun ;
- le partage de la communauté.
Parce que le régime de la communauté réduite aux acquêts constitue le modèle, ses règles s'appliquent à défaut d'indication contraire du contrat de mariage. Par exemple, si le contrat porte uniquement sur la définition des biens communs, les règles de fonctionnement et de partage de la communauté réduite aux acquêts restent applicables.
Les avantages matrimoniaux sont des avantages que les époux se consentent, réciproquement ou non, dans leur contrat de mariage, la notion d'avantage résultant de la comparaison avec les règles de la communauté réduite aux acquêts.
Par exemple, l'adoption de la communauté universelle, une clause de partage par parts inégales ou d'attribution intégrale de la communauté constituent des avantages matrimoniaux, parce que l'époux qui en bénéficiera récupérera davantage de biens à la dissolution de la communauté que s'il n'avait pas été fait de contrat de mariage.
Parce que les avantages matrimoniaux constituent l'un des moyens les plus efficaces d'assurer la protection financière de son conjoint :
- quel que soit le montant d'un avantage matrimonial, l'époux qui en bénéficie est à l'abri des revendications des héritiers de son conjoint. En particulier, l'avantage matrimonial n'a pas à être pris en compte pour calculer la part minimale de succession que la loi réserve aux enfants du défunt ;
- le montant de l'avantage vient en plus de ce que peut recevoir le conjoint au titre de la succession de son époux ou d'une donation au dernier vivant. Les biens reçus en vertu d'un avantage matrimonial ne s'imputent pas sur la part des biens qui peut être donnée ou léguée entre époux. Les deux systèmes peuvent donc être cumulés.
Fiscalement, les avantages matrimoniaux ne sont jamais imposables, quel que soit leur montant (mais cet avantage n'est pas déterminant, puisque le conjoint survivant est totalement exonéré de droits de succession).
AttentionLes avantages matrimoniaux ayant surtout pour objectif la protection financière du conjoint survivant, il est généralement prévu dans le contrat de mariage qu'ils ne joueront qu'en cas de décès d'un époux (décès de l'un ou l'autre ou de l'un d'entre eux seulement, nommément désigné). Si rien n'a été prévu, les avantages matrimoniaux qui ont pris effet durant le mariage sont maintenus en cas de divorce. Pour l'éviter, il faut prévoir au contrat une clause de reprise d'apport ou clause « alsacienne ».
Leur principal inconvénient est leur manque de souplesse : exception faite du prélèvement d'un bien commun avec ou sans indemnité, le conjoint survivant n'a pas le choix d'accepter, de renoncer ou de limiter l'avantage qui lui est consenti. Cette absence de choix peut le mettre en difficulté. Par exemple, une communauté universelle avec attribution intégrale de la communauté au conjoint survivant contraint celui-ci à assumer toutes les dettes des époux, qui peuvent être plus importantes que l'actif commun.
La donation au dernier vivant ou le legs sont, sur ce point, plus intéressants.
Si l'un des époux a des enfants d'un autre lit, les avantages matrimoniaux qu'il confère à son conjoint sont considérés, à l'égard de ces enfants, comme une donation. L'objectif de cette règle est d'éviter que ces enfants ne soient déshérités, ce qui serait possible puisqu'ils n'héritent pas du conjoint de leur père ou de leur mère. Ces enfants peuvent demander que l'avantage matrimonial conféré à leur beau-père ou belle-mère soit limité à la part maximale de biens qui peut être donnée ou léguée entre époux (C. civ. art. 1527). Cette action, appelée action en retranchement, est ouverte à tous les enfants d'un autre lit du défunt, sauf s'ils ont été adoptés par leur belle-mère ou beau-père.
Les enfants non communs aux époux peuvent toutefois renoncer par avance du vivant de leur père ou mère à exercer l'action en retranchement avant le décès du dernier des époux. Cette renonciation s'effectue par acte notarié, dans les mêmes conditions que la renonciation anticipée à l'action en réduction.
Ce régime s'applique aux époux qui se sont mariés avant le 1er février 1966 sans faire de contrat de mariage. Pour ceux qui se sont mariés depuis cette date, il est possible - encore que rare - d'adopter volontairement la communauté de meubles et acquêts.
Les biens communs sont ceux que l'on a définis pour la communauté réduite aux acquêts, augmentés (C. civ. art. 1498) :
- des biens meubles que les époux possédaient avant leur mariage ;
- des biens meubles qu'ils reçoivent par succession, donation ou testament pendant leur mariage (sauf si la donation ou le testament contient une clause d'exclusion de la communauté) ;
- des immeubles achetés par un époux entre la signature du contrat de mariage et la célébration du mariage, sauf clause contraire du contrat.
Puisque les biens communs sont plus importants que dans le régime légal, les dettes communes sont également plus nombreuses : la communauté supporte une fraction des dettes antérieures au mariage et des dettes liées aux legs et donations dont les époux bénéficient pendant leur mariage. Cette fraction est proportionnelle à la valeur de ce qui est apporté à la communauté.
Les biens saisissables et la répartition des dettes entre les époux suivent, pour l'essentiel, le régime prévu dans la communauté réduite aux acquêts.
Par exemple, au moment de son mariage, Hermine est propriétaire de biens d'une valeur de 400 000 € : une maison de 300 000 € qui reste un bien propre et des biens meubles pour 100 000 € qui deviennent communs. Elle est endettée pour 50 000 €. La communauté devra supporter 50 000 € × 100 000 € / 400 000 €, soit 12 500 €.
C'est la forme extrême du régime communautaire : les époux mettent en commun tous leurs biens meubles et immeubles, qu'ils aient été acquis avant ou pendant le mariage (C. civ. art. 1526). En contrepartie, toutes leurs dettes sont communes, qu'elles aient été faites avant ou pendant le mariage.
Par exception, constituent des biens propres les biens qui présentent un caractère personnel marqué (vêtements, notamment), ainsi que ceux qui ont été reçus par donation ou legs dans le cas où il a été prévu une clause d'exclusion de la communauté. Le poids des dettes liées aux biens propres reste à la charge personnelle des époux.
En pratique, la communauté universelle est très rarement choisie au moment du mariage. Elle est le plus souvent adoptée à l'occasion d'un changement de régime matrimonial, par des époux âgés et sans enfant ou dont les enfants sont adultes et autonomes. Elle permet de répartir les richesses puisque, par la mise en commun de tous les biens, le plus argenté transfère la moitié de son patrimoine à son conjoint. On verra plus loin que, pour accroître l'avantage matrimonial, l'adoption de la communauté universelle s'accompagne très souvent d'une clause d'attribution intégrale de la communauté au profit du conjoint survivant. On verra également que les époux peuvent décider de limiter l'avantage résultant de la communauté universelle par une clause de reprise des apports en cas de divorce.
Dans leur contrat de mariage, les époux peuvent décider de mettre en communauté un bien ou une catégorie de biens, avec ou sans dédommagement pour son propriétaire d'origine. Le plus souvent, la mise en commun touche le logement de la famille ou le fonds de commerce que les époux veulent exploiter ensemble.
La mise en commun peut porter sur les biens eux-mêmes ou uniquement sur leur valeur. Dans ce second cas, l'époux propriétaire reste maître des biens qu'il apporte à la communauté mais, à la dissolution du mariage, la valeur de ces biens devra être comptabilisée pour évaluer la masse à partager.
Les époux peuvent aussi décider d'exclure de la communauté un bien ou une catégorie de biens. Cette possibilité est, en général, utilisée pour protéger le fonds de commerce ou la clientèle à venir d'un conjoint. La communauté ne pourra pas prétendre en recueillir la valeur.
A condition d'être mariés depuis au moins deux ans, les époux ont le droit de modifier leur régime matrimonial, voire d'en changer complètement (C. civ. art. 1397). S'ils ont déjà changé de régime matrimonial, ils doivent attendre deux ans avant d'entreprendre un nouveau changement.
La décision de changement doit intervenir dans l'intérêt de la famille. Le plus souvent, elle a pour objectif :
- d'adapter le régime matrimonial à l'évolution des situations professionnelles ou patrimoniales des conjoints ;
- d'assurer la protection du conjoint survivant.
Les époux doivent choisir leur nouveau régime matrimonial et faire établir un contrat de mariage en ce sens par un notaire. Pour être valable, l'acte doit contenir la liquidation du régime matrimonial modifié lorsque cela est nécessaire. C'est au notaire d'apprécier sous sa responsabilité la nécessité de la liquidation. Celle-ci s'imposera par exemple lorsque des époux communs en biens adopteront un régime de séparation des biens. En revanche, si ces mêmes époux optent pour une communauté universelle, la liquidation ne sera a priori pas nécessaire s'ils ne détiennent aucun bien propre.
L'acte de changement de régime matrimonial est ensuite porté à la connaissance :
- des enfants majeurs des époux et des personnes qui ont participé au contrat initial, par la voie d'une information qui leur est personnellement adressée ;
- des créanciers des époux par la publication d'un avis dans un journal habilité à recevoir des annonces légales.
Tous disposent de trois mois à compter de leur information pour s'opposer à la modification. Cette opposition doit être effectuée par lettre recommandée avec avis de réception ou par exploit d'huissier auprès du notaire rédacteur du contrat qui en informe les époux. En cas d'opposition, les époux doivent faire homologuer l'acte notarié.
Elle n'est nécessaire que lorsque :
- il y a opposition d'une partie au contrat de mariage modifié, d'un enfant majeur des époux ou d'un créancier, comme on l'a vu ci-dessus ;
- l'un ou l'autre des conjoints a des enfants mineurs.
La demande d'homologation doit être portée devant le juge aux affaires familiales. L'assistance d'un avocat est obligatoire.
Si le juge est saisi à la suite de l'opposition d'un créancier, il vérifie que le changement demandé n'a pas pour but de faire échapper un époux à ses dettes. Ce pourrait être l'objectif de l'adoption d'un régime de séparation de biens. Les tribunaux apprécient chaque situation. Ainsi, dans un cas où un mari commun en biens s'était porté caution de plusieurs prêts bancaires sans l'accord de son épouse, l'adoption de la séparation de biens avec l'attribution, dans le cadre du partage, de l'immeuble commun à l'épouse n'a pas été considérée frauduleuse puisque la banque ne pouvait pas saisir cet immeuble du fait des règles protectrices relatives au cautionnement.
Dans les autres cas de contestation, le juge s'assure que la demande est conforme à l'intérêt de la famille, l'intérêt du conjoint primant généralement celui des enfants. A cet égard, le risque qu'un enfant né d'un premier mariage soit déshérité par le changement de régime matrimonial ne conduit pas les juges à refuser l'homologation, l'enfant pouvant faire valoir ses droits par le biais de l'action en retranchement. Si le juge refuse d'homologuer le contrat de mariage, les époux peuvent faire appel.
Une fois le changement de régime matrimonial devenu définitif (après épuisement du délai pour faire opposition ou pour contester le jugement d'homologation), la modification du régime matrimonial est mentionnée sur la minute du contrat de mariage modifié et sur l'extrait d'acte de mariage des époux.
Si les époux passent d'un régime de communauté à une séparation de biens, le notaire procède au partage de la communauté. Cette étape n'est pas nécessaire pour que le changement prenne légalement effet. Mais en pratique, elle conditionne son efficacité tant à l'égard des créanciers des époux qu'entre les conjoints eux-mêmes.
En cas d'adoption d'un régime de communauté universelle, le notaire rédige des attestations immobilières pour les immeubles qui appartenaient en propre aux époux et qui deviennent communs du fait du changement de régime. Puis il procède aux formalités de publicité auprès du service de la publicité foncière.
Entre les époux, le changement de régime matrimonial prend effet, selon le cas, à la date de l'acte du notaire ou du jugement d'homologation.
A l'égard des tiers, la modification prend effet trois mois après sa mention sur l'acte de mariage des époux. Le changement peut cependant être opposé aux tiers avant l'écoulement du délai de trois mois si ces tiers ont déjà eu connaissance du changement, à l'occasion d'un contrat passé avec un époux.
Pour la rédaction du contrat, il faut compter environ 500 €. Lorsqu'il est nécessaire de faire figurer dans l'acte la liquidation du régime matrimonial, les frais sont plus importants puisqu'il est dû au notaire non pas un émolument fixe, mais un émolument proportionnel calculé sur la valeur des biens. Selon la complexité du dossier, le notaire peut en outre demander des honoraires de consultation.
Si l'homologation judiciaire du changement de régime matrimonial est nécessaire, il faut compter en plus les frais d'avocat (de l'ordre de 2 000 €).
Si un immeuble qui était indivis ou commun devient la propriété exclusive d'un époux (ou l'inverse), il faut ajouter le coût de l'attestation immobilière qui est fonction de la valeur de l'immeuble.
Il faut également prévoir le coût du partage si le changement de régime matrimonial rend celui-ci nécessaire, notamment en raison de l'adoption d'un régime de séparation de biens (compter entre 3 % et 5 % de ce qui est partagé, frais de notaire et droit de partage au taux de 2,5 % inclus).
En cas d'adoption d'un régime séparatiste, l'acte est soumis au droit fixe de 125 € lors de son enregistrement et, si un immeuble qui était commun devient personnel à l'un des époux, il faut payer sur la moitié de l'immeuble la taxe de publicité foncière au taux global de 0,71498 % et la contribution de sécurité immobilière (ex-salaire du conservateur des hypothèques) au taux de 0,1 %.
Aucun impôt ne sera dû en cas d'adoption d'un régime communautaire. Cependant, si un immeuble qui appartenait à l'un des époux devient commun du fait du changement de régime, il faudra payer la contribution de sécurité immobilière (ex-salaire du conservateur des hypothèques) au taux de 0,1 % sur la moitié de la valeur de l'immeuble.
Les époux peuvent prévoir que leur double accord sera nécessaire pour tous les actes engageant la communauté ou que les initiatives de l'un devront au moins être ratifiées par l'autre. Ce système assure une gestion cohérente de la communauté mais crée de sérieux risques de blocage. Pour les éviter, le domaine de la cogestion peut être limité à certains actes. Par exemple, des époux vivant de revenus locatifs pourront décider de signer ensemble les contrats de location.
Inversement, les époux peuvent se réserver des pouvoirs exclusifs sur certains biens communs. Par exemple, des époux mariés sous un régime de communauté universelle peuvent valablement prévoir que chacun gérera seul ses héritages à venir, alors même que les biens reçus seront des biens communs.
Certaines clauses sont interdites. Par exemple, les époux ne peuvent pas :
- donner dans le contrat de mariage un mandat irrévocable à leur conjoint de les représenter dans l'exercice des pouvoirs que le régime matrimonial leur attribue ;
- renoncer complètement à leur droit de gérer les biens communs ;
- accepter de cogérer leurs biens propres ;
- renoncer à la libre disposition de leurs salaires.
On a vu qu'à la dissolution de la communauté il faut faire les comptes des mouvements de fonds qui ont pu se produire pendant le mariage entre les patrimoines propres de chaque époux et celui de la communauté. Les règles d'évaluation des récompenses auxquelles ces mouvements de fonds donnent droit peuvent être aménagées par le contrat de mariage, qui peut d'ailleurs distinguer selon que la communauté est dissoute par décès ou pour une autre cause, notamment par divorce.
Par exemple, les époux peuvent se consentir un avantage matrimonial en prévoyant qu'en cas de décès aucun dédommagement ne sera dû et que, dans les autres cas, les récompenses à la communauté seront du montant de la dépense engagée.
A noter que, si rien n'a été prévu dans le contrat de mariage, les époux peuvent décider de ces modifications au moment de la liquidation de la communauté.
Le contrat de mariage peut autoriser un époux à prélever certains biens communs lors de la dissolution de la communauté, à charge pour lui d'indemniser la communauté (C. civ. art. 1511). Cette clause de prélèvement a en général pour objet les biens professionnels d'un époux (par exemple, le fonds de commerce qu'il exploite ou les titres de sa société). Le plus souvent, il est prévu que la clause ne jouera qu'en cas de décès, soit au bénéfice d'un époux déterminé, soit au bénéfice du conjoint survivant quel qu'il soit.
Le contrat de mariage offre une simple faculté de prélèvement, que l'époux bénéficiaire est libre d'exercer ou non. Mis en demeure de faire connaître ses intentions, il dispose d'un délai d'un mois pour répondre par courrier recommandé avec avis de réception. A défaut, il perd son droit d'effectuer le prélèvement.
S'il décide d'exercer son droit, il peut prélever les biens définis au contrat de mariage dès la dissolution de la communauté. Il en devient immédiatement propriétaire, sans devoir attendre le partage. Il évite donc une situation d'indivision, toujours délicate, avec les autres héritiers de son conjoint.
En contrepartie, au moment du partage, l'époux bénéficiaire devra indemniser la communauté soit en lui versant une indemnité compensatrice, soit en recevant une part de communauté moins importante. L'indemnité est en principe calculée en fonction de la valeur des biens prélevés au jour du partage. Cette règle n'est pas sans inconvénient, car elle oblige le conjoint bénéficiaire à opter pour le prélèvement d'un bien sans connaître la valeur qu'il aura à payer en contrepartie, le partage pouvant n'intervenir que plusieurs années plus tard. Pour pallier cet inconvénient, les époux peuvent fixer des bases d'évaluation différentes et décider notamment que les biens seront évalués au jour où ils sont prélevés.
Si, compte tenu du mode d'évaluation prévu par le contrat de mariage, l'indemnité due par l'époux est inférieure à la valeur du bien prélevé, la différence constitue un avantage matrimonial.
Par une clause dite de préciput, le contrat de mariage peut autoriser un époux à prélever un ou plusieurs biens communs avant le partage, sans devoir d'indemnité en contrepartie (C. civ. art. 1515). Le prélèvement est une simple faculté pour son bénéficiaire.
Cette clause constitue un avantage matrimonial qui a le plus souvent pour objet le logement familial, soit en pleine propriété, soit seulement en usufruit. Cette clause ne joue qu'en cas de décès, au bénéfice d'un époux déterminé ou du conjoint survivant quel qu'il soit.
Le conjoint survivant a droit à l'intégralité des biens qui sont l'objet du préciput et à la moitié des autres biens communs. Mais les dettes de la communauté doivent être soldées d'abord. Si cela entraîne la vente des biens désignés, le conjoint survivant peut prendre une somme équivalente à leur valeur sur le reste des biens communs. Si ces derniers sont insuffisants, le préciput est diminué d'autant.
Par une clause dite commerciale, le conjoint survivant peut être autorisé à prélever un bien propre de l'époux décédé, à charge d'en payer le prix à la succession, soit en argent, soit en diminuant sa part sur le reste de la succession (C. civ. art. 1390).
Si le bien prélevé est une entreprise, la clause peut autoriser le conjoint à exiger des héritiers un bail portant sur l'immeuble dans lequel cette entreprise est exploitée.
Les époux peuvent convenir dans leur contrat de mariage qu'ils se partageront les biens communs autrement que pour moitié chacun, par exemple à hauteur de 1/3-2/3 ou 1/4-3/4 ou toute autre proportion (C. civ. art. 1521). En pratique, un tel avantage matrimonial n'est prévu que pour le cas de décès.
L'objectif recherché est la sécurité financière du conjoint survivant : recevant l'essentiel des biens communs, ses conditions de vie ne seront pas modifiées. Si les époux ont des patrimoines personnels très déséquilibrés, le partage inégal n'est généralement prévu qu'au bénéfice de l'époux qui a le patrimoine personnel le plus faible.
Le conjoint survivant doit supporter les dettes communes dans la proportion des biens qu'il reçoit. Par exemple, la veuve qui reçoit les 3/4 de la communauté supportera les 3/4 des dettes communes. Si ces dettes obligent à vendre une partie des biens communs, l'avantage procuré par le partage inégal de la communauté est entamé d'autant.
En théorie, la clause de parts inégales n'empêche pas les héritiers du conjoint décédé de reprendre les biens qui auraient été des biens propres sous le régime de la communauté réduite aux acquêts. En pratique, les avantages matrimoniaux sont toujours complétés d'une clause qui prive les héritiers de ce droit de reprise.
C'est la forme extrême du partage par parts inégales (C. civ. art. 1524) : les époux conviennent que le conjoint survivant recevra tous les biens communs ; il supporte corrélativement l'intégralité des dettes communes. La clause d'attribution intégrale de la communauté est souvent associée au régime de la communauté universelle. Le conjoint survivant devient alors propriétaire de tout le patrimoine des époux. Pour cela, il lui suffit de faire établir par un notaire une attestation de propriété pour les biens immobiliers. Attention, il reçoit aussi l'intégralité des dettes du couple : pension alimentaire aux enfants d'un premier lit du conjoint, prestation compensatoire due à raison d'un précédent mariage, dettes professionnelles, etc.
En pratique, l'association communauté universelle + clause d'attribution intégrale de la communauté au conjoint survivant est conseillée aux couples sans enfant : elle permet au survivant des époux de récupérer tous les biens du couple et de maintenir ainsi son train de vie.
SavoirL'association communauté universelle + clause d'attribution intégrale est déconseillée aux couples qui ont des enfants, pour les raisons suivantes :
- au décès du premier parent, les enfants recevront une succession limitée, voire nulle ;
- les enfants risquent d'être privés de tout héritage si le second parent dilapide le patrimoine commun ou se remarie et transfère les biens à son nouveau conjoint ;
- fiscalement, l'héritage risque de coûter beaucoup plus cher aux enfants : ils perdent les abattements dont ils auraient dû bénéficier lors de la première succession et paient des droits plus élevés en raison de la progressivité de l'impôt.
Les inconvénients que l'on vient de voir seront partiellement écartés si l'attribution intégrale de la communauté est limitée à l'usufruit, le conjoint survivant recevant alors la moitié des biens communs en pleine propriété et l'autre moitié en usufruit :
- les enfants conservent la maîtrise des biens communs dont la propriété est démembrée, avec l'assurance de les récupérer au décès de l'usufruitier ;
- fiscalement, la solution est avantageuse : les enfants reçoivent deux héritages et peuvent donc bénéficier deux fois de l'abattement personnel de 100 000 €. En outre, ils ne sont pas imposables sur la valeur de l'usufruit qu'ils récupèrent au décès de leur second parent.
Il est également possible de procéder à une donation-partage partielle aux enfants avant d'adopter le régime de la communauté universelle.
Les époux Lerouge ont trois enfants. Ils sont mariés sous le régime de la communauté universelle. L'actif commun s'élève à 1 000 000 € (on suppose pour simplifier qu'il n'y a aucun bien propre). Le mari est décédé en 2010. Aucun des époux n'a fait de testament.
1e hypothèse : le contrat de mariage ne prévoit pas de clause d'attribution intégrale de la communauté au survivant.
Au décès du mari, la veuve récupère la moitié de la communauté, soit 500 000 €. On suppose qu'elle opte pour le quart de la succession en pleine propriété, soit 125 000 €. Les enfants héritent de 375 000 €, soit 125 000 € chacun. Après abattement de 159 325 € (montant applicable à l'époque, en 2010) aucun droit de succession n'est dû.
Au décès de leur mère en mai 2015, les enfants héritent des biens restants (supposés inchangés), soit 625 000 €. Chacun reçoit 208 333 €. Après abattement de 100 000 € par enfant et application du tarif, chacun doit 19 861 € de droits de succession.
2e hypothèse : le contrat de mariage prévoit une clause d'attribution intégrale de la communauté au survivant.
Au décès du mari, la veuve récupère toute la communauté sans payer aucun impôt. Ses enfants ne reçoivent rien.
Au décès de leur mère en mai 2015, les enfants vont hériter de tous les biens (supposés inchangés), soit 333 333 € chacun. Après abattement de 100 000 € par enfant et application du tarif, chacun doit 44 861 € de droits de succession.
3e hypothèse : le contrat de mariage prévoit une clause d'attribution intégrale de la communauté au survivant limitée à l'usufruit.
Supposons que Mme Lerouge a 62 ans au décès de son mari (valeur de l'usufruit : 4/10 compte tenu du barème fiscal). Mme Lerouge récupère la moitié de la communauté en pleine propriété (500 000 €) et l'autre moitié en usufruit (valeur fiscale : 200 000 €). Les enfants héritent de la nue-propriété, d'une valeur fiscale de 300 000 € (100 000 € chacun). Droits dus : 0.
Au décès de leur mère en mai 2015, ils récupéreront l'usufruit en franchise d'impôt et acquitteront des droits sur les 500 000 € dont leur mère avait la pleine propriété. Après abattement de 100 000 € par enfant et application du tarif, chacun devra 11 527 €.
Au moment de la liquidation du régime matrimonial, l'avantage résultant de l'adoption de la communauté universelle peut être réduit à néant par une clause de reprise des apports en cas de divorce. Une telle clause autorise chacun des époux, en cas de divorce, à reprendre les biens qui auraient été propres dans un régime de communauté réduite aux acquêts. Autrement dit, la communauté qui a fonctionné comme une communauté universelle durant le mariage est liquidée comme une communauté réduite aux acquêts.
C'est le régime matrimonial le plus fréquemment adopté par contrat de mariage. C'est aussi le régime qui s'applique aux époux qui obtiennent un jugement de séparation de corps ou de séparation de biens.
Dans la séparation de biens, chaque époux possède des biens personnels qu'il gère en toute indépendance. Il n'existe en principe ni bien commun ni dette commune (C. civ. art. 1536).
La séparation de biens est particulièrement conseillée :
- aux couples dont l'un des membres exerce une activité professionnelle indépendante (profession libérale, commerçant, etc.), la séparation de biens mettant en principe le conjoint à l'abri des créanciers professionnels ;
- à ceux qui ont des enfants d'un premier mariage, pour éviter des problèmes de partage entre les enfants et leur beau-père ou belle-mère ;
- à ceux dont les patrimoines ou revenus sont importants et qui souhaitent conserver la propriété exclusive de leurs biens : l'enrichissement de l'un ne profite pas à l'autre.
Chaque époux est seul propriétaire :
- de ce qu'il possédait avant de se marier ;
- de tous les biens qu'il crée ou acquiert pendant son mariage ;
- de tous les revenus qu'il perçoit pendant son mariage : salaires, pensions de retraite, loyers, dividendes, etc. ;
- de tout ce qu'il reçoit par donation, testament ou héritage pendant son mariage.
Chacun des époux est réputé propriétaire des biens à son nom. Les autres biens sont présumés indivis, c'est-à-dire qu'ils sont présumés appartenir pour moitié à chaque époux (C. civ. art. 1538).
Les époux qui veulent faire valoir leur droit de propriété exclusif sur un bien doivent donc penser à se ménager une preuve de ce droit.
Les époux peuvent prévoir, dans leur contrat de mariage, que l'un ou l'autre sera réputé propriétaire de tel ou tel bien. Cependant, l'efficacité d'une telle clause est relative. Elle est indiscutable pour les biens expressément listés. Elle est plus aléatoire si la clause est rédigée en termes généraux, certains tribunaux exigeant que la propriété des biens revendiqués soit confirmée par d'autres preuves.
SavoirLe fait de décider par contrat de mariage qu'un époux sera réputé propriétaire de tel ou tel bien peut aussi être un moyen de favoriser le conjoint survivant. Le contrat de mariage peut par exemple prévoir que les meubles du domicile des époux seront réputés appartenir à l'épouse ou que le fonds de commerce sera présumé appartenir au dernier vivant. Mais attention, l'avantage ainsi créé peut être remis en cause par l'époux qui n'en bénéficie pas, par ses héritiers, voire par ses créanciers. Tous sont autorisés à prouver qu'en réalité le bien n'appartient pas au conjoint désigné dans le contrat.
Si rien n'a été prévu dans le contrat de mariage, le bien appartient en principe à celui dont le titre (acte de vente, bon de capitalisation, part sociale, etc.) établit la propriété, quelle que soit la façon dont l'acquisition du bien a été financée. La preuve du caractère personnel d'un bien dépend de la nature de ce bien.
Certains biens, comme les immeubles, ne posent aucune difficulté de preuve : le propriétaire est l'époux désigné dans l'acte d'achat et signataire de cet acte. Si l'autre conjoint en a financé une partie, il peut prétendre à indemnisation, mais il n'est pas propriétaire. Rappelons que si un époux met au nom de son conjoint un immeuble dont il a lui-même payé le prix, il peut y avoir donation indirecte ou déguisée.
De même, il n'y a pas de difficulté de preuve lorsqu'une maison est construite sur un terrain appartenant à l'un des époux : le propriétaire du terrain devient propriétaire de la maison au fur et à mesure de sa construction, même si c'est l'autre conjoint qui finance les travaux.
S'agissant d'un fonds de commerce, l'époux nommé dans l'acte d'achat est le propriétaire, sans considération de l'origine des fonds qui financent l'opération. Si un époux crée un fonds de commerce et l'exploite, c'est lui qui en est le propriétaire. Attention cependant : le conjoint qui participe à l'exploitation peut être reconnu copropriétaire du fonds. Les tribunaux apprécient chaque cas en fonction de l'investissement respectif des époux dans le développement de la clientèle, des responsabilités assumées par chacun, des mentions portées au registre du commerce, du titulaire du bail commercial, etc.
En cas d'exercice d'une profession libérale, les questions à trancher sont les mêmes. Le conjoint du titulaire du cabinet a des droits sur la valeur de la clientèle s'il a participé de façon active à son développement.
Pour les autres biens meubles, les époux rencontrent souvent des difficultés à prouver leur droit de propriété. Les tribunaux se déterminent en fonction des indices qui leur sont fournis : facture, preuve de l'origine des fonds qui ont financé l'achat, destination du bien, usage qui en est fait, etc. Dans le cas où les époux vivent séparément, le simple fait qu'un époux possède chez lui des meubles ne suffit pas à prouver qu'ils lui appartiennent.
SavoirLes fonds et les titres déposés sur un compte bancaire ouvert au nom d'un seul époux sont considérés comme ses biens personnels. Il importe peu que son conjoint ait une procuration sur ce compte, qu'il y verse ses propres revenus ou y effectue des retraits.
Des fonds ou titres déposés sur un compte joint sont présumés appartenir aux deux époux, même si le compte n'est alimenté que par un seul d'entre eux. Les époux sont autorisés à prouver qu'il s'agit de fonds qui leur appartiennent à titre personnel.
Oui. Les conjoints séparés de biens peuvent acheter des biens à leurs deux noms, pour moitié chacun ou dans d'autres proportions, par exemple 1/3-2/3. Dans ce dernier cas, l'acte doit impérativement préciser la répartition prévue. A défaut, les époux seront considérés propriétaires pour moitié chacun.
Il existe également des biens qui sont indivis indépendamment de la volonté des conjoints : c'est le cas du contrat de location du logement familial et des biens sur lesquels les époux sont incapables de prouver leur propriété exclusive. Ces biens appartiennent automatiquement aux deux époux.
Ces acquisitions en indivision sont à limiter car elles annihilent l'effet protecteur du régime de la séparation de biens : les créanciers de l'un peuvent, pour se payer, demander le partage des biens indivis, ce qui peut amener les époux à devoir vendre ces biens.
Ce n'est pas impossible. Même en séparation de biens, les époux peuvent avoir des biens communs s'ils en décident ainsi dans leur contrat de mariage. Ils constituent alors ce qui s'appelle une société d'acquêts. Le plus souvent, c'est la résidence principale des époux ou le fonds de commerce qu'ils exploitent ensemble qui font l'objet de la société d'acquêts. Les biens déclarés communs sont gérés et partagés selon les règles de la communauté réduite aux acquêts, les autres biens restant soumis au régime de la séparation de biens.
Ainsi qu'on le verra plus loin, la constitution d'une société d'acquêts permet à des époux séparés de biens de se consentir des avantages matrimoniaux.
Chaque époux est seul responsable de ses dettes personnelles. Les biens du conjoint ne peuvent pas être saisis pour les payer, ce qui constitue l'un des avantages du régime de la séparation de biens. Si le créancier veut saisir un compte bancaire ouvert au nom des deux époux, il doit identifier les fonds personnels de son débiteur. En pratique, cela rend la saisie très difficile.
Par exception, certaines dettes doivent être assumées par les deux époux. Il s'agit notamment :
- de tous les engagements qui ont été pris soit par les deux époux, soit par l'un seulement mais avec la caution de l'autre, qui s'est donc engagé pour le cas où le premier serait défaillant ;
- des dettes ménagères, les règles étant ici les mêmes que dans le régime de la communauté réduite aux acquêts ;
- des dettes liées à des biens qui ont été achetés au nom des deux époux.
Evitez de vous porter coemprunteur ou caution de votre conjoint. En effet, dans ce cas, vous êtes engagé à titre personnel et tous vos biens personnels peuvent être saisis. Si votre participation est nécessaire (par exemple, parce que la banque l'exige pour accorder le prêt), préférez l'engagement conjoint à l'engagement solidaire. Dans le premier cas, vous n'êtes tenu que de la moitié de la dette, dans le second cas, vous êtes redevable du tout.
L'époux qui collabore à la profession de l'autre dans des fonctions subordonnées n'est pas tenu des dettes professionnelles de ce dernier. La solution est différente si son comportement laisse penser qu'il prend part à la direction de l'entreprise. Tout est question d'appréciation par les tribunaux.
Par exemple, le fait qu'un mari aide son épouse au développement de sa pharmacie en y investissant des fonds et en participant à sa gestion n'a pas été jugé suffisant pour le rendre responsable des dettes professionnelles de sa femme.
En revanche, une femme a été reconnue responsable aux côtés de son mari des dettes professionnelles de celui-ci, au motif qu'elle avait acquis avec lui le fonds de commerce, souscrit un emprunt pour l'améliorer, participé à son exploitation et réglé certains fournisseurs sur ses fonds personnels.
Lorsqu'un époux exploite une entreprise, un des avantages majeurs de la séparation de biens est de mettre le conjoint à l'abri des créanciers professionnels ; ces derniers ne peuvent pas se payer sur les biens du conjoint.
Attention en revanche aux biens indivis qui peuvent devoir être vendus si les créanciers de l'époux en difficulté demandent le partage. Le liquidateur judiciaire peut, en outre, demander le partage des biens indivis même si toutes les dettes ont été payées.
Chaque époux gère ses biens personnels comme il l'entend, après s'être acquitté des dépenses de la famille. Rappelons toutefois que, même si un époux est personnellement propriétaire du logement familial, il ne peut pas le vendre, le donner, le louer... sans l'accord de son conjoint.
Les biens indivis doivent être gérés à deux. Un époux ne peut pas les vendre, les donner... sans l'accord de l'autre. Il ne peut faire seul que les actes nécessaires à leur conservation, par exemple, commander des travaux de réparation.
S'il en existe, les biens communs sont gérés selon les règles de la communauté réduite aux acquêts.
Les principales causes de disparition du régime de la séparation de biens sont le décès d'un époux et le divorce.
En théorie, il n'y a pas de comptes à faire entre les époux, puisqu'ils sont censés avoir des patrimoines distincts. En pratique, il y a toujours des comptes à faire. Il faut d'abord que chacun reprenne ses biens, ceux-ci ayant pu se mélanger durant la vie commune. Les époux doivent ensuite décider du sort des biens acquis à leurs deux noms. Enfin, ils doivent régler leurs dettes.
En cas de jugement de séparation de corps rendu entre des époux mariés sous le régime de la séparation de biens, tous les aménagements ayant trait à la gestion des biens qui avaient pu être prévus par contrat de mariage disparaissent. Seules subsistent les règles prévues par la loi.
Contrairement aux époux mariés sous un régime de communauté, les époux séparés de biens ne sont pas obligés d'attendre la dissolution de leur régime matrimonial pour partager leurs biens indivis. Mais en pratique, c'est à ce moment-là que se fait le partage.
Les époux doivent d'abord dresser un compte d'indivision qui récapitule les dettes et créances de chacun à l'égard de l'indivision. Par exemple, celui qui a occupé à titre personnel et exclusif un bien indivis doit une indemnité.
Pour régler le sort des biens indivis, trois solutions s'offrent aux époux :
- ils peuvent vendre les biens indivis et se partager le prix au prorata de leur part de propriété ;
- l'un peut racheter la part de l'autre ;
- ils peuvent conserver les biens indivis à leurs deux noms. Cette dernière solution n'est pas recommandée. Les époux sont toujours en indivision et restent donc coresponsables des dettes relatives à ces biens, ce qui peut être source de mauvaises surprises.
Les époux peuvent demander l'attribution de certains biens par préférence à leur conjoint, les règles étant celles que l'on a vues à propos de la communauté réduite aux acquêts.
Le partage des biens entre les époux donne lieu à la perception du droit de partage au taux de 2,5 %.
Les époux peuvent décider que les biens indivis reviendront dans leur intégralité au conjoint survivant. Malheureusement, il ne s'agit pas d'un avantage matrimonial, puisque les biens concernés ne sont pas des biens communs. L'opération est considérée comme une donation entre époux, ce qui implique les conséquences suivantes :
- les enfants du conjoint décédé peuvent contester l'opération si elle les prive de la part de succession qui leur est réservée. Si ce qui revient au conjoint survivant empiète sur leur réserve, ils pourront faire réduire la donation à due concurrence ;
- la valeur de l'avantage conféré au conjoint s'impute sur la part des biens qui peut être donnée ou léguée entre époux.
S'agissant d'une donation au dernier vivant, l'opération relève des droits de succession et les biens reviennent par conséquent au conjoint survivant en franchise d'impôt.
SavoirS'ils ont des biens communs (via une société d'acquêts), les époux peuvent prévoir un partage inégal de ces biens, voire leur attribution intégrale à celui qui survivra. Il y a alors avantage matrimonial qui suit les règles favorables que l'on a déjà exposées (l'époux est notamment à l'abri des revendications des héritiers ; l'avantage s'ajoute à la part d'héritage qu'il reçoit de la succession de son conjoint ; l'avantage n'est pas imposable).
Le contrat de mariage peut autoriser le conjoint survivant à acheter ou à prélever sur la succession de l'époux décédé le premier un bien ou une catégorie de biens.
Cette autorisation porte en général sur le logement des conjoints ou l'exploitation d'un époux.
En contrepartie, le conjoint survivant doit payer à la succession le prix des biens prélevés. Le mode de calcul de ce prix peut être précisé au contrat de mariage.
Une telle clause peut être prévue au bénéfice d'un époux déterminé ou de façon réciproque, au bénéfice du survivant quel qu'il soit.
Un époux a une créance contre son conjoint chaque fois qu'il lui a avancé de l'argent sans intention de le lui donner. Il en est ainsi par exemple lorsqu'il finance l'acquisition d'un bien indivis au-delà de sa quote-part de propriété, voire même d'un bien mis au nom du conjoint.
Il faut néanmoins réserver le cas particulier du logement familial. Les juges considèrent généralement que le financement de ce bien est une modalité de règlement de la contribution aux charges du mariage dès lors qu'il est proportionné à la capacité financière de l'intéressé ; conséquence : l'époux qui a financé l'acquisition ne peut pas revendiquer une créance contre son conjoint (Cass. 1e civ. 12-6-2013 no 11-26.748 : Bull. civ. I no 126 ; Cass. 1e civ. 1-4-2015 no 14-14.349 : BPAT 3/15 inf. 78).
Le contrat de mariage peut préciser le mode d'évaluation de ces créances. A défaut, les règles exposées à propos des dettes et créances personnelles entre époux mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts s'appliquent (C. civ. art. 1543 ; voir no 45526). Il en va ainsi lorsque le bien financé appartient en propre au conjoint. Et aussi, semble-t-il, lorsqu'il est indivis (Cass. 1e civ. 26-6-2013 no 12-13.757 : RJDA 11/13 no 959).
Le paiement des dettes entre époux peut être exigé à tout moment, c'est-à-dire sans attendre la dissolution du régime.
Il s'effectue en argent. Sauf avec l'accord du conjoint, il n'est pas possible de se rembourser en nature, par exemple en prenant plus que sa part des biens indivis.
Un époux a droit à une indemnisation s'il démontre qu'il a travaillé pour le compte de son conjoint ou qu'il s'est consacré à l'éducation des enfants et aux tâches ménagères sans recevoir de rémunération ni d'autre contrepartie. Il doit prouver qu'il est allé au-delà de l'assistance normale que se doivent les époux.
C'est le cas, par exemple, de l'épouse qui a renoncé à travailler pour se plier aux nécessités de la vie sociale de son mari et se consacrer à l'éducation des enfants.
Le montant de l'indemnité peut être calculé de deux façons différentes :
- en fonction de l'enrichissement de l'époux qui a bénéficié de l'activité de son conjoint et de l'appauvrissement de ce dernier. Les tribunaux se réfèrent par exemple au salaire que le conjoint percevait quand il a arrêté de travailler ou à celui auquel il aurait pu prétendre compte tenu du poste qu'il occupait dans l'entreprise de son époux ;
- en fonction de la plus-value procurée au patrimoine du conjoint. Ce mode d'évaluation est possible lorsque la collaboration gratuite d'un époux a permis à son conjoint d'acquérir, de conserver ou d'améliorer un ou plusieurs biens qui se retrouvent dans son patrimoine au moment de la dissolution du mariage. L'indemnité est alors égale à la différence entre la valeur actuelle du bien ou des biens concernés et celle qu'ils auraient eue si la collaboration n'avait pas eu lieu.
Pour protéger le conjoint qui abandonne toute activité professionnelle propre, le contrat de mariage peut prévoir que les revenus de celui qui travaille sont communs. Ils alimentent donc une société d'acquêts.
Il est aussi possible de convenir que celui qui travaille a une dette envers son conjoint, évaluée par exemple au tiers ou à la moitié de ses revenus. Cette dette pourra être payée en argent, par exemple chaque année un mois après le dépôt de la déclaration de revenus, ou en nature par l'acquisition de biens au nom du conjoint bénéficiaire.
Le contrat peut d'ailleurs prévoir les conditions de diminution ou de disparition de la dette : en cas de reprise du travail du conjoint, en cas de divorce, aux 18 ans du dernier des enfants, etc.
La participation aux acquêts est un régime matrimonial en deux étapes bien distinctes :
- pendant toute la durée du mariage, la participation aux acquêts fonctionne comme le régime de la séparation de biens : chaque époux est propriétaire de son patrimoine et le gère en toute indépendance. Les dettes de l'un n'engagent pas l'autre ;
- à la dissolution du mariage, l'époux qui s'est le plus enrichi a une dette envers son conjoint. Il doit partager son enrichissement comme dans un régime communautaire.
En pratique, la mise en oeuvre de ce régime est assez compliquée, ce qui fait que peu de couples le choisissent.
En principe, les époux sont totalement indépendants.
En pratique, leur indépendance est limitée : les époux ayant des droits futurs sur leur enrichissement respectif, ils peuvent surveiller la façon dont l'autre gère ses biens.
Pour garantir leurs droits, ils sont autorisés à prendre une hypothèque sur les biens de leur conjoint. Celui-ci ne peut alors plus vendre librement les biens hypothéqués.
L'époux qui veut donner ou vendre un de ses biens doit, en pratique, obtenir l'accord de son conjoint. C'est le seul moyen de rendre ces opérations inattaquables par la suite.
Enfin, les époux peuvent demander la liquidation anticipée du régime matrimonial si le comportement de leur conjoint menace leurs intérêts. Tel est le cas, par exemple, si le conjoint néglige de gérer son patrimoine ou s'il quitte le domicile conjugal.
Il faut d'abord mesurer l'enrichissement de chacun pendant le mariage, pour pouvoir ensuite partager cet enrichissement.
Pour mesurer l'enrichissement des époux, il faut faire la différence entre :
- le patrimoine d'origine, qui se compose des biens et des dettes qui sont propres dans la communauté réduite aux acquêts. Les biens doivent être estimés dans leur état d'origine ;
- et le patrimoine final, qui comprend tous les biens et dettes présents à la dissolution du mariage, y compris ceux provenant du patrimoine originaire. Il faut y ajouter les biens qu'un époux a donnés sans le consentement de son conjoint, ainsi que ceux qui ont été cédés en fraude des droits du conjoint (sont présumés tels les biens vendus en viager et ceux vendus à perte, lorsque le conjoint n'a pas consenti à ces opérations).
Les biens sont estimés dans l'état où ils se trouvent au moment de la dissolution du régime matrimonial. Une expertise est souvent nécessaire.
Il faut ensuite calculer l'enrichissement moyen réalisé et le répartir par moitié entre les époux (le contrat de mariage peut prévoir une autre répartition, par exemple 1/3-2/3). Par exemple, si Jean s'est enrichi de 80 000 € pendant son mariage, tandis que Rose ne s'est enrichie que de 15 000 €, Rose a droit à : 1/2 × (80 000 - 15 000) = 32 500 € et Jean a droit à 1/2 × (15 000 - 80 000) = - 32 500 €. Jean devra 32 500 € à Rose.
Si un époux s'est appauvri pendant son mariage (patrimoine final inférieur à son patrimoine d'origine), il supporte seul ses pertes.
Le règlement de la dette de l'époux qui s'est le plus enrichi (Jean, dans notre exemple) doit se faire immédiatement et en argent. A défaut, son conjoint peut faire saisir ses biens.
Si l'époux qui doit l'argent éprouve de réelles difficultés pour payer ce qu'il doit, il peut demander au juge un délai de paiement (cinq ans maximum). Il devra en contrepartie fournir des garanties (par exemple, une hypothèque au profit de son conjoint) et, bien sûr, payer des intérêts. L'époux qui n'arrive pas à payer peut aussi demander au juge de l'autoriser à faire un paiement en nature.
Un régime franco-allemand de participation aux acquêts a été instauré par un accord bilatéral (Accord du 4-2-2010 ; Loi 2013-98 du 28-1-2013 autorisant sa ratification et Décret 2013-488 du 10-6-2013). Ce régime peut notamment être adopté par les couples de Français, d'Allemands et les couples franco-allemands.
Son fonctionnement est proche de celui de la participation aux acquêts existant dans les deux pays. Sa principale différence avec le régime franco-français est le mode de calcul de l'enrichissement des époux lors de la dissolution du régime.
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