Le mandat de protection future donne à chacun le pouvoir d'organiser à l'avance sa propre protection ou sous certaines conditions celle de son enfant et permet ainsi d'éviter l'ouverture d'une mesure plus lourde (C. civ. art. 477 à C. civ.494).
Selon les statistiques, 2 753 mandats de protection future ont été activés depuis le 1er janvier 2009 (140 mandats en 2009, 284 en 2010, 394 en 2011, 536 en 2012, 680 en 2013 et 719 en 2014. On dénombre 2 363 actes notariés et 390 actes sous seing privé. Le Conseil supérieur du notariat estime à 5 000 le nombre de mandats contractés (SDSE/RGC - DACS - Pôle d'évaluation de la justice civile ; Rapport Sén. 4-3-2015 no 322).
Toute personne capable (majeure ou mineure émancipée) peut donner à une ou plusieurs personnes mandat de la représenter pour le cas où elle serait hors d'état de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération de ses facultés mentales ou corporelles. Une personne sous curatelle peut également conclure un mandat de protection future avec l'assistance de son curateur.
Les parents ou le dernier vivant des père et mère peuvent désigner un ou plusieurs mandataires chargés de représenter leur enfant pour le cas où ce dernier ne pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts en raison d'une altération de ses facultés mentales ou corporelles. Des parents ayant un enfant handicapé peuvent ainsi organiser sa protection à l'avance pour le jour où ils disparaîtront ou ne pourront plus s'occuper de lui. Conditions de ce mandat de protection pour autrui : les parents (ou le survivant d'entre eux) ne doivent pas faire l'objet d'une mesure de curatelle ou de tutelle et ils doivent exercer l'autorité parentale sur leur enfant (s'il est encore mineur) ou assumer sa charge matérielle et affective (s'il est majeur).
Il peut s'agir d'une personne physique, que ce soit un proche (un enfant par exemple) ou un professionnel (un notaire, un gestionnaire de patrimoine, etc.) ; par exception, les professionnels de santé ainsi que les fiduciaires désignés par un contrat de fiducie ne peuvent pas être mandataires de l'un de leurs clients. Il est également possible de choisir une personne morale (une association par exemple) inscrite sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
Plusieurs mandataires peuvent être désignés, par exemple un proche pour la protection de la personne et un professionnel pour la gestion des biens.
Si le mandat a été passé par acte notarié, le notaire qui a reçu l'acte ne devrait pas pouvoir être désigné mandataire, car on voit mal comment il pourrait alors exercer sa mission de contrôle sur l'exécution du mandat (no 43620).
Le choix est ouvert entre deux types de mandat : notarié ou par acte sous seing privé. Pour être valable, le mandat sous seing privé doit être contresigné par un avocat, sauf s'il est conforme au modèle établi par le ministère de la justice (modèle Cerfa no 13592*02 disponible sur www.service-public.fr, rubrique Services en ligne et formulaires). Ce modèle et sa notice d'information constituent un véritable guide de rédaction.
Par exception, les parents d'un enfant handicapé ne peuvent conclure de mandat que par acte notarié.
Si le mandat est établi par un notaire, le mandataire dispose de très larges pouvoirs : il peut percevoir les revenus et placer les capitaux, donner les biens en location et même les vendre. La seule chose qu'il ne peut pas faire, c'est donner les biens ; il a besoin pour cela de l'autorisation du juge des tutelles. Le notaire contrôle les opérations : le mandataire lui adresse ses comptes avec les pièces justificatives. Le notaire informe le juge des tutelles de tout mouvement de fonds et/ou de tout acte qui lui paraîtraient injustifiés ou non conformes à ce qui a été prévu dans le mandat. Le coût d'établissement d'un mandat notarié est de 117 € hors TVA. Une fois que le mandat a pris effet, le notaire perçoit chaque année pour le contrôle des comptes une rémunération de 117 € à 351 € hors TVA, en fonction des recettes et des dépenses engagées dans l'année.
Si le mandat est conclu sous seing privé, le mandataire ne peut accomplir que les actes de gestion courante : il peut par exemple encaisser les loyers pour le compte de celui qui lui a donné mandat, mais il ne peut pas donner congé au locataire, ni a fortiori vendre le bien. Pour tous les actes ne relevant pas de la gestion courante, il doit obtenir l'autorisation du juge des tutelles.
Le mandat fonctionne comme une procuration qui permet au mandataire, quelle que soit la forme du mandat, d'agir à la place et au nom du mandant. Il ne fait perdre au mandant ni ses droits ni sa capacité juridique : le mandant conserve le pouvoir d'effectuer lui-même les actes. Mais émanant d'une personne dont les facultés sont altérées, ses actes pourront être annulés ou réduits dans les mêmes conditions que ceux passés par un majeur sous sauvegarde de justice (no 43112).
Le mandataire doit exécuter personnellement sa mission. Pour les actes de gestion du patrimoine, il peut toutefois à titre spécial (c'est-à-dire pour un acte ou une série d'actes de même nature) demander à une autre personne d'agir à sa place. Le mandataire répond des éventuelles fautes de cette personne.
Le mandat prend effet lorsqu'il est établi que la personne ne peut plus pourvoir seule à ses intérêts ou, s'agissant d'un mandat pour le compte d'un enfant handicapé, lorsqu'il est établi que ses parents sont décédés ou qu'ils ne peuvent plus prendre soin de lui.
Le mandataire désigné produit au greffe du tribunal d'instance le mandat, sa pièce d'identité et celle du mandant, un justificatif de domicile et un certificat médical (émanant d'un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République) établissant que l'altération des facultés du mandant le met dans l'impossibilité de gérer seul ses intérêts (ou que les parents de l'enfant sont décédés ou dans l'incapacité de continuer à s'occuper de lui). Si le greffier constate que les conditions sont réunies, le mandat prend effet immédiatement.
Le mandataire doit immédiatement faire établir un inventaire des biens de la personne, inventaire dont il assure ensuite l'actualisation (sur le contenu de l'inventaire, voir no 43365).
Chaque année, il établit le compte de sa gestion. En cas de mandat notarié, le mandataire adresse le compte et les pièces justificatives au notaire qui a établi le mandat. En cas de mandat sous seing privé conforme au modèle, le mandataire doit adresser les comptes à la personne désignée par le mandat pour contrôler son action. En cas de mandat sous seing privé contresigné par un avocat, les comptes sont vérifiés selon les modalités définies par le mandat. Dans tous les cas, le juge peut faire vérifier le compte de gestion par le greffier en chef du tribunal d'instance.
Le mandataire est responsable des fautes commises dans l'exercice de sa mission. S'il cause un préjudice, il pourra être condamné à des dommages-intérêts. En cas de manquements caractérisés, le juge pourra le dessaisir de sa mission.
Afin de permettre aux juges des tutelles, procureurs de la République, notaires et avocats d'avoir connaissance de l'existence des mandats de protection future, le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement adopté en première lecture par le Sénat le 19 mars 2015 prévoit de rendre obligatoire l'inscription des mandats de protection future sur un registre spécial dont les modalités et l'accès seront définis par décret (Projet de loi art. 27 bis). Le droit en vigueur ne prévoit pas en effet de mesures de publicité particulières. Le visa du mandat par le greffier prévu par l'article 481 du Code civil (qui donne effet au mandat) donne lieu à simple enregistrement informatique anonyme à visée strictement statistique (Rapport Sén. 4-3-2015 no 322).
Le mandat prend fin par :
- le rétablissement des facultés personnelles de l'intéressé. Le rétablissement doit être constaté, à la demande du mandant ou de son mandataire, par un certificat médical datant de moins de deux mois (émanant d'un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République) ; ce certificat est produit au greffe du tribunal d'instance ;
- son décès (pour une illustration, voir CA Paris 14-2-2013 no 11/02671 ch. 4-3) ;
- sauf décision contraire du juge des tutelles, le placement du majeur sous tutelle ou curatelle (Cass. 1e civ. 29-5-1013 no 12-19.851) ;
- le décès du mandataire, son placement sous une mesure de protection, sa déconfiture ou sa révocation prononcée par le juge des tutelles.
A l'expiration du mandat et dans les cinq ans qui suivent, le mandataire tient à la disposition de la personne qui est amenée à poursuivre la gestion, au majeur s'il a recouvré ses facultés ou à ses héritiers l'inventaire des biens et les actualisations auxquelles il a donné lieu ainsi que les cinq derniers comptes de gestion et les pièces nécessaires pour continuer celle-ci ou assurer la liquidation de la succession du majeur.
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