La tutelle constitue le régime de protection le plus fort, qui se traduit par une incapacité juridique presque totale de l'intéressé. La personne sous tutelle ne peut plus acheter, louer, vendre, etc. Tous ces actes sont effectués à sa place par quelqu'un qui la représente.
En pratique, la tutelle s'adresse aux personnes dont les facultés intellectuelles sont gravement et durablement atteintes (par exemple, handicapés mentaux atteints d'une infirmité sévère, personnes âgées devenues séniles).
La tutelle peut aussi être ouverte à raison d'une infirmité physique, mais c'est rare : il faut vraiment que le handicap soit tel qu'il empêche complètement la personne d'exprimer sa volonté.
La curatelle est une protection intermédiaire entre la sauvegarde de justice et la tutelle. La personne placée sous curatelle est partiellement incapable : pour certains actes, elle conserve l'exercice de ses droits ; pour d'autres actes, elle ne peut agir qu'avec l'assistance de son curateur ou l'autorisation du juge des tutelles.
- La tutelle et la curatelle sont régies par les articles 415Code civil à 432Code civil, 440Code civil à 476Code civil et 496Code civil à 515 du Code civil ainsi que par les articles 1211Code de procédure civile à 1247Code de procédure civile et 1253Code de procédure civile à 1257 du Code de procédure civile.
- Incapacité ne signifie pas irresponsabilité : la personne qui cause un préjudice à quelqu'un est civilement responsable, même si elle est sous un régime de protection au moment des faits. Elle devra donc indemniser la victime du dommage. Cette règle est parfois sévère. Elle peut aboutir à priver de toute portée la protection dont bénéficie le majeur. Exemple : un tuteur avait demandé et obtenu l'annulation d'un acte passé par un majeur. Mais ce dernier avait commis une faute lors de la passation de l'acte (il avait affirmé ne pas faire l'objet d'une mesure de protection). Dès lors, il a été condamné à verser à son cocontractant des dommages-intérêts d'un montant équivalent à celui qu'il aurait dû payer si l'acte n'avait pas été annulé (Cass. 1e civ. 28-1-2003 no 00-12.498).
Toutes les personnes qui figurent sur la liste suivante :
- l'intéressé lui-même ; son conjoint, partenaire de Pacs ou concubin (sauf si la vie commune a cessé) ; un parent ou allié ; un proche (il faut que les liens soient étroits et stables) ;
- la personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique (par exemple, son curateur ou la personne qui exerce un mandat de protection future) ;
- le procureur de la République.
Les personnes qui ne figurent pas sur la liste ne peuvent pas demander l'ouverture d'une tutelle. Cela dit, elles ont la possibilité d'aviser le procureur de la République de la raison qui justifierait l'ouverture d'une protection. Si le procureur de la République estime cet avis fondé, il demandera au juge des tutelles d'ouvrir une tutelle ou une curatelle.
La procédure commence par une requête écrite, qui doit être adressée ou remise au greffe du tribunal d'instance de la résidence habituelle de la personne à protéger (ou de son lieu d'hospitalisation, au choix). Un annuaire des tribunaux d'instance est disponible à l'adresse internet http://www.annuaires.justice.gouv.fr/annuaires-12162/annuaire-des-juridictions-21798.html. Il permet de trouver le tribunal compétent en entrant le nom de résidence de la personne à protéger.
La requête doit au minimum comporter l'identité de la personne à protéger, les raisons pour lesquelles sa protection est nécessaire et un certificat établi par un médecin figurant sur une liste particulière établie par le procureur de la République (le coût du certificat médical est de 160 €).
Dans la mesure du possible, la requête doit également mentionner les coordonnées des proches du majeur (conjoint, partenaire de Pacs ou concubin ; parents ; alliés, etc.), le nom de son médecin traitant et des informations sur sa situation familiale, financière et patrimoniale. Un modèle de requête est disponible sur le site internet de la cour d'appel de Paris (http://www.ca-paris.justice.fr/art_pix/Requete_au_juge_des_tutelles.pdf) ou dans tous les tribunaux d'instance.
SavoirLe juge des tutelles ne peut pas ouvrir une mesure de protection en l'absence de certificat médical établi par un médecin agréé (Cass. 1e civ. 29-6-2011 no 10-21.879). En cas de refus par la personne à protéger de se soumettre à l'examen médical, le procureur de la République doit réunir tous les éléments, notamment de nature médicale, qui permettront l'instruction de la demande de placement sous protection par le juge des tutelles.
Le juge peut ordonner toute mesure d'instruction (une enquête sociale par exemple). Il peut également décider d'entendre les personnes qui auraient pu demander l'ouverture de la tutelle ou de la curatelle.
Sauf cas particuliers, le juge des tutelles entend la personne à protéger et lui donne connaissance de la procédure engagée. Le majeur peut, s'il le souhaite, être accompagné d'un avocat. L'audition peut avoir lieu au tribunal, au domicile du majeur, dans l'établissement de soins ou d'hébergement ou dans tout autre lieu approprié (a priori, le cadre de vie habituel de la personne).
Un mois au moins avant la date prévue pour l'audience de jugement, le juge des tutelles transmet le dossier pour avis au procureur de la République.
L'instruction d'une demande de mise sous tutelle ou sous curatelle est d'une durée moyenne de six mois pendant laquelle la personne conserve en principe sa pleine capacité. En cas d'urgence, le juge des tutelles décide du placement immédiat sous sauvegarde de justice et nomme au besoin un mandataire spécial (no 43109).
Le dossier peut être consulté par :
- la personne qui a demandé le placement du majeur sous tutelle ou sous curatelle (ou son avocat si elle en a désigné un) ;
- toutes les personnes qui auraient pu demander l'ouverture de la tutelle ou de la curatelle (ou leurs avocats) si elles ont un intérêt légitime ;
- la ou les personnes chargées de la protection du majeur (par exemple, le curateur qui demande la transformation de la curatelle en tutelle).
La personne à protéger peut également demander à consulter son dossier. Mais le juge peut décider d'exclure tout ou partie des pièces de la consultation si celles-ci peuvent causer un préjudice grave au majeur.
Sauf si la consultation peut lui causer un préjudice grave, le majeur doit avoir été informé de la possibilité de consulter son dossier au greffe. A défaut la décision du juge ordonnant son placement ou son maintien sous tutelle ou sous curatelle pourrait être annulée (Cass. 1e civ. 12-2-2014 no 13-13.581 : BPAT 2/14 inf. 60).
L'audience se tient à huis clos. Le juge entend celui qui a demandé le placement du majeur sous tutelle ou sous curatelle, le majeur à protéger et, le cas échéant, leurs avocats et le procureur de la République. Si l'audition risque de porter atteinte à la santé du majeur ou s'il est hors d'état d'exprimer sa volonté, le juge peut décider de ne pas l'entendre. Avant de prendre une telle décision, le juge doit demander l'avis du médecin visé no 43229.
Le juge dispose d'un délai d'un an à compter de la demande de mise sous tutelle ou sous curatelle pour rendre sa décision. Passé ce délai, la procédure s'arrête et il faudra faire une nouvelle demande.
Le juge peut :
- ouvrir la tutelle ou une curatelle (ou simplement une sauvegarde de justice si les autres mesures lui paraissent trop fortes) ;
- rejeter la demande d'ouverture de la mesure de protection.
Le juge ne doit pas placer sous tutelle une personne mariée si les règles relatives aux droits et devoirs des époux et celles des régimes matrimoniaux suffisent à la protéger (C. civ. art. 428).
Par exemple, justifie sa décision de refuser de placer sous tutelle un homme plongé depuis plusieurs années dans un coma végétatif le juge qui constate que cet homme et son épouse avaient opté, au moment de leur mariage, pour le régime de la communauté universelle, que l'épouse était déjà judiciairement substituée à son mari dans l'exercice des pouvoirs résultant de ce régime et que rien n'établissait un risque de dilapidation des biens communs (Cass. 1e civ. 1-2-2012 no 11-11.346).
Pour placer une personne mariée sous une mesure de protection, les juges n'ont pas à motiver spécialement leur décision (conjoint incompétent, peu désireux de s'occuper de son époux, etc.). Il leur suffit de relever que l'application du régime matrimonial est insuffisante à assurer la protection du majeur (Cass. 1e civ. 30-5-2000 no 98-13.609).
Les concubins même pacsés ne peuvent pas demander au juge la possibilité de représenter leur compagnon hors d'état de manifester sa volonté ou de passer certains actes à sa place. Ils devront solliciter son placement sous un régime de protection.
SavoirLa loi de modernisation et de simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (Loi 2015-177 du 16-2-2015) autorise le Gouvernement à adopter par ordonnance, avant le 17 octobre 2015, les mesures qui permettront aux ascendants, descendants, frères et soeurs, partenaire d'un Pacs ou concubin d'un majeur hors d'état de manifester sa volonté, de le représenter ou de passer certains actes en son nom sans qu'il soit besoin de prononcer une mesure de protection judiciaire. Ils devront au préalable être habilités en justice.
La décision du juge est en principe notifiée par lettre recommandée avec avis de réception à la personne qui a demandé l'ouverture de la mesure et à celle qui est chargée de la protection. Sauf exception, elle est également notifiée à l'intéressé. Le juge peut également informer les personnes qu'il juge les plus qualifiées parmi celles qui peuvent exercer un recours contre sa décision.
Oui, auprès du délégué à la protection des majeurs qui siège à la cour d'appel. Les personnes à qui la décision a été notifiée doivent agir dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement pour exercer leur recours. Pour les personnes à qui la décision n'a pas été notifiée, ce délai commence à courir à compter de la décision du juge.
La décision qui refuse d'ouvrir la tutelle (ou la curatelle) ne peut être contestée que par la personne qui l'avait demandée.
Le recours contre une décision qui ouvre la tutelle (ou la curatelle) ou refuse d'y mettre fin est en revanche très largement ouvert : peuvent contester non seulement la personne mise ou maintenue sous protection mais également toutes les personnes ayant qualité pour demander l'ouverture de la mesure.
Le recours à un avocat n'est pas nécessaire.
Le recours est remis ou envoyé sous pli recommandé avec avis de réception au greffe du tribunal de grande instance. Toutefois, comme le souligne la Cour de cassation, cette obligation n'est destinée qu'à régler une contestation sur la date du recours. Dès lors une cour d'appel ne peut pas déclarer un appel irrecevable au seul motif qu'il a été formé par lettre simple (Cass. 1e civ. 11-7-2013 no 12-23.091).
Le recours contre la décision d'ouvrir une tutelle ou une curatelle empêche en principe celle-ci d'entrer en application. Le juge des tutelles peut toutefois en décider autrement et ordonner l'exécution provisoire de la mesure de protection, qui se met alors en place sans attendre l'issue du recours.
Une fois expiré le délai de recours de 15 jours, le jugement de tutelle ou de curatelle devient définitif. La décision est alors adressée au greffe du tribunal de grande instance du lieu de naissance du majeur. Elle est inscrite et conservée dans un registre appelé répertoire civil, cette inscription étant mentionnée sur l'acte de naissance de l'intéressé.
Ces inscriptions permettent d'informer les tiers du placement du majeur sous un régime de protection.
Deux mois après l'inscription, le jugement est opposable à toutes les personnes qui ont passé un contrat avec le majeur, sans qu'il soit nécessaire de les informer individuellement de l'ouverture de la mesure. Par exemple, une banque qui n'avait pas adressé au curateur les avis de reconduction d'un crédit renouvelable souscrit par le majeur avant son placement sous protection a été déchue des droits aux intérêts courus plus de deux mois après l'inscription (Cass. 1e civ. 9-11-2011 no 10-14.375 : BPAT 1/12 inf. 18).
SavoirPour savoir si quelqu'un est sous tutelle ou sous curatelle, il faut demander un extrait d'acte de naissance à la mairie de son lieu de naissance (ou au service central d'état civil à Nantes si elle est née à l'étranger). Si l'extrait porte la mention « Répertoire civil no », la personne en question est soit sous tutelle soit sous curatelle. Pour en savoir plus, il faut s'adresser au greffe du tribunal de grande instance du lieu de naissance de l'intéressé et demander une copie de l'extrait du jugement qui a prononcé la tutelle ou la curatelle et qui est conservé au répertoire civil. L'accès à tous ces renseignements est libre. Il est possible de faire la demande par courrier ou à l'aide du formulaire Cerfa no 13485*01 sur le site www.formulaires.modernisation.gouv.fr.
Le juge qui ouvre une tutelle ou une curatelle doit en fixer la durée, avec un maximum de cinq ans. Toutefois, le juge peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme du médecin visé no 43229, constatant que l'altération des facultés du majeur n'est pas susceptible de s'améliorer, fixer, pour les seules tutelles, une durée plus longue, n'excédant pas 10 ans (C. civ. art. 441, modifié par la loi 2015-177 du 16-2-2015).
A l'issue de ces cinq ans, le juge peut renouveler la mesure, sans que le nombre de renouvellements soit limité. La durée du renouvellement est en principe celle de la mesure initiale.
Par décision spécialement motivée, le juge peut ordonner le renouvellement pour une durée supérieure (n'excédant pas 20 ans) à celle de la mesure initiale, si les conditions suivantes sont réunies (C. civ. art. 442, al. 2 modifié par la loi 2015-177 du 16-2-2015 ; Cass. 1e civ. 13-5-2015 no 14-14.904) :
- le juge doit relever que l'état de l'intéressé n'est manifestement pas susceptible d'amélioration ;
- et il faut un avis conforme du médecin visé no 43229, avis qui doit préconiser le renouvellement de la mesure pour une durée supérieure à 5 ans (Cass. 1e civ. 10-10-2012 no 11-14.441).
La demande de renouvellement peut se faire sur le formulaire Cerfa no 14919*01 téléchargable sur le site http://www.service-public.fr rubrique Services en ligne et formulaires.
En l'absence de renouvellement, la mesure de protection prend fin au terme du délai fixé.
Les nouvelles dispositions relatives au renouvellement s'appliquent aux mesures de tutelle et de curatelle prononcées depuis le 17 février 2015. Les mesures de curatelle et de tutelle renouvelées pour une durée supérieure à dix ans avant l'entrée en vigueur de la loi doivent faire l'objet d'un renouvellement avant le 17 février 2025. A défaut, ces mesures prendront fin automatiquement (Loi 2015-177 du 16-2-2015 art. 26).
Les mesures de protection cessent en cas de décès de la personne protégée. Cette « règle » est posée par la loi pour interdire au tuteur ou au curateur de continuer à s'occuper des affaires de la personne protégée après son décès.
Elles cessent également en cas de jugement de mainlevée de la mesure. Par exemple, justifie la mainlevée d'une curatelle le juge qui constate qu'une majeure n'a plus besoin de traitement médical, n'est plus en état de surendettement et qu'elle est désormais capable de gérer seule un budget et même de se constituer une épargne non négligeable (CA Nîmes 20-9-2011 no 10-04414, ch. civ. : BPAT 6/11 no 342).
Le juge peut enfin mettre fin à la tutelle d'une personne résidant hors de France, si cet éloignement empêche le suivi et le contrôle de la mesure.
- Le juge ne peut pas rejeter une demande de mainlevée d'une curatelle sans constater la persistance de l'altération des facultés mentales de l'intéressée (Cass. 1e civ. 15-4-2015 no 14-16.666 : BDP 5/15 inf. 167).
- Le juge ne peut pas ordonner la mainlevée d'une mesure de protection au prétexte que personne ne veut en assurer la charge, par exemple en raison de la violence du majeur protégé (Avis C. cass. 15-4-2015 no 15004). Dans cet avis, la Cour de cassation indique que le maintien de la mesure garantit une protection minimale à l'intéressé, l'irrégularité des actes qu'il a accomplis pouvant être sanctionnée dans les conditions de l'article 465 du Code civil.
Ces actes sont en principe valables. Cependant ceux qui ont été accomplis moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la tutelle (ou de la curatelle) peuvent être contestés dans des conditions plus favorables que celles applicables aux adultes non protégés :
- les obligations résultant des actes accomplis pendant ces deux ans peuvent être réduites (par exemple, diminution du prix dû par le majeur) à condition de démontrer que l'inaptitude du majeur à défendre ses intérêts était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où l'acte a été passé ;
- s'il est en plus démontré que le majeur a subi un préjudice, l'acte passé par le majeur peut être annulé.
La réduction ou la nullité doit être demandée dans un délai de cinq ans à compter de l'ouverture de la tutelle ou de la curatelle.
Des règles spécifiques s'appliquent aux contrats d'assurance-vie en cas de décès et aux testaments.
Lorsque le majeur a souscrit un contrat d'assurance-vie au cours des deux ans précédant la tutelle ou la curatelle, l'acceptation de l'assurance par le bénéficiaire - qui interdit à la personne protégée de racheter son contrat sans son accord - peut être annulée si l'incapacité du majeur était notoire ou connue du bénéficiaire à l'époque de la conclusion du contrat.
Le testament établi avant le placement sous tutelle reste valable sauf s'il est établi que, depuis l'ouverture de la tutelle, la raison qui avait déterminé le majeur à faire ce testament a disparu.
La personne chargée de la protection du majeur doit maintenir les comptes et livrets ouverts au nom de la personne protégée. Elle ne peut ni les modifier ni en ouvrir d'autres.
Par exception :
- le juge des tutelles ou le conseil de famille s'il en a été constitué un peut autoriser la personne chargée de la protection à ouvrir ou modifier un compte ou livret si l'intérêt de la personne protégée le commande ;
- un compte est ouvert au nom de la personne protégée auprès de la Caisse des dépôts et consignations par la personne chargée de la protection si le juge (ou le conseil de famille) l'estime nécessaire.
Si le majeur n'a pas de compte, il lui en est ouvert un. L'autorisation du juge ou du conseil de famille n'est pas nécessaire pour l'ouverture d'un premier compte ou livret : il s'agit d'un acte d'administration que le tuteur ou le majeur sous curatelle peut accomplir seul.
Sauf si la mesure de protection est confiée à un préposé d'un établissement de santé ou d'un établissement social ou médico-social soumis aux règles de la comptabilité publique (maisons de retraite ou hôpitaux publics par exemple), toutes les opérations bancaires de paiement et de gestion patrimoniale doivent être réalisées exclusivement au moyen des comptes ouverts au nom de la personne protégée. Il est donc interdit aux organismes tutélaires non soumis aux règles de comptabilité publique de créer un compte unique (dit compte « pivot ») pour l'ensemble des majeurs placés sous leur protection.
Dans tous les cas, les revenus et plus-values des fonds et titres des comptes appartenant au majeur doivent lui revenir.
L'autorisation du juge ou du conseil de famille (ou l'assistance du curateur) est nécessaire pour clôturer un compte bancaire.
- Si le majeur protégé est interdit bancaire, la personne chargée de la mesure de protection peut, avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, faire fonctionner sous sa propre signature les comptes de la personne protégée et disposer de tous les moyens de paiement habituels.
- L'autorisation de fermer les comptes bancaires ouverts au nom du majeur pour les transférer dans une autre banque doit se justifier par l'intérêt qu'a la personne protégée à la clôture de ses comptes (Cass. 1e civ. 28-1-2015 no 13-26. 363).
Dès son placement sous tutelle, le majeur cesse de pouvoir effectuer lui-même les actes de la vie civile : acheter, vendre, louer, gérer ses comptes bancaires, emprunter, souscrire un contrat d'assurance, etc. Ces actes devront être passés pour son compte par son représentant, le plus souvent un tuteur. La situation d'un majeur sous tutelle est semblable à celle d'un mineur.
Cette incapacité de principe du majeur sous tutelle supporte trois séries d'exceptions :
- le majeur conserve le pouvoir d'effectuer les actes de la vie courante : faire ses courses, prendre le métro, acheter des livres, etc. A cette fin, son tuteur lui allouera une somme mensuelle ou hebdomadaire ;
- des dispositions particulières s'appliquent aux actes qui présentent un caractère personnel marqué ;
- en ouvrant la tutelle ou dans un jugement postérieur, le juge peut alléger la tutelle en listant des actes que la personne pourra faire elle-même, seule ou avec l'assistance de son tuteur : percevoir son salaire, détenir une carte bancaire, rédiger un testament, chasser, etc. Le juge peut alléger la tutelle dès le jugement d'ouverture ou dans un jugement postérieur. Cette possibilité est très peu utilisée en pratique.
Certains actes nécessitent un consentement strictement personnel. Ils ne peuvent jamais donner lieu à représentation. En conséquence, soit le majeur est intellectuellement capable de donner son consentement et il peut effectuer l'acte seul (une action en nullité pour trouble mental demeurant possible dans les conditions exposées no 43009), soit il ne possède pas cette capacité et l'acte ne peut pas être accompli. Jugé par exemple que ne peut pas consentir à sa propre adoption - et ne peut donc pas être adoptée - une autiste qui, selon l'expert désigné par le juge des tutelles, est incapable d'organiser un raisonnement, un jugement ou d'exprimer une volonté élaborée (Cass. 1e civ. 8-10-2008 no 07-16.094).
Sont visés par la loi : la déclaration de naissance d'un enfant, sa reconnaissance, l'exercice de l'autorité parentale par le majeur sur son enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d'un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant. La liste de ces actes n'est à notre avis pas limitative, et d'autres actes pourront par conséquent être qualifiés comme tels par les juges.
- Les mêmes règles devraient, à notre avis, s'appliquer à la demande d'adoption par le majeur, bien qu'elle ne soit pas visée par le Code civil au titre des actes à caractère strictement personnel.
- L'appel d'une décision du juge des enfants qui restreint l'exercice des droits de l'autorité parentale d'un majeur protégé constitue un acte strictement personnel que celui-ci peut accomplir sans assistance ni représentation (Cass. 1e civ. 6-11-2013 no 12-23.766). Par cet arrêt, la Cour de cassation a étendu aux actions en justice le régime des actes à caractère strictement personnel et écarte ainsi les dispositions du Code civil qui obligent les majeurs protégés à être représentés ou assistés pour agir devant les tribunaux. Dès lors que l'action en justice concerne un acte à caractère strictement personnel, le majeur peut agir seul.
A côté des actes à caractère strictement personnel que le majeur sous tutelle doit effectuer lui-même, la loi définit un régime particulier pour les « actes relatifs à sa personne » (il reviendra aux tribunaux de définir ce que sont ces actes...). Si le majeur est capable de prendre une décision éclairée, il prend seul cette décision. Dans le cas contraire, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué peut prévoir que le majeur bénéficiera de l'assistance de la personne chargée de sa protection. Si cette assistance ne suffit pas, le juge peut autoriser le tuteur à représenter la personne protégée.
La loi a organisé des exceptions à l'incapacité totale du majeur sous tutelle. Nous allons voir les plus importantes de ces exceptions.
Le mariage d'une personne sous tutelle est possible avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, après audition des futurs conjoints et recueil, le cas échéant, de l'avis des parents et de l'entourage du majeur. Le juge des tutelles (ou le conseil de famille) ne peuvent pas autoriser le mariage s'ils n'ont pas d'abord recueilli le consentement du majeur (en ce sens, Cass. 1e civ. 24-3-1998 no 97-11.252 : Bull. civ. I no 124).
Si ces conditions ne sont pas réunies, la nullité du mariage pourra être demandée dans l'année par l'intéressé lui-même ou par les personnes qui devaient donner leur consentement au mariage.
SavoirLa personne sous tutelle peut passer un contrat de mariage avec l'assistance de son tuteur. A défaut de cette assistance, la nullité du contrat pourra être demandée soit par la personne protégée elle-même, soit par ceux dont le consentement était requis, soit par le tuteur.
Pour changer ou modifier son régime matrimonial, le majeur doit demander l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s'il a été constitué.
La conclusion d'un Pacs par un majeur sous tutelle est également possible, avec le même formalisme que le mariage (autorisation, avis, recueil du consentement du majeur).
Le majeur doit être assisté par son tuteur pour signer la convention de Pacs.
Le divorce est possible, mais pas selon n'importe quelle procédure. Pendant la tutelle, les procédures autorisées sont le divorce pour altération définitive du lien conjugal et le divorce pour faute.
Sont interdits le divorce par consentement mutuel et le divorce par acceptation du principe de la rupture du mariage.
Si la demande est formée au nom de l'époux sous tutelle, elle est présentée par son tuteur avec l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s'il a été constitué. La demande est formée après avis du médecin traitant et, dans la mesure du possible, après audition de l'intéressé. Le juge peut rejeter la demande de divorce si la rupture des liens matrimoniaux est contraire aux intérêts, notamment financiers, de la personne vulnérable (CA Aix-en-Provence 16-2-2015 ; dans cette affaire, le juge a relevé que le divorce mettant fin au devoir de secours entre les époux, la majeure subirait une dégradation de sa situation financière et que ses revenus personnels ne lui permettraient pas de faire face à ses charges).
Si la demande en divorce est dirigée contre l'époux sous tutelle, l'action du conjoint est exercée contre le tuteur. Si la tutelle a été confiée au conjoint, un tuteur ad hoc devra être nommé.
En principe, le majeur sous tutelle ne peut ni effectuer de donation ni faire de testament. Par exception, le juge des tutelles ou le conseil de famille s'il a été constitué peut autoriser le tuteur à assister ou au besoin représenter le majeur pour faire des donations. Il peut également autoriser le majeur à faire seul son testament (le tuteur ne peut ni le représenter ni l'assister).
Le majeur peut en toute hypothèse révoquer seul son testament, que ce dernier soit antérieur ou postérieur à sa mise sous tutelle.
La tutelle n'entraîne pas par elle-même perte du droit de vote : le juge des tutelles doit à l'ouverture et au renouvellement de la tutelle statuer sur le maintien ou la suppression du droit de vote du majeur (C. élect. art. L 5).
Dans le cas le plus fréquent où le majeur a effectué seul un acte pour lequel il devait être représenté par son tuteur, l'acte est nul. Les juges n'ont aucun pouvoir d'appréciation : si la nullité est demandée, ils doivent la prononcer.
Si le majeur a effectué seul un acte qu'il n'était autorisé à faire qu'avec l'assistance de son tuteur, la nullité ne peut être demandée que si le majeur a subi un préjudice.
Si le majeur a effectué seul un acte pour lequel il avait le pouvoir d'agir seul, l'acte est bien sûr valable. Toutefois, et sauf si l'acte avait été autorisé par le juge ou le conseil de famille, il peut faire l'objet d'une réduction ou d'une annulation dans les mêmes conditions qu'un acte effectué par un majeur sous sauvegarde de justice (nos 43112).
La nullité ou la réduction peut être demandée par le tuteur, par le majeur après l'arrêt de la tutelle ou ses héritiers après sa mort.
L'action doit être exercée dans un délai de cinq ans à compter de l'acte pour le tuteur ou de la fin de la tutelle pour le majeur. Si ce délai n'a pas commencé à courir du vivant du majeur, ses héritiers ont cinq ans à compter de son décès pour agir. A notre avis, l'action est en tout état de cause prescrite vingt ans après la date de l'acte.
AttentionVis-à-vis des tiers qui ont passé l'acte avec lui, la protection du majeur ne démarre que deux mois après que la mention « Répertoire civil » a été portée en marge de son acte de naissance. Si l'acte a été passé pendant ce délai de deux mois, il ne pourra être annulé que dans les conditions prévues pour les actes passés avant le placement sous tutelle, sauf s'il est démontré que le tiers connaissait personnellement la mesure de tutelle.
Qu'elles soient confiées à un proche ou à un professionnel (un mandataire judiciaire à la protection des majeurs), les tutelles peuvent fonctionner selon trois organisations différentes :
- la tutelle « simple », avec pour seul organe exécutif le tuteur. C'est actuellement le mode le plus fréquent de fonctionnement de la tutelle des majeurs ;
- la tutelle « complète », avec tuteur, subrogé tuteur et conseil de famille, en pratique extrêmement rare ;
- une tutelle « intermédiaire », avec tuteur et subrogé tuteur, mais sans conseil de famille.
C'est le juge (ou le conseil de famille s'il a été constitué) qui désigne le tuteur selon un ordre de préférence fixé par la loi.
Doit en premier lieu être désignée comme tuteur la personne que le majeur a lui-même désignée par avance. Sauf cas particuliers (refus de la personne choisie, impossibilité d'exercer sa mission ou choix contraire à l'intérêt du majeur), cette désignation s'impose. De la même façon, si les parents ou le survivant d'entre eux ont désigné un tuteur pour leur enfant à compter du jour de leur décès ou du jour où ils ne pourraient plus prendre soin de lui, le juge (ou le conseil de famille) doit sauf cas particuliers tenir compte de cette désignation.
Si aucun tuteur n'a été désigné par le majeur (ou par ses parents), le juge (ou le conseil de famille) désigne le conjoint, le partenaire de Pacs ou le concubin du majeur, sauf si la vie commune a cessé ou si une autre cause empêche cette désignation (désintérêt ou incompétence du conjoint, par exemple).
Si le majeur est célibataire ou si le juge (ou le conseil de famille) refuse de désigner son conjoint, partenaire ou concubin, le tuteur doit être un parent, un allié ou toute personne résidant avec le majeur ou entretenant avec lui des liens étroits et stables. Le juge (ou le conseil de famille) doit prendre en considération les sentiments exprimés par le majeur, ses relations habituelles, l'intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage. Le juge doit motiver sa décision s'il désigne un tuteur différent de celui souhaité par le majeur (Cass. 1e civ. 5-12-2012 no 11-26.611, décision rendue à propos d'un curateur mais transposable).
En l'absence complète de proche ou si la désignation d'un proche est contraire aux intérêts du majeur, le rôle de tuteur est confié à un professionnel (un mandataire judiciaire à la protection des majeurs). Par exemple, justifie sa décision de nommer un tuteur extérieur à la famille le tribunal qui relève l'existence d'un important conflit entre un père, époux de la majeure protégée, et sa fille qui souhaite exercer les fonctions de tutrice ; au cas particulier, ce conflit avait notamment conduit l'établissement de soins où était placée la majeure à fixer des jours de visites pour éviter les rencontres entre le père et sa fille (Cass. 1e civ. 23-2-2011 no 10-12.923 : BPAT 2/11 no 119). L'existence de « dissensions familiales très vives » au sein d'une famille recomposée (entre l'épouse et les beaux-enfants) n'est pas en soi suffisante pour justifier l'éviction de l'épouse et la désignation d'un tuteur extérieur à la famille ; encore faut-il qu'une telle décision soit commandée par l'intérêt du majeur protégé (Cass. 1e civ. 9-7-2014 no 13-20.077).
En fonction de la situation et notamment au regard de la consistance du patrimoine du majeur, le juge peut désigner plusieurs tuteurs. Il peut également diviser les compétences en désignant un tuteur chargé de la personne du majeur et un autre tuteur pour la gestion de son patrimoine. Il peut confier la gestion de certains biens à un tuteur adjoint.
Le tuteur a la double obligation de prendre soin du majeur et de gérer ses biens, étant rappelé que le juge peut désigner deux personnes différentes pour assumer ces deux fonctions.
Dès sa nomination, le tuteur doit informer les organismes bancaires et toutes les personnes en relations financières avec le majeur de l'ouverture de la tutelle.
Dans les trois mois de sa nomination, le tuteur doit procéder ou faire procéder à l'inventaire des biens du majeur, en présence du subrogé tuteur s'il a été nommé. L'inventaire contient une description des meubles meublants, une estimation des immeubles et des biens mobiliers ayant une valeur vénale supérieure à 1 500 €, la désignation des espèces en numéraire et un état des comptes bancaires, des placements et des autres valeurs mobilières. Il doit être fait en présence de deux témoins sauf s'il est établi par un officier public ou ministériel (notaire par exemple). Un modèle d'inventaire est consultable sur le site internet de la cour d'appel d'Amiens (http://www.ca-amiens.justice.fr/index.php ? rubrique = 10421&ssrubrique = 12347&article = 23155).
Tout au long de la tutelle, le tuteur doit notamment :
- établir le budget de la tutelle et informer le juge (ou le conseil de famille s'il a été constitué) ; en cas de difficultés, c'est à ces derniers de l'établir ;
- déposer les capitaux revenant au majeur sur un compte ouvert à son nom ;
- régler les dépenses ;
- déposer l'excédent éventuel des revenus sur le compte du majeur ;
- demander l'autorisation au juge des tutelles (ou au conseil de famille) pour accomplir certains actes (liste au nos 43392 s.) ;
- sauf dispense du juge des tutelles en raison de la modicité des ressources du majeur, établir annuellement un compte rendu de sa gestion (le tuteur professionnel ne peut pas obtenir de dispense) ;
- informer le juge des tutelles de certains événements : changement d'adresse de la personne protégée ou du tuteur, impossibilité pour le subrogé tuteur d'exercer ses fonctions, décès du majeur, etc.
Bien que la tutelle soit une charge personnelle, le tuteur peut s'adjoindre dans le cadre de sa mission le concours de tiers pour accomplir les actes conservatoires ou les actes d'administration visés nos 43391 s. à condition qu'ils n'entraînent ni paiement ni encaissement d'argent par ou pour la personne protégée.
Le juge (ou le conseil de famille s'il a été constitué) peut également autoriser le tuteur à conclure un contrat avec un professionnel pour la gestion du patrimoine financier de la personne protégée.
Un modèle de compte rendu de gestion est consultable sur le site internet de la cour d'appel d'Amiens (http://www.ca-amiens.justice.fr/index.php ? rubrique = 10421&ssrubrique = 12347&article = 23155).
SavoirLe juge qui constate qu'un tuteur n'a pas établi de compte de gestion depuis plusieurs années peut le décharger de ses fonctions et nommer à sa place un nouveau tuteur (Cass. 1e civ. 30-1-2013 no 11-26.085). Il en est de même lorsqu'il constate que le tuteur a fait preuve d'un manque de prudence dans la gestion des intérêts du majeur en ne réglant pas régulièrement ses loyers, ce qui a entraîné la résiliation de son bail et son expulsion et que le tuteur n'apportait pas d'explications pertinentes sur l'utilisation des fonds appartenant au majeur (Cass. 1e civ. 28-5-2014 no 12.28971).
A la fin de sa mission, et sauf s'il a été dispensé d'établir des comptes annuels, le tuteur doit :
- établir un compte récapitulatif de gestion des opérations intervenues depuis le dernier compte annuel ;
- remettre une copie des cinq derniers comptes de gestion et du compte récapitulatif, dans les trois mois qui suivent la fin de sa mission, selon le cas au majeur redevenu capable, au nouveau tuteur (ou au nouveau curateur) ou aux héritiers du majeur.
Dans tous les cas, le tuteur doit remettre au majeur redevenu capable, au nouveau représentant légal ou aux héritiers du majeur les pièces nécessaires pour continuer la gestion ou assurer la liquidation de la succession, ainsi que l'inventaire initial et les actualisations auxquelles il a donné lieu.
La mission du tuteur commence dès sa nomination et dure normalement jusqu'à l'extinction de la tutelle.
Au bout de cinq ans, le tuteur peut toutefois demander à être remplacé. Par exception, le conjoint, le partenaire de Pacs et les enfants du majeur protégé sont tenus de conserver la tutelle. Mais, en pratique, les juges des tutelles n'obligent pas quelqu'un qui ne souhaite plus être tuteur à poursuivre sa mission. Pour que la protection du majeur soit efficace, il faut que son tuteur veuille vraiment le prendre en charge.
A noter que si le tuteur est un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, aucun remplacement n'est possible.
La désignation d'un subrogé tuteur est obligatoire en présence d'une tutelle avec conseil de famille. En l'absence de conseil de famille, la désignation d'un subrogé tuteur est facultative.
Le rôle du subrogé tuteur est de surveiller la gestion du tuteur.
Il a notamment pour mission :
- d'assister, lors de l'ouverture de la tutelle, à l'inventaire du patrimoine du majeur et de le signer ;
- de surveiller les actes passés par le tuteur ;
- de contrôler le compte rendu de gestion annuel élaboré par le tuteur, de le signer et de le transmettre au greffier du tribunal d'instance ;
- d'informer le juge des tutelles en cas de faute du tuteur ;
- de remplacer le tuteur en cas de conflit d'intérêts entre le tuteur et la personne protégée ;
- de provoquer le remplacement du tuteur si celui-ci cesse ses fonctions.
Lorsque les intérêts du tuteur sont en conflit avec ceux de la personne protégée ou lorsque le tuteur ne peut agir pour le compte du majeur en raison des limitations que le juge a apportées à sa mission, le juge des tutelles (ou le conseil de famille s'il a été constitué) désigne un autre tuteur (un tuteur ad hoc) pour représenter ou assister le majeur au moment de l'acte.
Il y a par exemple opposition d'intérêt lors d'une procédure de divorce si la tutelle a été confiée au conjoint du majeur ou lorsque la personne protégée fait une donation à son enfant qui est également son tuteur.
le juge peut décider d'organiser la tutelle avec un conseil de famille si les nécessités de la protection du majeur ou la consistance de son patrimoine le justifient et si la composition de sa famille et de son entourage le permet.
Le conseil de famille est composé d'au moins quatre membres (il n'y a pas de maximum) désignés par le juge des tutelles parmi les parents, alliés ou proches du majeur protégé. Lors de la désignation, le juge doit tenir compte des souhaits du majeur.
Sauf exception, le conseil de famille est présidé par le juge des tutelles.
Le juge réunit le conseil de famille chaque fois qu'il l'estime utile. Chaque membre du conseil de famille doit se rendre en personne à la réunion. Si une réunion ne lui semble pas nécessaire, le juge peut mener cette consultation par écrit.
Le juge des tutelles a l'obligation de convoquer le conseil de famille si la réunion est demandée par au moins deux de ses membres, par le tuteur ou le subrogé tuteur ou par le majeur protégé.
Les décisions du conseil de famille sont prises à la majorité des voix. Les décisions doivent être motivées ; si elles ne sont pas prises à l'unanimité, l'avis de chacun des membres est mentionné dans le procès-verbal de la réunion.
Le conseil de famille a essentiellement pour mission :
- de désigner le tuteur, le subrogé tuteur et éventuellement un tuteur ad hoc en cas de conflit d'intérêt entre le majeur et le tuteur.
- en cas de difficultés, d'établir le budget de la tutelle ;
- d'autoriser un certain nombre d'actes, notamment les différents actes de disposition mentionnés nos 43392 s., que le tuteur ne peut pas accomplir seul.
Le juge des tutelles peut autoriser, à la place du conseil de famille, les actes portant sur des biens dont la valeur n'excède pas 50 000 € ; il peut aussi autoriser la vente en urgence d'instruments financiers.
Le tuteur doit apporter à la gestion du patrimoine du majeur des soins prudents, diligents et avisés et doit agir dans le seul intérêt de la personne protégée. En cas de faute, il engage sa responsabilité.
En principe, le tuteur accomplit seul les actes conservatoires et les actes d'administration. Il doit en revanche demander l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s'il a été constitué avant de réaliser un acte de disposition au nom du majeur protégé.
Le tuteur accomplit seul les actes conservatoires. Ce sont ceux qui permettent de sauvegarder le patrimoine ou de soustraire un bien à un péril imminent ou à une dépréciation inévitable sans compromettre aucune prérogative du majeur. Il s'agit par exemple du paiement de la prime d'un contrat d'assurance multirisques habitation arrivée à échéance, de la mise en demeure de payer adressée à un débiteur du majeur ou de la réalisation de réparations urgentes sur un immeuble.
Sauf exception, le tuteur peut également effectuer seul les actes d'administration, c'est-à-dire les actes d'exploitation ou de mise en valeur du patrimoine du majeur dénués de risque anormal.
Sont par exemple des actes d'administration :
- la conclusion des baux de moins de 9 ans ne conférant au locataire aucun droit au renouvellement ou au maintien dans les lieux (cas particulier du logement du majeur ou de sa résidence secondaire, voir no 43005) ;
- la perception des revenus et la réception des capitaux ;
- la demande de délivrance d'une carte bancaire de retrait ;
- les travaux d'amélioration utiles, d'aménagement, de réparation et d'entretien des immeubles de la personne protégée ;
- l'acceptation d'une succession à concurrence de l'actif net ;
- la résiliation d'un contrat de gestion de valeurs mobilières ;
- les actions en justice pour faire valoir les droits patrimoniaux du majeur.
Certains actes qui constituent a priori des actes d'administration peuvent être qualifiés d'actes de disposition (nécessitant l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s'il a été constitué) en raison de leurs conséquences importantes sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée, sur les prérogatives de celle-ci ou sur son mode de vie. Tel est le cas, par exemple, du paiement des dettes du majeur, de la gestion d'un portefeuille de titres ou de la conclusion et de la rupture d'un contrat de travail en qualité d'employeur ou de salarié. C'est le tuteur qui décide, compte tenu des circonstances, si l'acte d'administration qu'il envisage d'accomplir doit être considéré comme un acte de disposition soumis à autorisation.
Le tuteur a besoin de l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s'il a été constitué pour accomplir les actes de disposition. Constitue un tel acte celui qui engage le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l'avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire.
Tel est le cas par exemple :
- de l'achat et de la vente d'un immeuble ;
- de la conclusion et du renouvellement des baux ruraux, commerciaux, industriels, artisanaux, professionnels et mixtes ;
- des grosses réparations sur un immeuble ;
- de l'emploi et du remploi des capitaux et des excédents de revenus ;
- de la vente d'instruments financiers ;
- de la révocation d'une donation entre époux ;
- de la souscription, du rachat ou de la demande d'avance sur contrat d'assurance ;
- de la conclusion d'un contrat de gestion de valeurs mobilières et d'instruments financiers ;
- de l'acceptation pure et simple d'une succession (ou la renonciation à succession) ;
- de la transaction. Ainsi en est-il par exemple de la convention conclue entre un majeur sous tutelle victime d'un accident de la circulation et l'assureur du responsable de l'accident (Cass. 1e civ. 20-1-2010 no 08-19.627 : BPAT 2/10 inf. 91).
Par exception, pour certains actes de disposition, le tuteur peut se dispenser de demander l'autorisation s'il estime que l'acte n'aura que de faibles conséquences sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée. Ce peut être le cas pour un emprunt ou un prêt de faible montant, pour la cession d'un portefeuille de titres ou pour le versement de nouvelles primes sur un contrat d'assurance-vie.
- Pour obtenir l'autorisation, le tuteur adresse une requête au juge. A réception, celui-ci a trois mois pour se prononcer. Ce délai ne s'applique pas lorsque sa décision nécessite le recueil d'éléments d'informations, la production de pièces complémentaires, le recours à une mesure d'instruction ou toute autre investigation.
- Seul le tuteur peut solliciter l'autorisation du juge pour les actes de disposition. En effet, il a seul qualité pour représenter la personne protégée dans la gestion de son patrimoine. Dès lors, le compagnon d'un majeur sous tutelle ne peut pas demander au juge des tutelles de modifier par exemple la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie (Cass. 1e civ. 19-3-2014 no 13-12.016 : BPAT 3/14 inf. 118-119).
Pendant toute la durée de la tutelle, il est notamment interdit au tuteur :
- d'être le salarié du majeur ou de l'employer ;
- d'acheter ou de louer pour lui-même un bien appartenant au majeur, sauf circonstances exceptionnelles (le tuteur doit alors demander l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s'il a été constitué) ;
- d'engager le majeur en qualité de caution ;
- de renoncer à un droit du majeur (par exemple, de consentir une remise de dette à quelqu'un qui doit de l'argent au majeur).
Le placement sous curatelle met la personne protégée dans un régime original de semi-capacité :
- pour certains actes, elle ne peut agir qu'avec l'assistance de son curateur ou l'autorisation du juge des tutelles ;
- pour d'autres, elle conserve l'exercice de ses droits.
Ce sont les actes qui, sous le régime de la tutelle, peuvent être accomplis par le tuteur agissant seul (nos 43391 s.). Ainsi, le majeur sous curatelle peut en principe :
- percevoir ses revenus et faire des achats courants ;
- faire les actes nécessaires à la conservation ou à la sauvegarde de ses biens (souscrire une assurance pour son appartement, engager des réparations urgentes, etc.) ;
- vendre des meubles, sauf ceux de son logement et les meubles précieux ;
- conclure un bail de moins de neuf ans ;
- mettre fin à un bail, sauf celui de son logement ;
- accepter une succession à concurrence de l'actif net.
Par exception, le majeur a toujours besoin de l'assistance de son curateur pour introduire une action en justice ou y défendre. L'assignation d'un majeur sous curatelle doit être signifiée à son curateur ; à défaut l'acte d'assignation est nul.
Le fait qu'une personne sous curatelle ait la capacité de faire seule certains actes n'empêche pas une protection a posteriori : si ces actes lui sont préjudiciables, ils pourront faire l'objet d'une annulation ou d'une réduction dans les mêmes conditions que les actes passés par les majeurs sous sauvegarde de justice (nos 43112).
Ce sont tous les actes qui requièrent une autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille sous le régime de la tutelle (liste au nos 43392 s.).
En pratique, un majeur sous curatelle devra obtenir la contre-signature de son curateur par exemple pour :
- obtenir une carte de crédit ;
- vendre un appartement ou un fonds de commerce ;
- vendre des instruments financiers ;
- accepter purement et simplement une succession ou y renoncer ;
- souscrire une assurance-vie ou la racheter ;
- faire une donation ;
- conclure un contrat de mariage ou un Pacs, divorcer ;
- changer de régime matrimonial.
Le curateur a pour rôle d'assister le majeur et non d'agir à sa place : si le curateur accomplit seul un acte qui aurait dû être fait par la personne protégée avec son assistance, l'acte est nul (sauf si le juge avait autorisé le curateur à accomplir l'acte). Il s'agit toutefois d'une nullité relative. L'action en nullité ne peut être exercée que par le majeur assisté de son curateur (ou par le majeur protégé seul après la mainlevée de la mesure de protection) ou par ses héritiers après son décès. Par conséquent la demande de nullité formée par l'épouse (non curatrice) du majeur protégé est irrecevable (Cass. 1e civ. 5-3-2014 no 12-29.974).
Lorsqu'un majeur sous curatelle a fait seul un acte pour lequel l'assistance du curateur était requise, le juge peut annuler l'acte si le majeur a subi un préjudice. Avec l'autorisation du juge, le curateur peut engager seul l'action en nullité dans les cinq ans de l'acte.
SavoirPour pouvoir se marier, un majeur sous curatelle doit obtenir l'autorisation de son curateur ou, à défaut, celle du juge (C. civ. art. 460). Bien que ce texte interdise au majeur de se marier librement, il ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté du mariage et est donc conforme à la Constitution (Cons. const. 29-6-2012 no 2012-260 QPC).
Le curateur ou le juge des tutelles peuvent rejeter la demande d'autorisation de se marier présentée par un majeur si ce dernier n'est pas en mesure de donner un consentement éclairé à son mariage (Cass. 1e civ. 5-12-2012 no 11-25.158).
L'intervention du juge est nécessaire pour :
- autoriser un acte pour lequel le curateur a refusé son assistance. Le juge ne peut donner son autorisation qu'après avoir entendu le curateur ;
- vendre, mettre en location ou résilier le bail du logement du majeur ;
- vendre les meubles du domicile de la personne protégée.
Dès l'ouverture de la mesure ou par un jugement postérieur, le juge des tutelles peut modifier le régime normal de la curatelle.
Le juge peut alléger la curatelle en augmentant le nombre d'actes que la personne protégée pourra faire seule : demander une carte de crédit, faire une donation, etc.
Le juge peut également, et c'est infiniment plus fréquent, renforcer la curatelle en réduisant la liste des actes que le majeur est autorisé à faire seul. L'intéressé aura par exemple besoin de l'assistance de son curateur pour résilier un contrat de gestion de valeurs mobilières, conclure un contrat de location de courte durée, etc.
La loi prévoit d'ailleurs une modalité particulière de renforcement de la curatelle : le juge peut ordonner que le curateur percevra seul les revenus du majeur sur un compte ouvert au nom de ce dernier et paiera lui-même les dépenses du majeur. Il devra déposer le solde des fonds sur un compte laissé à la disposition du majeur (ou lui remettre directement l'argent). Le curateur chargé de cette mission doit établir un inventaire et rendre compte de sa gestion dans les mêmes conditions qu'un tuteur (nos 43365 s.).
Si, dans le cadre de cette curatelle, le curateur représente le majeur pour ce qui est de la perception des revenus et du règlement des dépenses, il reste pour tous les autres actes un curateur « ordinaire » doté du seul pouvoir d'assistance du majeur pour les actes soumis à son contrôle.
SavoirAvant de renforcer la curatelle ou de maintenir un majeur sous curatelle renforcée, le juge doit vérifier que la restriction supplémentaire qu'il apporte à la capacité de la personne est justifiée. Il doit donc rechercher si le majeur est apte ou non à percevoir ses revenus et à en faire une utilisation normale. A par exemple justifié sa décision de maintenir un majeur sous curatelle renforcée le juge qui a relevé que le majeur avait interrompu tout suivi médical psychiatrique, paraissait toujours délirant et était très perturbé lorsqu'il recevait des documents relatifs à la gestion de son budget (Cass. 1e civ. 23-3-2011 no 10-10.991).
La curatelle fonctionne sans conseil de famille. Il existe seulement un curateur et, éventuellement, un subrogé curateur.
Le curateur est désigné par le juge des tutelles, les règles étant les mêmes que pour le choix du tuteur.
Il a pour mission :
- de prendre soin de la personne du majeur ;
- d'assister le majeur pour l'accomplissement de certains actes importants : vendre un appartement, souscrire un emprunt, etc. ;
- en cas d'aggravation de l'état de santé du majeur, de saisir le juge des tutelles pour qu'il ouvre une tutelle ;
- de demander au juge des tutelles l'autorisation d'accomplir seul un acte que le majeur refuse de passer si ce refus compromet gravement ses intérêts.
Comme la tutelle, la curatelle est une charge personnelle, ce qui n'empêche pas le curateur de s'adjoindre, sous sa responsabilité, le concours de tiers pour accomplir certains actes (voir no 43368).
La durée de la mission du curateur est calée sur celle du tuteur : droit au remplacement au bout de cinq ans, sous les réserves indiquées no 43371.
Le juge peut, s'il l'estime nécessaire, désigner un subrogé curateur.
Comme le subrogé tuteur, le subrogé curateur a une double fonction :
- il surveille les actes passés par le curateur : s'il constate des fautes dans l'exercice de la mission du curateur, il doit en informer le juge des tutelles ;
- il assiste le majeur lorsque ses intérêts sont en opposition avec ceux de son curateur ou lorsque ce dernier ne peut assister le majeur en raison des limitations que le juge a apportées à sa mission. Le subrogé curateur remplace alors le curateur.
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