Quelqu'un vous doit de l'argent (loyers impayés, prix d'une vente, indemnisation d'un préjudice, etc.) mais ne règle pas spontanément ? Vous pouvez obtenir paiement de votre dû par la voie d'une saisie à condition de disposer d'un « titre exécutoire », c'est-à-dire principalement d'un jugement définitif, d'un acte notarié portant une formule qui autorise son exécution forcée ou de certains actes d'huissier (voir no 39340).
En fonction de la nature du bien saisi, il existe différentes procédures, qui obéissent à des règles distinctes et dont nous étudierons les plus courantes. On peut notamment citer :
- la saisie des rémunérations ;
- la saisie immobilière, qui conduit à la mise en vente d'un bien immobilier appartenant au débiteur ;
- la saisie-vente, qui entraîne la mise en vente du mobilier du débiteur ;
- la saisie des voitures ;
- la saisie de biens placés dans un coffre-fort ;
- la saisie-attribution, qui permet de saisir entre les mains d'une tierce personne des sommes qui appartiennent au débiteur. Par exemple, si votre débiteur vend son appartement, vous pouvez faire une saisie-attribution entre les mains du notaire qui a reçu le prix de vente. Si votre débiteur est titulaire d'un compte bancaire, vous pouvez faire une saisie sur ce compte ;
- la saisie des récoltes sur pied ;
- la saisie des droits incorporels, c'est-à-dire des actions, parts sociales, licences d'exploitation (taxi, débit de boissons...), etc.
Face à des impayés, les bénéficiaires de pensions alimentaires fixées par le juge peuvent recouvrer leur dû par deux moyens spécifiques simples et qui ne nécessitent pas de faire l'avance des frais. Il s'agit du paiement direct et du recouvrement public des pensions alimentaires.
Elle permet à un créancier de faire payer sa créance par la banque du débiteur (C. exécution art. L 211-1 s.). Une telle saisie est possible à condition que :
- le créancier soit muni d'un titre exécutoire ;
- la créance soit chiffrée ou chiffrable et effectivement due au jour de la saisie ;
- les sommes saisies appartiennent au débiteur (d'où une possibilité de contestation en cas de compte joint avec une autre personne).
Le déroulement de la saisie est le suivant (C. exécution art. R 211-4 et C. exécutionR 211-3) :
- l'huissier délivre un acte de saisie à la banque du débiteur sans que ce dernier en soit averti à l'avance. La banque est tenue de déclarer sur-le-champ la nature du ou des comptes du débiteur ainsi que leur solde au jour de la saisie. Elle doit également faire connaître l'existence éventuelle d'autres saisies pratiquées par d'autres créanciers. L'huissier recueille ces déclarations dans un procès-verbal de saisie. Le solde du ou des comptes saisis devient totalement indisponible pendant 15 jours, délai nécessaire pour prendre en compte les opérations dont la date est antérieure à la saisie ;
- dans les huit jours qui suivent l'acte de saisie, l'huissier doit en informer le débiteur en joignant copie du procès-verbal de saisie et en mentionnant notamment le délai de contestation qui est d'un mois à compter de l'information donnée au débiteur.
Si le débiteur ne conteste pas la saisie, le créancier (ou plutôt son huissier) présente à la banque un certificat d'absence de contestation et obtient le paiement des sommes saisies.
Si le débiteur conteste la mesure, il doit porter sa réclamation devant le juge de l'exécution (C. exécution art. R 211-10). Le paiement des sommes saisies est alors suspendu jusqu'à l'issue de la procédure.
Deux mesures protectrices des personnes saisies doivent être signalées.
D'une part, une fraction du solde bancaire est insaisissable : lorsqu'un ou plusieurs comptes font l'objet d'une saisie, la banque doit, d'elle-même, laisser à la disposition du titulaire, dans la limite bien sûr du solde créditeur du ou des comptes, une somme égale au montant forfaitaire du RSA pour un allocataire seul, soit 513,88 € en 2015 (C. exécution art. L 162-2).
D'autre part, certaines sommes sont insaisissables (sauf exceptions, notamment lorsque la saisie est pratiquée pour obtenir le paiement d'une pension alimentaire). Il s'agit, dans une certaine proportion, des salaires, des pensions de retraite ou d'invalidité, des allocations chômage, etc. Il s'agit aussi, en totalité, des pensions alimentaires, des prestations familiales, etc. En conséquence, lorsqu'un compte bancaire est alimenté par des sommes insaisissables, le titulaire du compte peut, en justifiant de l'origine des sommes, obtenir de la banque la levée de la saisie sur ces sommes. Il doit former sa demande avant que le créancier n'ait demandé le paiement des sommes saisies.
Comment s'articulent ces deux dispositifs de protection ? Ils peuvent être mis en oeuvre à l'occasion d'une même saisie mais ils ne se cumulent pas. Ainsi, après avoir réuni les justificatifs nécessaires, le titulaire peut obtenir la mise à disposition des sommes insaisissables. Mais le montant forfaitaire du RSA laissé disponible est déduit du montant des sommes débloquées.
Lorsqu'un créancier personnel d'un époux marié sous le régime de la communauté fait saisir un compte bancaire alimenté par les salaires des deux époux, le conjoint doit en être averti et il doit immédiatement être laissé à sa disposition une somme équivalente, à son choix, soit au montant moyen mensuel des salaires versés pendant les 12 mois précédant la saisie, soit au montant des salaires versés le mois précédant la saisie (C. exécution art. R 162-9).
Le créancier qui dispose d'un jugement définitif ou d'un acte notarié exécutoire peut faire saisir et vendre les biens meubles de son débiteur (C. exécution art. L 221-1 s.).
Lorsque la créance à recouvrer n'excède pas 535 € et sauf s'il s'agit d'une pension alimentaire, le recours à une saisie de biens meubles au domicile du débiteur n'est possible que dans deux cas (C. exécution R 221-2) :
- sur autorisation du juge de l'exécution ;
- si une saisie sur compte bancaire ou sur salaire est impossible.
Certains biens, parce qu'ils sont nécessaires à la vie quotidienne, sont insaisissables. Il s'agit notamment des vêtements, du linge de maison, du mobilier indispensable (lit, table, chaises), de la machine à laver le linge, des jeux d'enfants, des animaux domestiques, des livres et objets nécessaires à la poursuite des études ou de l'activité professionnelle du saisi. Etant utile à la recherche d'un emploi, il en va de même de l'ordinateur d'une personne au chômage (Cass. 2e civ. 28-6-2012 no 11-15.055 : Bull. civ. II no 126).
Pour procéder à une saisie de biens meubles, le créancier doit faire délivrer au débiteur, par la voie d'un huissier, un commandement de payer avec le décompte des sommes dues. Le commandement doit informer le débiteur que, faute de payer sous huit jours, ses biens pourront être saisis.
A réception d'un commandement de payer, il est encore temps d'éviter la saisie. Il faut prendre contact avec l'huissier qui a délivré l'acte pour tenter de négocier des délais de paiement. Si la proposition est sérieuse, elle peut être acceptée car le créancier n'a pas nécessairement intérêt à poursuivre une procédure qui entraîne toujours des frais.
La prise de contact avec l'huissier peut se faire par courrier ou par téléphone. Dans ce dernier cas, il est utile de rappeler les termes de l'entretien dans un courrier adressé à l'huissier. Le cas échéant, il est aussi possible de saisir le juge de l'exécution.
Octave Enfa
42, rue de Villiers
92300 Levallois-Perret
Maître Leblanc
13, rue des Soucis
92400 Courbevoie
A Levallois-Perret, le 3 février 2015
Objet : demande de délais de paiement suite à commandement de payer
Dossier no 39-45
Maître,
En raison de graves ennuis de santé, j'ai été hospitalisé à plusieurs reprises ces derniers mois et j'ai dû interrompre mon activité professionnelle. Il est vrai que pendant cette période j'ai totalement négligé mes affaires. Je souhaite apurer la situation. Je vous propose donc de payer dès aujourd'hui 3 500 € (chèque joint) et de solder ce que je dois en cinq règlements mensuels de 1 000 € à compter du mois de mars 2015. Je pense que vous considérerez ma proposition comme sérieuse et que vous voudrez bien, en conséquence, suspendre la mesure de saisie.
Dans l'attente de vous lire, je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de mes salutations distinguées.
Octave Enfa
Passé le délai de huit jours après le commandement de payer, l'huissier peut se présenter pour procéder à la saisie au domicile du débiteur ou en tout autre lieu où des biens du débiteur sont entreposés. L'huissier procède à l'inventaire des biens saisis. Cela ne signifie pas que les biens sont enlevés sur-le-champ. Le débiteur en conserve l'usage mais il ne peut plus en disposer librement. Il ne peut plus les vendre ni les déplacer sous peine de sanctions pénales (3 ans d'emprisonnement et 375 000 € d'amende encourus).
En l'absence de l'occupant du local ou si ce dernier en refuse l'accès, l'huissier ne peut pénétrer dans les lieux qu'accompagné d'une autorité de police ou de gendarmerie. L'huissier peut également requérir le maire de la commune, un conseiller municipal, un fonctionnaire municipal délégué à cette fonction ou, à défaut, deux témoins qui ne sont au service ni du créancier ni de l'huissier.
Un exemplaire de l'inventaire est remis au débiteur. Ce document précise notamment que le débiteur a un mois pour procéder à la vente amiable des biens saisis. Pour réaliser une telle vente, le débiteur informe l'huissier des propositions d'acquisition qui lui sont faites. L'huissier transmet l'information au créancier qui a 15 jours pour prendre parti. En l'absence de réponse, il est réputé avoir accepté. Le prix de vente est ensuite recueilli par l'huissier, ce paiement étant la condition nécessaire pour que le bien vendu soit remis à l'acquéreur.
A défaut de vente amiable, il peut être procédé à la vente forcée. C'est alors une vente aux enchères publiques. Le débiteur est avisé par l'huissier des lieu, jour et heure de la vente au moins huit jours à l'avance.
Le débiteur peut contester la saisie devant le juge de l'exécution :
- dans le délai d'un mois à compter du jour où l'acte de saisie lui est remis, si la contestation porte sur le caractère saisissable d'un bien ;
- jusqu'à la vente des biens si la contestation porte sur la validité de la saisie ou sur la propriété des biens saisis.
C'est la seule saisie qui ne nécessite pas l'intervention d'un huissier. Elle permet au créancier d'obtenir le paiement de ce qui lui est dû par l'employeur de son débiteur (C. trav. art. L 3252-1 s. et C. trav.R 3252-1 s.).
Le créancier dépose une requête au tribunal d'instance du domicile du débiteur, avec le décompte des sommes dues. Il doit y joindre la copie du jugement ou de l'acte notarié sur la base duquel il fonde sa demande.
Le tribunal convoque les parties à une audience de conciliation. A défaut de conciliation et si les sommes sont effectivement dues, le juge ordonne la saisie.
L'acte de saisie est adressé par le tribunal à l'employeur du débiteur. Ce dernier est, à partir de ce moment, tenu d'adresser chaque mois au tribunal une somme égale à la fraction saisissable du salaire.
Lorsqu'il n'y a qu'un seul créancier saisissant, le tribunal lui transmet le règlement dès réception. Si plusieurs créanciers ont pratiqué une saisie sur salaire, le greffe opère une répartition des sommes entre eux tous les six mois.
Le salaire est protégé : une partie est insaisissable, la fraction saisissable étant réévaluée chaque année. Pour les rémunérations versées en 2015, la fraction saisissable est la suivante :
- 1/20e sur la tranche de la rémunération nette annuelle qui est inférieure ou égale à 3 720 € ;
- 1/10e sur la tranche supérieure à 3 720 € et inférieure ou égale à 7 270 € ;
- 1/5e sur la tranche supérieure à 7 270 € et inférieure ou égale à 10 840 € ;
- 1/4 sur la tranche supérieure à 10 840 € et inférieure ou égale à 14 390 € ;
- 1/3 sur la tranche supérieure à 14 390 € et inférieure ou égale à 17 950 € ;
- 2/3 sur la tranche supérieure à 17 950 € et inférieure ou égale à 21 570 € ;
- la totalité de la tranche supérieure à 21 570 €.
Ces seuils sont augmentés de 1 410 € par personne à la charge du débiteur saisi.
Par exemple, pour un débiteur qui n'a personne à charge et qui perçoit un salaire annuel net de 40 500 €, le salaire saisissable est le suivant :
3 720 € / 20 = 186 €
(7 270 € - 3 720 €) / 10 = 355 €
(10 840 € - 7 270 €) / 5 = 714 €
(14 390 € - 10 840 €) / 4 = 887,50 €
(17 950 € - 14 390 €) / 3 = 1 186,66 €
(21 570 € - 17 950 €) × 2/3 = 2 413,33 €
40 500 € - 21 570 € = 18 930 €.
Soit un total de 24 551,83 € saisissable sur un an, soit sur un mois 2 045,98 € (24 551,83 € / 12).
Par exception, le créancier d'une pension alimentaire peut faire saisir tout le salaire, sans être limité par le barème indiqué.
Toutefois, une fraction du salaire reste absolument insaisissable, même pour les créanciers de pensions alimentaires. Cette fraction équivaut au montant forfaitaire du RSA pour une personne seule, soit 513,88 € mensuels en 2015.
Dans l'exemple, le créancier d'une pension alimentaire pourrait saisir chaque mois au plus 40 500 € / 12 = 3 375 € - 513,88 € = 2 861,12 €.
Pour donner un caractère officiel à certains actes, la date de ces actes et les conditions de leur remise au destinataire étant établies de façon quasi incontestable par l'huissier.
Le recours à un huissier est parfois obligatoire. C'est le cas lorsque l'on veut :
- signifier les actes de procédure (c'est-à-dire remettre officiellement à son destinataire une assignation, des conclusions devant le tribunal de grande instance, un jugement, etc.) ;
- procéder à une expulsion ;
- procéder au recouvrement forcé d'une créance. L'huissier délivre les commandements de payer, met en oeuvre les saisies et les procédures de paiement direct.
L'huissier est aussi le pivot de la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, qui entrera en vigueur après adoption définitive de la loi dite « Macron » et la parution d'un décret d'application (Projet de loi pour la croissance et l'activité, art. 56 bis tel que voté à l'Assemblée nationale le 18-6-2015). Sont concernées les créances d'un montant maximal qui sera fixé par décret (il devrait être d'environ 2 000 € selon les débats parlementaires) et résultant d'un contrat ou d'un statut. La procédure se déroule sur un mois à compter de l'envoi par l'huissier d'un courrier recommandé avec avis de réception au débiteur l'invitant à participer à cette procédure. L'accord du débiteur, constaté par l'huissier, suspend la prescription, c'est-à-dire le délai pour saisir le tribunal.
Si le créancier et le débiteur se mettent d'accord sur le montant et les modalités de paiement, l'huissier le constate et délivre, sans autre formalité, un « titre exécutoire ». C'est un document qui a la même valeur qu'un jugement et qui, en conséquence, autorise, sans avoir à solliciter une autorisation du juge, la saisie des comptes du débiteur s'il est défaillant. Les frais de la procédure sont à la charge exclusive du créancier.
Par ailleurs, sans être obligatoire et sans que l'acte dressé par l'huissier ait une valeur supérieure à celui qui serait établi par les intéressés eux-mêmes, le recours à un huissier est possible pour :
- délivrer un congé mettant fin à un bail d'habitation. Le concours de l'huissier peut être utile car, en tant que professionnel du droit, il veillera à la régularité de l'acte ;
- dresser un constat, par exemple pour un dégât des eaux ou pour un état des lieux en fin de bail. Le recours à un huissier n'est pas forcément une garantie, dans la mesure où il n'est pas toujours plus compétent que les intéressés pour consigner les informations nécessaires.
Chaque huissier a une compétence géographique déterminée. L'huissier compétent est, en principe, celui du domicile du débiteur ou celui du lieu où la mesure (une saisie par exemple) doit être exécutée. Leur compétence devrait devenir nationale pour bon nombre de leurs activités telles le recouvrement amiable ou judiciaire de créances (Projet de loi pour la croissance et l'activité dit projet de loi « Macron », art. 15 tel que voté par l'Assemblée nationale le 18-6-2015).
La rémunération de l'huissier est variable en fonction de la nature de l'acte (délivrance d'une assignation, d'un commandement de payer, etc.) et de son objet (recouvrement d'une créance, expulsion, etc.). Elle comprend un ou plusieurs éléments, les uns étant tarifés (droit fixe forfaitaire, droit proportionnel, droit d'engagement des poursuites, frais de gestion des dossiers, frais de déplacement), d'autres étant librement déterminés par l'huissier (honoraires libres). Il faut aussi ajouter les débours, c'est-à-dire les frais engagés par l'huissier, et la TVA. Par exemple, il faut compter : environ 60 € pour faire délivrer une assignation (le coût varie en fonction du montant de la demande et aussi de l'urgence ou des difficultés particulières rencontrées) ; entre 200 et 500 €, selon le montant de la créance à récupérer, pour une saisie de biens meubles.
Le mode de fixation des tarifs réglementés des huissiers devrait être modifié notamment pour plus de transparence (Projet de loi pour la croissance et l'activité dit projet de loi « Macron », art. 12 tel que voté par le Sénat le 12-5-2015).
L'huissier peut demander à son client une provision, c'est-à-dire une somme payable d'avance pour qu'il commence ses diligences. Cette provision s'impute sur sa rémunération globale.
Pour assurer une information complète des justiciables, les huissiers sont tenus, pour chaque acte effectué, de remettre aux parties un décompte détaillé des sommes demandées. A défaut, ils encourent des sanctions disciplinaires. Les chambres départementales des huissiers et les huissiers doivent également fournir, à toute personne qui en fait la demande, les tarifs applicables.
Comme tout professionnel, l'huissier engage sa responsabilité s'il commet une faute dans l'exercice de sa mission. S'il a subi un préjudice, le client pourra saisir le tribunal d'une demande de dommages et intérêts.
L'huissier commet par exemple une faute s'il délivre une assignation sans reproduire toutes les mentions obligatoires ou s'il ne respecte pas les délais légaux dans une procédure de saisie. En revanche, il ne commet pas de faute s'il fracture une porte pour s'introduire dans les lieux dès lors qu'il agit en vertu d'une autorisation d'un juge.
Les huissiers doivent souscrire une assurance professionnelle qui prend en charge l'indemnisation due en cas de faute professionnelle.
Pour récupérer les sommes d'argent qui leur sont dues, entreprises, compagnies d'assurance, organismes prêteurs et simples particuliers peuvent faire appel à une société de recouvrement. Il s'agit de sociétés commerciales qui se chargent d'obtenir, pour le compte de leurs clients, l'encaissement de leurs créances sans recourir à la justice.
Ces sociétés ne disposent d'aucun pouvoir particulier. Elles ne sont que des mandataires : elles représentent leurs clients et n'ont pas plus de pouvoirs qu'eux. En particulier, elles ne peuvent pas saisir les comptes bancaires (ou tout autre bien) des personnes poursuivies sans autorisation de la justice. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elles tentent de faire pression par d'autres moyens pour conduire les intéressés à payer « volontairement » leur dette. Ces divers moyens de pression sont parfois autorisés, parfois illégaux.
Dans le premier courrier adressé au débiteur, en général sous forme de « mise en demeure », la société de recouvrement a l'obligation d'indiquer les mentions suivantes (C. exécution art. R 124-4) :
- son nom, son adresse et le fait qu'elle exerce une activité de recouvrement amiable ;
- le nom et l'adresse de son client ;
- le fondement et le montant de la somme réclamée, en distinguant clairement la dette elle-même des éventuels intérêts ou de toute autre somme due à titre accessoire ;
- qu'il y a lieu de payer la somme due, en précisant les modalités de paiement ;
- l'indication suivante : « Les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier, sauf s'ils concernent un acte dont l'accomplissement est prescrit par la loi au créancier. Toute stipulation contraire est réputée non écrite, sauf disposition législative contraire. Cependant, le créancier qui justifie du caractère nécessaire des démarches entreprises pour recouvrer sa créance peut demander au juge de l'exécution de laisser tout ou partie des frais ainsi exposés à la charge du débiteur de mauvaise foi (C. exécution art. L 111-8). »
L'absence de ces mentions ou de l'une d'elles est punie de 1 500 € au plus (le double en cas de récidive).
En cas de contestation, c'est à la société de prouver qu'elle a bien envoyé ce courrier.
La date d'envoi et la référence de ce courrier sont rappelées à l'occasion de toute autre démarche auprès du débiteur.
Comme elle se doit de l'indiquer, la société de recouvrement ne peut pas faire supporter le coût de son intervention à la personne qu'elle poursuit.
Il ne peut en aller autrement que dans les cas suivants :
- la société agit en vertu d'un « titre exécutoire », c'est-à-dire d'un jugement ou d'un acte notarié (mais dans cette hypothèse, il est normalement fait appel à un huissier, qui dispose de pouvoirs coercitifs réels) ;
- la société effectue un acte requis par la loi, par exemple un commandement de faire ou de payer qui serait obligatoire avant de demander la résiliation d'un contrat ou d'engager un procès ;
- le juge de l'exécution décide que tout ou partie des frais sera à la charge de la personne poursuivie (mais alors, les intéressés n'en sont plus à la phase de recouvrement « amiable » mais à la phase judiciaire).
En dehors du premier courrier dont le contenu minimal est réglementé, aucun texte ne définit les moyens autorisés et ceux interdits.
C'est par rapport à la notion de respect de la vie privée que les tribunaux condamnent ou non les agissements des sociétés de recouvrement. Par exemple, celles qui harcèlent le débiteur en multipliant les relances téléphoniques, en se rendant chez lui de façon répétée ou en divulguant auprès des membres de sa famille, de ses voisins et amis ou de son employeur l'existence de dettes sont régulièrement condamnées à des dommages et intérêts. Il en va de même, évidemment, de celles qui vont jusqu'à mettre le débiteur sous surveillance et à enquêter sur son train de vie.
Les agents de recouvrement ne peuvent, en aucune façon, pénétrer dans le domicile du débiteur ou s'y maintenir pour exiger le règlement de la dette. Un tel comportement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende (C. Pén.CP art. 226-4).
Les sociétés de recouvrement peuvent aussi être sanctionnées pénalement pour extorsion de fonds, escroquerie ou pour avoir fait croire qu'elles agissaient officiellement en qualité d'huissier, de notaire, de commissaire-priseur, etc. ou encore en vertu d'un acte officiel de poursuite (jugement ou acte de saisie, par exemple). Cette dernière infraction est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende (C. Pén.CP art. 433-13). Les tribunaux apprécient, au cas par cas, si les faits reprochés sont effectivement de nature à créer une confusion. Ainsi, l'usage de papier bleu (utilisé par les huissiers) n'est pas reprochable s'il ressort clairement du contenu du courrier qu'il ne constitue pas un acte de poursuite. En revanche, une société de recouvrement est condamnable si elle envoie des courriers qui copient la forme d'une sommation d'huissier, d'un commandement de payer ou d'une injonction de payer. Il en va de même si elle adresse des courriers intitulés « dernier avis avant saisie » ou « préavis de vente forcée » visant à faire croire à une saisie alors qu'elle n'a aucun titre pour cela.
Quelques exemples. Ont été condamnés :
- celui qui a utilisé des formulaires ressemblant à s'y méprendre à une assignation par huissier ;
- celui qui, se présentant comme « le leader du recouvrement musclé des créances pourries », a adressé aux débiteurs des lettres les menaçant de faire effectuer des « saisies » par des « encaisseurs » présentés comme « armés et experts en arts martiaux », a proféré des menaces téléphoniques à l'encontre de plusieurs victimes, se présentant parfois comme un huissier, et a effectué des visites au domicile de certains débiteurs ;
- celui qui a adressé un courrier intitulé « dernier avis avant mise sous tutelle » menaçant son destinataire d'« alerter les services sociaux ».
Avant toute chose, une lecture attentive s'impose pour déterminer l'auteur et la portée du courrier. Il faut notamment rechercher s'il s'agit d'un véritable acte de poursuite ou d'un courrier d'une société de recouvrement. Par exemple, à réception d'un formulaire intitulé « injonction de payer », il est prudent de vérifier si ce document contient effectivement une « ordonnance » (c'est-à-dire la décision du juge) signée par le juge avec le cachet du tribunal. Bien souvent, les sociétés de recouvrement adressent à leurs débiteurs un formulaire type de demande d'injonction de payer qui contient une ordonnance prérédigée que le juge n'a plus qu'à signer. Encore faut-il qu'il l'ait fait !
En cas de doute et de difficulté pour déterminer la force coercitive du courrier reçu, il est recommandé de prendre conseil auprès d'un avocat ou d'un huissier (des consultations gratuites sont organisées dans les mairies, les tribunaux ou les maisons du droit). D'un coup d'oeil, le professionnel consulté saura à quoi s'en tenir.
Si le courrier émane d'une société de recouvrement de créances, cela signifie, par définition, que le créancier n'a pas encore engagé de procédure judiciaire et qu'il n'a pas de titre lui permettant d'opérer une saisie. Pour autant, il ne faut pas rester passif.
La première question à se poser est de savoir si la somme réclamée est due. Le bien ou le service vendu a-t-il été fourni ? La somme a-t-elle déjà été réglée ? Le montant demandé, augmenté le cas échéant des intérêts, correspond-il à celui prévu dans le contrat ? La créance n'est-elle pas prescrite, c'est-à-dire éteinte parce que trop ancienne ? A cet égard, il faut savoir que certaines sociétés essaient de récupérer, par le biais de sociétés de recouvrement, des créances trop anciennes pour être réclamées devant un tribunal.
Une démarche toujours possible consiste à demander à la société de recouvrement de justifier de ses pouvoirs pour agir. En effet, celle-ci doit avoir conclu une convention écrite avec son client précisant notamment les sommes demandées et leur raison d'être (contrat de vente impayé, échéances de prêt, etc.).
Dans ce cas, inutile d'en retarder le paiement et de prendre le risque d'une procédure judiciaire qui alourdirait les frais. A ce stade, on a vu que la rémunération de la société de recouvrement reste à la charge de son client, la personne poursuivie étant seulement tenue de payer la dette elle-même.
Il est possible d'effectuer le paiement :
- auprès de la société de recouvrement qui doit délivrer, sans frais, une quittance à hauteur des sommes versées même si celles-ci ne soldent que partiellement la dette ;
- ou directement entre les mains du créancier. Il convient alors d'en avertir la société de recouvrement pour qu'elle cesse son action.
Le cas échéant, il peut être utile de prendre contact avec le créancier ou la société de recouvrement (si le comportement de celle-ci est correct) pour négocier des délais de paiement.
Trois solutions sont envisageables :
- attendre d'être cité devant le tribunal pour expliquer les raisons qui justifient le non-paiement de la somme demandée. Notons que, même si le créancier obtient une injonction de payer, la personne poursuivie peut, en faisant opposition à cette injonction, suspendre tout acte de poursuite et présenter ses explications devant le juge (il faut alors former opposition dans le mois qui suit la remise, par huissier, de l'injonction de payer) ;
- écrire en recommandé avec avis de réception à la société de recouvrement ou à l'organisme qui se prétend créancier pour l'informer de la contestation et, le cas échéant, rechercher un compromis. Dans cette optique, mieux vaut contacter directement l'entreprise qui se prétend créancière (via, le cas échéant, son service clientèle ou contentieux) plutôt que la société de recouvrement qui n'est missionnée que pour obtenir le paiement ;
- devancer le créancier et saisir le tribunal (il faut alors faire citer le créancier lui-même et non la société de recouvrement). Par exemple, si un opérateur de téléphonie ne fournit pas le service prévu au contrat mais demande le paiement de ses factures, l'utilisateur peut parfaitement saisir le tribunal pour demander la résiliation du contrat, contester les factures et, s'il justifie d'un préjudice, solliciter des dommages et intérêts.
L'entreprise peut engager sa responsabilité et donc être condamnée à des dommages et intérêts dans deux cas :
- lorsque, en toute connaissance de cause, elle laisse son mandataire employer des méthodes abusives. Pour pouvoir engager sa responsabilité, il faut d'abord l'informer, par courrier recommandé avec avis de réception, du comportement fautif de la société de recouvrement et la mettre en demeure de faire cesser ces agissements (voir modèle ci-après) ;
- si elle missionne abusivement une société de recouvrement pour obtenir le paiement d'une créance qu'elle sait inexistante. C'est le cas si une entreprise tente d'obtenir, par le biais d'une société de recouvrement, le paiement d'un contrat inexistant ou résilié par le client.
Monsieur Louis Furibond
42, rue de Villiers
92300 Levallois-Perret
Société Les joies d'Internet
Service contentieux
21, rue de la Toile
75015 Paris
A Levallois-Perret, le 28 mars 2015
Monsieur,
Vous avez mandaté la société Desgros-Braz pour recouvrer une somme de 1 450 € que je conteste devoir.
Indépendamment de la discussion sur le fond, je vous signale que le responsable de cette société fait preuve d'un comportement intolérable : depuis le 15 février dernier, il m'appelle au téléphone tous les deux jours, il a contacté mon employeur en me présentant comme un mauvais payeur ; enfin, il s'est présenté à mon domicile et a tenté d'y pénétrer en prétextant des opérations de saisie prétendument autorisées par le tribunal.
Comme vous le savez, ces pratiques sont illégales et sanctionnées par les tribunaux. Je compte donc sur votre intervention pour les faire cesser immédiatement, faute de quoi je vous tiendrai responsable de ces agissements et n'hésiterai pas à vous faire citer devant le tribunal aux côtés de la société Desgros-Braz pour obtenir réparation de mon préjudice.
Je vous prie d'agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.
Louis Furibond
Pour amener la société à modifier son attitude et (peut-être) éviter une procédure, il est utile de la mettre en demeure de cesser son harcèlement. Ce courrier, qui récapitulera l'ensemble des agissements constatés, devra être envoyé en recommandé avec avis de réception.
Monsieur Louis Furibond
42, rue de Villiers
92300 Levallois-Perret
Société Desgros-Braz
11, rue de la Truanderie
75002 Paris
A Levallois-Perret, le 28 mars 2015
Monsieur,
Depuis le 15 février dernier, vous m'appelez au téléphone tous les deux jours, vous avez contacté mon employeur en me présentant comme un mauvais payeur, enfin vous vous êtes présenté à mon domicile et avez tenté d'y pénétrer en prétextant des opérations de saisie prétendument autorisées par le tribunal. Vos méthodes de harcèlement sont intolérables et illégales. Je vous mets donc en demeure de cesser immédiatement de m'importuner ainsi que mon entourage. A défaut, je saisirai les tribunaux.
Louis Furibond
La signature d'un contrat écrit s'impose afin de donner à la société de recouvrement le pouvoir de percevoir au nom de son client la somme qui est due. Le contrat doit indiquer précisément (C. exécution art. R 124-3) :
- les sommes dues et leur fondement (vente, loyer, etc.) ;
- le montant de la rémunération de la société ou au moins son mode de calcul ;
- les conditions dans lesquelles les fonds encaissés pour le compte du client lui seront reversés, notamment le délai dans lequel ce versement doit intervenir. Ce délai est librement déterminé par le contrat. Si rien n'est prévu, il est d'un mois à compter de l'encaissement effectif des sommes, c'est-à-dire à compter du jour où le chèque remis est effectivement crédité sur le compte bancaire de la société de recouvrement ;
- les conditions dans lesquelles la responsabilité civile professionnelle de la société est couverte. En d'autres termes, sa police d'assurance doit être annexée au contrat.
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