L'imposition commune à l'impôt sur le revenu des époux en instance de séparation de corps ou de divorce cesse l'année où ils sont autorisés par le juge à résider séparément (CGI art. 6, 4-b).
Deux observations :
- cette règle concerne en pratique surtout les époux mariés sous un régime de communauté. Les époux mariés sous le régime de la séparation de biens font obligatoirement l'objet d'une imposition distincte dès l'année où ils cessent de vivre ensemble, indépendamment de toute procédure de divorce (CGI art. 6, 4-a) ;
- elle ne s'applique pas en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un des époux, si tous deux disposent de revenus distincts. Dans ce cas également, les époux sont obligatoirement imposés séparément (CGI art. 6, 4-c) et le déclenchement d'une procédure de divorce est fiscalement neutre.
Sous ces réserves, l'imposition distincte démarre en pratique :
- l'année du divorce, en cas de divorce par consentement mutuel, qui est normalement prononcé dès la première - et de ce fait unique - comparution des époux devant le juge ;
- l'année de l'ordonnance de non-conciliation, dans un divorce autre que par consentement mutuel.
Les règles relatives à l'imposition des époux sont impératives :
- même s'ils ont continué à vivre ensemble, les époux font obligatoirement l'objet d'une imposition distincte à partir de l'année où le juge les a autorisés à vivre séparément ;
- réciproquement, tant que cette autorisation judiciaire n'est pas intervenue, les époux mariés sous un régime de communauté sont imposables ensemble même s'ils sont déjà séparés de fait.
Deux déclarations de revenus - une par époux - doivent être souscrites au titre de l'année au cours de laquelle le juge a autorisé les époux à résider séparément. Chacune porte (CGI art. 6, 6) :
- sur les revenus personnels dont l'époux a disposé pendant l'année entière. Sont concernés les pensions et rentes viagères et les revenus professionnels : traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, etc. ;
- et sur sa part des revenus communs au titre de cette même année. Tous les revenus autres que les revenus personnels sont présumés constituer des revenus communs acquis pour moitié à chaque époux ; en pratique, sont concernés les revenus fonciers, les revenus de capitaux mobiliers et les gains de cessions de valeurs mobilières (BOI-IR-CHAMP-20-20-20 no 80). L'époux qui entend déclarer moins que la moitié de ces revenus présumés communs doit en justifier par tout document de nature à établir l'origine de propriété des biens ou sommes concernés (acte authentique, justificatif établi par la banque, etc.).
La situation de famille est appréciée au 31 décembre de l'année. Les époux sont donc considérés comme divorcés pour l'ensemble de l'année.
Pour l'appréciation des charges de famille, il est tenu compte de la situation au 1er janvier de l'année ou, en cas d'augmentation des charges de famille en cours d'année, au 31 décembre (CGI art. 196 bis).
Pour ce qui est de la majoration de quotient familial liée à la qualité de parent isolé, l'administration apprécie la situation au 31 décembre depuis l'imposition des revenus de 2014 (BOI-IR-LIQ-10-20-20-10 no 380). Il en résulte que, même si les époux vivaient encore ensemble au 1er janvier de l'année du divorce ou de la séparation, celui d'entre eux à qui est attribuée la résidence habituelle de l'enfant bénéficiera de la majoration de quotient familial pour parent isolé s'il vit seul au 31 décembre. Au contraire, si les époux étaient déjà séparés au 1er janvier de l'année, le parent à qui est attribuée la résidence de l'enfant ne bénéficiera pas de la majoration s'il ne vit plus seul au 31 décembre de cette même année.
Soit un couple dont le divorce par consentement mutuel est prononcé le 1er juin 2015, les deux enfants étant confiés à la mère :
- le mari sera imposable sur ses revenus 2015 avec un quotient familial de 1 part ;
- l'épouse sera imposable sur ses revenus 2015 avec 2,5 parts (2 parts seulement si elle ne vit plus seule au 31 décembre 2015).
Quel que soit leur régime matrimonial, les époux sont solidairement responsables du paiement de certains impôts : impôt sur le revenu et taxe d'habitation à condition, pour cette dernière, qu'ils vivent effectivement ensemble (CGI art. 1691 bis, I) mais également impôt de solidarité sur la fortune (CGI art. 1723 ter-00 B). Les époux ne sont toutefois pas solidaires en matière de prélèvements sociaux (CE 10-7-2012 no 336492 : RJF 11/12 no 1072).
Cette solidarité fiscale cesse lorsque les époux ne sont plus soumis à imposition commune.
Par exemple, si vous avez obtenu du juge l'autorisation d'avoir des résidences séparées à partir du 1er mai 2015, vous cesserez d'être solidairement tenus au paiement de l'impôt sur le revenu pour les revenus de l'année 2015 et de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2016 (chaque époux, s'il est imposable, déclare son propre patrimoine au 1er janvier 2016 et est seul redevable de l'impôt correspondant).
La solidarité fiscale demeure pour les années antérieures d'imposition commune, et l'administration peut poursuivre à son choix l'un ou l'autre des époux en paiement de l'intégralité de la dette fiscale du couple.
Une décharge de l'obligation solidaire peut toutefois être obtenue si les conditions suivantes sont réunies au jour de la demande (CGI art. 1691 bis, II) :
- la séparation est effective ; il faut que le jugement de divorce (ou de séparation de corps) ait été prononcé, ou que les époux aient été autorisés par le juge à avoir des résidences séparées ou encore que l'un d'entre eux ait abandonné le domicile conjugal ;
- l'époux qui demande la décharge a lui-même respecté ses obligations fiscales en matière d'impôt sur le revenu et, le cas échéant, d'ISF depuis la fin de la période d'imposition commune ;
- les époux n'ont pas mené conjointement des manoeuvres frauduleuses pour échapper à l'impôt correspondant à la période d'imposition commune ;
- il existe une disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale du couple et la situation financière et patrimoniale de l'époux qui demande la décharge. L'administration fiscale est particulièrement stricte sur cette condition : elle exige, d'une part, que le montant de la dette d'impôt du couple soit supérieur à la valeur nette du patrimoine de l'époux qui demande la décharge (tous ses biens sont pris en compte, sauf sa résidence principale) et, d'autre part, que les ressources de ce dernier (y compris le cas échéant la pension alimentaire et la prestation compensatoire qu'il reçoit, mais non compris ses revenus du patrimoine) ne lui permettent pas de régler en dix ans la fraction de la dette qui excède la valeur de son patrimoine.
Le montant de la décharge, qui n'est que partielle, est le suivant (CGI art. 1691 bis, II-2) :
- pour l'impôt sur le revenu, il s'agit de la différence entre le montant de l'impôt du couple et la fraction de cet impôt correspondant aux revenus personnels du demandeur et à la moitié des revenus communs ;
- pour l'ISF, la décharge porte sur la différence entre le montant de l'ISF du couple et celui correspondant au patrimoine propre du demandeur et à la moitié du patrimoine commun ;
- pour la taxe d'habitation, le demandeur est déchargé de la moitié de la taxe.
La décharge est de la même façon partielle pour les intérêts et pénalités (elle est totale pour les intérêts et pénalités correspondant aux revenus propres de l'époux du demandeur).
Après avoir obtenu la décharge partielle, les personnes en grande difficulté financière peuvent demander à l'administration la remise de tout ou partie de l'impôt sur le revenu et de la taxe d'habitation restés à leur charge (CGI art. 1691 bis, III). L'ISF ne peut pas bénéficier de cette mesure.
Avoir des enfants à charge donne droit à des avantages fiscaux : octroi de parts supplémentaires de quotient familial, crédit d'impôt pour frais de garde, réduction d'impôt liée aux frais de scolarisation, abattements en matière de taxe d'habitation, etc.
En règle générale, à partir du moment où les parents font l'objet d'une imposition séparée, l'un d'eux seulement peut prendre les enfants à sa charge et bénéficier des avantages correspondants. Cependant, en cas de résidence en alternance, les avantages fiscaux liés aux enfants mineurs peuvent être partagés entre les parents.
Jusqu'à preuve du contraire, l'enfant est considéré comme étant à la charge du parent avec lequel il vit (CGI art. 194, I). C'est ce parent, et lui seul, qui bénéficie de la majoration du quotient familial et des autres avantages fiscaux liés aux enfants. L'autre parent peut déduire la pension alimentaire qu'il verse pour son enfant, aucun cumul n'étant possible entre la majoration du quotient familial et la déduction d'une pension alimentaire.
En cas de changement de résidence habituelle d'un enfant mineur en cours d'année, les deux parents bénéficient de la majoration du quotient familial pour l'année considérée (BOI-IR-LIQ-10-10-10-10 no 240) :
- le parent chez qui l'enfant vivait au début de l'année, parce que sa situation est appréciée au 1er janvier ;
- le parent chez qui l'enfant est venu vivre en cours d'année puisque, en raison de l'augmentation de ses charges de famille, sa situation est appréciée au 31 décembre (CE 22-6-2011 no 330709 : RJF 10/11 no 1022).
Une règle particulière s'applique l'année des 18 ans de l'enfant : même s'il change de résidence habituelle, l'enfant ne peut être rattaché qu'au parent avec lequel il vivait au 1er janvier de l'année de sa majorité (CGI art. 6, 3-2o ). Par exemple, un enfant né en mars 1997 et qui vivait chez sa mère le 1er janvier 2015 sera obligatoirement rattaché au foyer fiscal de sa mère pour l'impôt sur le revenu de l'année 2015, quand bien même il serait parti vivre chez son père dès le mois de février.
En cas de résidence alternée au domicile de chacun des parents, les enfants mineurs sont réputés être à la charge égale de leurs deux parents, sauf disposition contraire dans la décision judiciaire et à défaut d'accord des parents (CGI art. 194, I-al. 3). Il s'agit d'une simple présomption, qui peut être écartée si l'un des parents prouve assumer seul la charge principale des enfants. A noter que le partage des avantages fiscaux entre les parents ne concerne que les enfants mineurs : les enfants majeurs ne peuvent être rattachés (selon le cas jusqu'à 21 ou 25 ans) qu'à un seul de leurs parents (en ce sens, BOI-IR-LIQ-10-10-10-20 no 70).
Lorsque les enfants mineurs sont réputés être à la charge égale de leurs père et mère, tous les avantages fiscaux auxquels ils donnent droit sont partagés par moitié entre leurs parents. Par exemple, si les parents ont deux enfants, chacun des père et mère bénéficie de 0,25 part de quotient familial par enfant (au lieu de 0,5 part). De même, sont divisés par deux entre les parents les plafonds du quotient familial, et donc l'avantage maximal en impôt susceptible d'être retiré des majorations liées aux enfants à charge. Même solution, encore, pour l'abattement obligatoire pour charges de famille applicable à la résidence principale en matière de taxe d'habitation (à diviser par deux entre les parents).
Si l'enfant dispose de revenus personnels, ces revenus doivent être déclarés par moitié par chacun de ses parents.
En dépit de la résidence alternée, les parents ou le juge peuvent décider que l'enfant ne sera fiscalement rattaché qu'à un seul de ses parents. La majoration du quotient familial est alors attribuée à celui des parents que le jugement de divorce, la convention homologuée par le juge ou même le simple accord des parents a désigné à cette fin (CGI art. 194, I-al. 3).
L'année où cesse l'imposition commune (ou l'année du changement de situation), ces documents doivent être joints aux déclarations de revenus des parents (ou conservés par eux si la déclaration est souscrite en ligne). Si l'attribution de la majoration de quotient familial résulte d'un accord des parents, cet accord doit être signé par chacun d'eux (voir modèle ci-après). L'accord doit en outre correspondre à la réalité de la situation (BOI-IR-LIQ-10-10-10-10 no 190). Cela dit, sauf circonstances exceptionnelles, l'administration ne devrait pas remettre en cause l'accord des ex-époux.
Modèle de déclaration des parents dont l'enfant est en résidence alternée, attestant que la charge d'entretien et d'éducation est supportée à titre principal par l'un d'eux (document à joindre à la déclaration des revenus de chacun des parents, ou à conserver si la déclaration est souscrite en ligne).
Nous, soussignés Robert Dupont, 42 rue de Villiers 92300 Levallois-Perret, et Catherine Durand, divorcée Dupont, 18 rue Monge 75005 Paris, certifions sur l'honneur que la charge d'entretien et d'éducation de notre fils mineur Clément Dupont qui réside en alternance à nos domiciles respectifs est assumée à titre exclusif ou principal par sa mère Catherine Durand à compter de l'imposition des revenus de 2014.
En conséquence, conformément aux dispositions du 3e alinéa du I de l'article 194 du CGI, nous demandons à ce que la majoration de quotient familial attachée à notre fils Clément soit accordée en totalité à sa mère, Catherine Durand.
Fait à Paris le 19 mai 2015.
Signatures des deux parents, suivies de la mention « lu et approuvé ».
Nous exposons ci-après le régime des pensions alimentaires dans le cas, le plus fréquent, où un seul des parents a la charge fiscale de l'enfant et reçoit de son ex-conjoint une contribution pour l'entretien et l'éducation de cet enfant.
Lorsque la charge fiscale d'un enfant mineur est partagée entre ses parents, les pensions alimentaires sont neutralisées : elles ne sont pas déductibles pour celui qui les verse et ne sont pas davantage imposables pour celui qui les reçoit.
Le parent qui verse la pension peut déduire de ses revenus les sommes versées en exécution du jugement de divorce, de la convention homologuée par le juge ou d'une décision de justice postérieure (CGI art. 156, II-2o ).
Le montant déductible est en principe celui qui a été fixé par le juge ou la convention homologuée. Par exception, la rente est déductible pour 125 % de son montant lorsque la décision judiciaire qui en a fixé le montant est devenue définitive avant le 1er janvier 2006 (CGI art. 158, 7-3o ). Dans ce cas, il ne faut porter sur la déclaration de revenus que le montant versé, sans la majoration de 25 % qui est automatiquement calculée par l'administration.
Tant que l'enfant est mineur, il n'y a pas de plafond de déduction. Les augmentations annuelles liées au jeu de la clause d'indexation sont également déductibles. En cas de revalorisation spontanée de la pension, celle-ci reste déductible sans limitation si le montant versé est proportionné aux ressources du parent qui la paye et aux besoins de l'enfant (BOI-IR-BASE-20-30-20-50 no 20). La pension peut par exemple être revalorisée en fonction de la variation de l'indice moyen annuel des prix à la consommation.
Les frais exposés dans l'exercice du droit de visite et d'hébergement (frais de vacances, de transport, etc.) ne sont jamais déductibles (en ce sens, BOI-IR-BASE-20-30-20-50 no 70). En revanche, certaines dépenses spontanément assumées en complément de la pension initiale peuvent l'être. Tel est le cas, par exemple, de la prise en charge de frais de scolarité ou de cantine ou du paiement de dépenses médicales.
La pension reste déductible dans les mêmes conditions après la majorité de l'enfant, même si le maintien des versements au-delà des 18 ans de l'enfant n'a pas été prévu par le jugement de divorce ou la convention homologuée par le juge. Mais la déduction est plafonnée à 5 726 € par an, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la pension est versée à l'autre parent ou directement à l'enfant.
L'année des 18 ans de l'enfant, les sommes versées pendant la période correspondant à la minorité sont déductibles sans limite ; celles versées pendant la période correspondant à la majorité sont déductibles dans la limite de 5 726 € sans que ce montant doive être réduit au prorata du nombre de mois concernés (BOI-IR-BASE-20-30-20-30 no 230).
Le parent qui reçoit la pension doit déclarer le montant effectivement perçu, qui est imposé après déduction d'un abattement de 10 % dont le montant minimal est de 379 € par bénéficiaire et le montant maximal de 3 707 € par foyer fiscal. Cet abattement est calculé par l'administration fiscale. Il ne doit pas être déduit du montant porté sur la déclaration.
Si la pension continue à être versée après les 18 ans de l'enfant, elle n'est imposable que dans la limite pour laquelle elle est déductible chez celui qui la verse, soit 5 726 €.
Les pensions alimentaires ne sont jamais imposables à l'ISF pour leur bénéficiaire.
Cela n'empêche pas le parent qui verse la pension de pouvoir en déduire la valeur de capitalisation, c'est-à-dire le montant du capital qu'il faudrait immobiliser pour pouvoir verser la pension. Toute la difficulté est d'évaluer ce montant, alors que le parent débiteur sait rarement à l'avance pendant combien d'années il devra payer.
Pour résoudre cette difficulté, il est possible d'utiliser la règle pratique d'évaluation proposée par l'administration (BOI-PAT-ISF-30-60-10 nos 180 et 190) :
- si la durée de la pension est inconnue (durée non précisée par le jugement ou la convention homologuée des époux, ou fixée jusqu'à la fin des études de l'enfant), la valorisation est effectuée comme si la pension devait être payée jusqu'au 31 décembre de l'année des 21 ans de l'enfant. En cas de poursuite des versements au-delà de cette date, la déduction porte sur le montant annuel de la pension ;
- la valorisation de la rente est effectuée sur la base du taux brut des obligations assimilables du Trésor (OAT) à 10 ans, arrondi au 1er chiffre après la virgule, en retenant le dernier taux de l'indice TEC 10 connu au 1er janvier de l'année d'imposition (le TEC 10 est publié quotidiennement par l'agence France Trésor sur www.aft.gouv.fr, rubrique La dette de l'Etat/Les produits/L'OAT TEC 10).
Rien n'empêche le parent qui verse la pension de déduire un montant supérieur à celui résultant de la méthode proposée par l'administration fiscale, à condition de justifier de son évaluation. Par exemple, le parent d'un enfant de 20 ans qui vient d'entamer un cycle d'études d'une durée de 3 ans peut déduire le montant du capital qu'il faudrait immobiliser pour verser 3 ans de pension.
En matière d'impôt sur le revenu, les pensions alimentaires entre époux (ou entre ex-époux pour ceux qui ont divorcé selon l'ancienne procédure de divorce pour rupture de la vie commune) ne font l'objet d'aucun régime particulier. A condition qu'elles résultent d'une décision de justice, ces pensions sont déductibles des revenus de leur débiteur et imposables dans la catégorie des pensions pour leur bénéficiaire, selon les règles exposées à propos des pensions pour les enfants mineurs (nos 16319 et 16321).
S'agissant de l'ISF, les pensions alimentaires entre époux (ou ex-époux) suivent le même régime que les prestations compensatoires, exposé plus loin (no 16337).
SavoirAu titre des mesures provisoires, lorsque l'ordonnance de non-conciliation oblige un époux à laisser gratuitement à la disposition exclusive de l'autre l'appartement qui lui appartient en tout ou partie, cette mise à disposition est assimilée à une rente. En conséquence :
- l'époux qui laisse à l'autre la disposition gratuite du logement qui lui appartient peut déduire de ses revenus imposables la valeur locative de ce logement (c'est-à-dire le montant des loyers que lui aurait procurés sa mise en location). Si le logement est un bien commun ou un bien indivis par parts égales entre les époux, la déduction porte sur la moitié de la valeur locative. Cette déduction est cumulable, le cas échéant, avec celle des pensions versées en espèces ;
- l'époux bénéficiaire de la mise à disposition du logement est imposable sur cette même valeur locative dans la catégorie des pensions.
Pour les prestations compensatoires en argent, il faut distinguer les rentes des versements en capital.
Les rentes (temporaires ou viagères) sont déductibles des revenus de celui qui les verse et imposables entre les mains de celui qui les reçoit. Les règles sont celles exposées à propos des pensions pour les enfants mineurs (nos 16319 et 16321).
Si la prestation compensatoire prend la forme d'un capital, son régime fiscal dépend du délai accordé au débiteur pour s'acquitter du paiement :
- si ce délai est supérieur à 12 mois, le capital est assimilé à une rente : il est déductible des revenus de celui qui le verse et imposable entre les mains de son bénéficiaire, selon les règles exposées à propos des pensions pour les enfants mineurs. Le délai de 12 mois est décompté à partir du jour où le jugement de divorce est passé en force de chose jugée (un jugement de divorce par consentement mutuel passe par exemple en force de chose jugée 15 jours après son prononcé si aucun pourvoi en cassation n'a été déposé) ;
- si le capital est versé sur 12 mois au plus, il n'est pas déductible mais il ouvre droit à une réduction d'impôt (sauf en cas de cumul capital + rente, auquel cas la rente est déductible mais le capital n'ouvre pas droit à réduction d'impôt : BOI-IR-RICI-160-10 nos 190 et 200). Le bénéficiaire de la prestation n'est pas imposable à l'impôt sur le revenu sur le capital perçu.
La réduction d'impôt est égale à 25 % du montant des versements effectués en exécution du jugement de divorce ou de la convention des époux, ces versements étant retenus dans la limite de 30 500 €, soit une réduction d'impôt maximale de 7 625 € (CGI art. 199 octodecies). Si les versements sont répartis sur deux années civiles, le plafond applicable au titre de la première année s'obtient en multipliant le plafond global de 30 500 € par le rapport entre le montant des versements effectués cette année et le montant total des versements prévus.
Un divorce passé en force de chose jugée le 29 novembre 2014 alloue à l'ex-épouse une prestation compensatoire de 50 000 €, à verser en 10 mensualités de 5 000 €. Un premier versement de 5 000 € est effectué en décembre 2014, les 45 000 € restants devant être versés de janvier à septembre 2015. Le plafond applicable au titre de l'imposition des revenus 2014 est de 3 050 € (soit 30 500 € × 5 000 €/50 000 €). L'ex-mari peut bénéficier d'une réduction d'impôt de 762 € (25 % de 3 050 €) au titre de 2014 et de 6 863 € (25 % de 27 450 €) au titre de 2015.
Lorsque le jugement de divorce ou la convention homologuée par le juge prévoyait un versement dans le délai de 12 mois et que ce délai n'a pas été respecté par le débiteur de la prestation, l'administration considère que les sommes versées n'ouvrent droit ni à réduction d'impôt ni à déduction pour leur débiteur (même pour les versements partiels qui auraient été effectués dans le délai de 12 mois) ; corrélativement, ces sommes ne sont pas imposables pour leur bénéficiaire (BOI-IR-RICI-160-10 no 150, applicable aux versements effectués depuis le 4 avril 2012 ; avant cette date, l'administration appliquait le régime des pensions alimentaires : le débiteur pouvait en principe déduire l'intégralité des sommes versées, qui étaient imposables pour leur bénéficiaire).
Si le délai de versement de la prestation compensatoire n'a pas été précisé par le jugement de divorce ou la convention homologuée par le juge, la jurisprudence majoritaire des juges du fond se prononce en faveur de l'exonération du bénéficiaire (notamment, CAA Lyon 26-1-2012 no 11LY00932 : RJF 6/12 no 598 ; CAA Versailles 26-2-2013 no 11VE02796 et CAA Bordeaux 14-5-2013 no 11BX01831 : RJF 3/14 no 244 ; en sens contraire, TA Montpellier 9-10-2008 no 07-4834 : RJF 7/09 no 639). Le Conseil d'Etat n'a pas encore pris parti sur la question. De son côté, l'administration fait dépendre le régime fiscal de la prestation de son délai effectif de paiement (BOI-IR-RICI-160-10 no 210), ce qui la conduit à imposer le bénéficiaire en cas de règlement au-delà du délai de 12 mois.
Les prestations compensatoires en nature (par exemple, abandon d'un droit d'usage et d'habitation sur le logement familial) ouvrent droit à réduction d'impôt dans les mêmes conditions que les prestations en argent versées dans les 12 mois du jour où le jugement de divorce est passé en force de chose jugée. Pour calculer le montant de la réduction d'impôt, les biens ou les droits qui sont laissés à l'ex-conjoint sont pris en compte pour la valeur pour laquelle ils ont été évalués par la convention des époux ou le jugement de divorce (avec le même plafond de 30 500 €). Le bénéficiaire n'étant pas imposable, il n'a pas à déclarer la prestation à l'impôt sur le revenu.
Si la prestation en nature ne peut pas bénéficier de la réduction d'impôt (par exemple, parce qu'elle est fournie au-delà du délai de 12 mois), elle n'est ni déductible pour son débiteur ni imposable pour son bénéficiaire.
Si le capital doit être versé en argent sur plus de 12 mois, la transformation est fiscalement neutre. Le débiteur de la prestation continuera à déduire les versements effectués, le bénéficiaire restant de son côté imposable selon le régime des pensions.
Si le capital doit être versé sur 12 mois au maximum, il ouvre droit à réduction d'impôt. Il en est ainsi que la prestation soit en argent ou en nature, à condition qu'elle soit effectivement fournie sur une période maximale de 12 mois à compter de la date à laquelle le jugement prononçant la conversion est passé en force de chose jugée (CGI art. 199 octodecies).
Le montant de la réduction d'impôt est toutefois limité pour tenir compte du fait que la rente antérieurement versée a été déduite des revenus de son débiteur. Le capital dû à la date de la conversion est majoré de la somme des rentes déjà versées, revalorisées en fonction de l'indice moyen annuel des prix à la consommation entre l'année de versement et celle de la conversion. La base de calcul de la réduction d'impôt est égale au capital « reconstitué » ainsi obtenu, qui est retenu dans la limite de 30 500 €, auquel est appliqué le rapport existant entre le capital dû et le capital reconstitué.
Exemple : la rente est convertie en un capital de 30 000 €, alors que 5 000 € de rentes (après revalorisation) ont déjà été versés et déduits. Capital total reconstitué : 30 000 € + 5 000 € = 35 000 €. Base de calcul de la réduction d'impôt : 30 500 € × 30 000 €/35 000 € = 26 143 €. Montant de la réduction d'impôt : 26 143 € × 25 % = 6 636 €.
Compte tenu de son mode de calcul, la réduction d'impôt est souvent désavantageuse par rapport à la déduction des versements. Il est donc conseillé à l'époux débiteur de faire une simulation pour déterminer la solution la plus intéressante : si la déduction fiscale est plus favorable, mieux vaut proposer de fractionner le versement du capital sur plus de 12 mois.
Les prestations compensatoires en argent sont soumises au droit fixe de 125 € lorsqu'elles sont acquittées en capital et que le versement intervient dans les 12 mois du jour où le jugement de divorce est passé en force de chose jugée (CGI art. 1133 ter). Si le capital est versé au-delà de ce délai de 12 mois, ou si la prestation en argent prend la forme d'une rente, il n'y a pas de droits d'enregistrement à payer.
Pour les prestations compensatoires en nature, le régime est le suivant :
- si la prestation est fournie au moyen de biens communs ou de biens indivis que des époux séparés de biens avaient acquis pendant leur mariage, le droit de partage est dû, au taux indiqué no 16340. C'est le cas, par exemple, lorsque l'ex-mari abandonne sa part de communauté sur le logement de la famille ;
- si la prestation provient de biens propres ou personnels de l'époux, seul est dû en principe le droit fixe de 125 €. Cependant, c'est la taxe de publicité foncière au taux global de 0,71498 % qui est due si la prestation porte sur un immeuble ou sur un droit immobilier (abandon de la propriété du logement familial, par exemple). Lorsque l'immeuble n'est attribué qu'en usufruit, la taxe est calculée sur la valeur de cet usufruit, lui-même déterminé par application du barème fiscal de l'article 669 du Code général des impôts (par exemple, si l'ex-épouse bénéficiaire de l'usufruit viager du logement familial appartenant à son ex-mari a 55 ans, la taxe de publicité foncière sera calculée sur la moitié de la valeur de la pleine propriété du logement). Si la prestation consiste en un droit d'usage et d'habitation, l'administration admet qu'un abattement de 20 % soit pratiqué après l'application du barème fiscal (BOI-ENR-DMTG-20-10-20-20 no 210). Ainsi, si l'ex-épouse de 55 ans reçoit les droits viagers d'usage et d'habitation du logement familial, ces droits seront évalués à 40 % de la valeur du logement en pleine propriété.
Les prestations compensatoires en capital sont imposables dans les conditions de droit commun. Lorsque la prestation est fournie en nature sous forme d'un usufruit ou d'un droit d'usage et d'habitation, son bénéficiaire est imposable à l'ISF sur la valeur de la pleine propriété du bien. Corrélativement, celui qui a fourni la prestation n'est plus du tout imposable sur le bien dont la propriété a été démembrée.
Les prestations sous forme de rente bénéficient d'un régime particulier : leur bénéficiaire n'est pas imposable et celui qui verse la rente peut déduire de son patrimoine taxable la valeur de capitalisation de la rente, c'est-à-dire le montant du capital qu'il faudrait immobiliser pour pouvoir la payer (BOI-PAT-ISF-30-60-10 no 160). Si la rente est viagère, ce capital peut être évalué par application du barème établi par l'administration fiscale pour les rentes viagères immédiates à garantie fixe (imprimé 2725 NOT-D, disponible dans les services des finances publiques ou sur le site www.impots.gouv.fr).
Pour l'administration fiscale, attribuer un immeuble propre ou personnel à son conjoint à titre de prestation compensatoire équivaut à lui vendre cet immeuble (BOI-RFPI-PVI-10-30 no 20). D'où la taxation de la plus-value réalisée par l'époux propriétaire de l'immeuble (sauf bien sûr exonération possible, par exemple si l'immeuble constituait la résidence principale des époux). Seule consolation : pour l'époux bénéficiaire de la prestation, c'est un prix réactualisé (valeur retenue par le jugement de divorce ou la convention homologuée des époux) qui servira au calcul de la plus-value le jour où lui-même revendra l'immeuble (BOI-RFPI-PVI-20-20 no 40).
Cette analyse discutable est évidemment transposable au cas où ce sont des parts ou actions propres ou personnelles (ou tout autre bien dont la vente est susceptible de donner lieu à une plus-value imposable) qui sont laissées à titre de prestation compensatoire. Un jugement - dont le contribuable a fait appel - s'est d'ailleurs prononcé en ce sens et a conclu à la taxation de la plus-value « réalisée » par le mari sur les actions attribuées à sa femme à titre de prestation compensatoire (TA Montpellier 15-12-2011 no 1001578 : RJF 7/12 no 705).
Les sommes nécessaires au paiement de la prestation (solde indexé du capital restant dû ou résultat de la conversion de la rente en capital) sont en principe directement prélevées sur la succession de l'ex-époux débiteur. Lorsque tel est le cas, les sommes en cause sont déductibles pour le calcul des droits de succession dus par les héritiers (BOI-IR-RICI-160-20 no 250). S'agissant de l'impôt sur le revenu, les héritiers ne peuvent rien déduire et le bénéficiaire n'est pas imposable.
Si les héritiers décident ensemble, comme ils en ont le droit, du maintien de la rente prévue au départ, aucune déduction ne sera possible pour le calcul des droits de succession. Mais les versements effectués par les héritiers seront déductibles de leurs revenus et imposables pour leur bénéficiaire selon les règles exposées à propos des pensions aux enfants mineurs (BOI-IR-RICI-160-20 no 280).
Une taxation unique au droit de partage de 2,5 % s'applique au partage des biens des ex-conjoints. Toutefois, le droit de partage étant un droit d'acte, il n'est pas dû si le partage est purement verbal, à condition que le partage ne soit pas repris ultérieurement dans un acte (Rép. Valter : AN 22-1-2013 p. 825 no 9548).
Lorsqu'il est dû, le droit de partage est calculé sur la valeur nette de tous les biens communs ou indivis partagés entre les conjoints. Les règles sont les mêmes que pour un partage de succession, sous réserve de deux particularités :
- si des biens communs ou indivis ont servi à fournir une prestation compensatoire et ont de ce fait déjà été taxés au droit de partage, la valeur de ces biens est retranchée de la base imposable de façon à éviter une double taxation ;
- si l'un des époux a bénéficié de l'aide juridictionnelle, le partage consécutif au jugement de divorce est exonéré de droit de partage (BOI-ENR-DG-20-30-10 no 40).
Si les ex-conjoints ont un bien immobilier à partager (leur logement, par exemple), il faudra payer, en plus du droit de partage, les honoraires du notaire et le coût de la publication au service de la publicité foncière.
En cas de vente du logement familial après la séparation, la plus-value réalisée est exonérée pour les deux époux lorsque l'un d'eux a continué à occuper le logement jusqu'à sa mise en vente : l'ex-conjoint qui a quitté le logement bénéficie, au même titre que celui qui est demeuré dans les lieux, de l'exonération attachée à la vente de la résidence principale (BOI-RFPI-PVI-10-40-10 nos 250 et 260).
L'exonération s'applique également aux immeubles en construction vendus par des époux en instance de divorce, si les deux conditions suivantes sont réunies (BOI-RFPI-PVI-10-40-10 nos 220 et 230) :
- l'immeuble était destiné à devenir la résidence principale du couple ;
- les époux n'étaient pas propriétaires du logement qu'ils occupaient pendant la construction de leur future habitation.
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