Les commentaires administratifs sur la numérisation aux fins de conservation et de stockage des factures émises ou reçues sous format papier mettent en lumière l’importance d’une procédure respectueuse des conditions fixées par l’article A 102 B-2 du LPF, en particulier pour le récepteur de la facture.
1. L’article 16 de la loi de finances rectificative pour 2016 a assoupli les modalités de conservation et de stockage des documents comptables et de leurs pièces justificatives afin notamment de permettre aux entreprises qui le souhaitent de conserver sous forme dématérialisée les factures établies ou reçues sur support papier (FR 1/17 [63] p. 95). Les modalités de numérisation des factures papier et les règles de conservation des factures numérisées ont fait l’objet d’un arrêté du 22 mars 2017, codifié sous un nouvel article A 102 B-2 du LPF, et s’appliquent depuis le 30 mars 2017 (FR 18/17 [1] p. 3).
L’administration a commenté ce dispositif à l’occasion d’une mise à jour de sa base Bofip du 8 février 2018 (nos 2 s.).
Elle apporte également quelques précisions sur les modalités de numérisation des documents constitutifs des contrôles établissant une piste d’audit fiable (nos 17 s.).
Des conditions de numérisation très précises...
2. En application du 3e alinéa du I de l’article L 102 B du LPF, les factures papier reçues (d’achat) ou émises (de vente) peuvent être conservées sur support informatique ou sur support papier pendant le délai prévu au premier alinéa de l’article L 102 B du LPF.
Les entreprises qui reçoivent ou qui émettent des factures papier peuvent ainsi les numériser, sous conditions, à tout moment et les conserver de manière dématérialisée durant six ans (BOI-CF- COM-10-10-30-10 no 100).
Conformément à l’article A 102 B-2 du LPF, le transfert des factures établies originairement sur support papier vers un support informatique doit être réalisé dans des conditions garantissant leur reproduction à l’identique , le résultat de cette numérisation devant être la copie conforme à l’original en image et en contenu, y compris s’agissant des couleurs en cas de mise en place d’un code couleur.
Par mesure de tolérance , l’administration admet qu’une numérisation ne respectant pas le code couleur est toutefois acceptée, mais uniquement dans les cas où les couleurs ne sont pas porteuses de sens. L’application de cette tolérance doit pouvoir être explicitée à l’administration.
Exemples : Lorsqu’une facture contient des mentions en couleurs telles que le logo de l’entreprise émettrice des factures, les couleurs de ce logo ne sont pas porteuses de sens et peuvent donc être reproduites non pas en couleurs mais en noir et blanc lors de la numérisation de cette facture.
En revanche, lorsqu’une facture contient des mentions en couleurs telles que des chiffres, des indications ou des montants dont le caractère positif ou négatif dépend de leur couleur intégrée lors de la conception de cette facture en dématérialisé, les couleurs sont porteuses de sens et doivent donc être reproduites à l’identique lors de la numérisation de cette facture.
De la même façon, lorsque sur une facture papier ont été apposés une signature, des mentions particulières annotées à la main ou un tampon encreur en couleurs, les couleurs sont porteuses de sens et doivent donc être reproduites à l’identique lors de la numérisation de cette facture (BOI précité).
L’administration rappelle également que les dispositifs de traitement sur l’image sont interdits et que, dans l’hypothèse où l’assujetti a recours à la compression de fichier , cette compression doit s’opérer sans perte (LPF art. A 102 B-2 et BOI précité).
3. En vertu de l’article A 102 B-2, II du LPF, l’assujetti peut numériser lui-même les factures ou confier cette mission à un tiers .
L’administration précise que la circonstance que la numérisation soit effectuée par un tiers ne permet toutefois pas à l’assujetti de s’exonérer de sa responsabilité en matière de conservation de factures au regard de la TVA. Ainsi, le fournisseur ne pourra pas arguer de la défaillance de numérisation de son prestataire ni même du retard de ce dernier pour permettre l’accès de l’administration aux factures numérisées (BOI-CF-COM-10-10- 30-10 no 100).
4. Par ailleurs, les opérations d’archivage numérique des factures établies originairement sur support papier doivent être définies selon une organisation documentée , faisant l’objet de contrôles internes, permettant d’assurer la disponibilité, la lisibilité et l’intégrité des factures ainsi numérisées durant toute la durée de conservation (LPF art. A 102 B-2). Selon l’administration, cette organisation documentée suppose que les différentes phases de la numérisation doivent être décrites, présentées et expliquées. Elle est propre à chaque entreprise (BOI-CF-COM- 10-10-30-10 no 100).
5. L’administration précise également qu’il appartient à chaque entreprise d’effectuer régulièrement des contrôles , sous sa responsabilité, de la fiabilité des factures ainsi numérisées, permettant de justifier le respect des modalités de numérisation fixées à l’article A 102 B-2 du LPF (BOI-CF-COM-10-10-30-10 no 100).
6. En tout état de cause, et conformément à l’article A 102 B-2, III du LPF, chaque document numérisé doit être conservé sous format PDF ou sous format PDF A/3(ISO 19005-3) et être assorti :
– soit d’un cachet serveur fondé sur un certificat conforme, au moins, au référentiel général de sécurité (RGS) de niveau une étoile ;
– soit d’une empreinte numérique ;
– soit d’une signature électronique fondée sur un certificat conforme, au moins, au référentiel général de sécurité (RGS) de niveau une étoile ;
– soit de tout dispositif sécurisé équivalent fondé sur un certificat délivré par une autorité de certification figurant sur la liste de confiance française (Trust-service Status List-TSL).
Chaque fichier est horodaté , au moins au moyen d’une source d’horodatage interne, afin de dater les différentes opérations réalisées.
... qui conditionnent le droit à déduction
7. L’administration indique au BOI-CF-COM-10-10-30-10 no 107 que la facture d’origine, c’est-à-dire celle émise et transmise dans son format initial, reste la pièce justificative pour la déduction de la TVA.
Elle précise toutefois que l’archivage numérique de cette facture est considéré comme la copie identique de cette facture et peut dès lors être considéré comme une pièce justificative valable pour la déduction de la TVA à la condition que les modalités de numérisation des factures papier fixées à l’article A 102 B-2 du LPF soient respectées.
Ainsi, en application de l’article 286, I-3o du CGI et de l’article L 102 B, I-3e al. du LPF, la facture papier ainsi numérisée dans les conditions fixées à l’article A 102 B-2 du LPF (voir ci-dessus nos 2 à 6) constitue une pièce justificative relative à des opérations ouvrant droit, d’un point de vue fiscal, à une déduction en matière de taxes sur le chiffre d’affaires (BOI précité).
8. L’administration ajoute que, dans l’hypothèse où le contribuable présente à l’administration une facture numérisée qui ne remplit pas ces conditions , ce dernier est alors tenu de la présenter sous forme papier et que, si le contribuable n’est plus en possession de la facture papier , l’administration n’est pas en mesure de s’assurer de l’authenticité de la facture conformément à l’article 289 du CGI (BOI-CF-COM-10-10-30-10 no 107).
A noter :
L’administration assimile cette hypothèse à un défaut de facture. Elle renvoie, en effet, au no 55 du BOI-TVA-DED-40- 10-40 concernant les conséquences de l’absence de facture (TVA-IX-18205).
Elle considère ainsi qu’en l’absence de présentation de la facture papier, dans l’hypothèse où la facture numérisée ne remplit pas les conditions de l’article A 102 B-2 du LPF, elle peut remettre en cause la déduction de la taxe opérée.
Eu égard à ces précisions, les assujettis pourraient avoir quelques hésitations à se défaire des factures papier qu’ils auraient numérisées, voire à recourir au dispositif même de numérisation, ce qui évidemment ne va pas dans le sens de l’objectif de simplification affiché par l’article 16 de la loi de finances rectificative pour 2016.
Des précisions sur le lieu de stockage des factures numérisées
9. L’administration admet que les factures papier numérisées conformément aux dispositions de l’article A 102 B-2 du LPF suivent les règles de stockage des factures transmises par voie électronique (BOI-CF-COM-10-10-30-10 no 320).
Les factures papier numérisées peuvent ainsi être stockées soit sur le territoire français , soit dans un autre Etat membre de l’UE, soit dans un pays hors de l’UE mais à condition , dans ce dernier cas, que ce pays ait conclu avec la France une convention prévoyant soit une assistance mutuelle ayant une portée similaire à celle prévue entre Etats membres, soit un droit d’accès en ligne, de téléchargement et d’utilisation de l’ensemble des données concernées.
A noter : La liste des pays liés à la France par une convention d’assistance mutuelle ayant une portée similaire à celle prévue entre les Etats membres est fixée par l’arrêté BUDE1309683A du 15 mai 2013 modifié (FR 23/17 [4] p. 6)
Toutes les factures papier, quelle que soit leur date, peuvent être numérisées
10. Conformément à l’article 16 de la loi de finances rectificative pour 2016, les dispositions relatives à la numérisation des factures sont entrées en vigueur le 30 mars 2017, date de publication de l’arrêté ministériel du 22 mars 2017 définissant les modalités de numérisation des factures papier. Elles sont applicables aux factures papier émises ou reçues à compter du 30 mars 2017 .
11. Toutefois, par mesure de tolérance , ces dispositions sont également appliquées aux factures papier émises ou reçues antérieurement à cette date (BOI-CF-COM-10-10-30-10 no 107).
Factures papier transmises par PDF
12. Selon l’administration, une facture initialement conçue sur support papier puis numérisée, envoyée et reçue par courrier électronique ne constitue pas une facture électronique mais une facture papier (BOI-TVA-DECLA-30-20-30-10 no 80).
A noter : Il est rappelé que cette doctrine administrative n’est pas à l’abri de toute critique (voir FR 1/17 [63] p. 95 no 3).
13. Par mesure de tolérance , il avait été admis que, jusqu’à une certaine date (1er janvier 2017 pour les grandes entreprises et les personnes publiques, 1er janvier 2018 pour les entreprises de taille intermédiaire, 1er janvier 2019 pour les petites et moyennes entreprises et 1er janvier 2020 pour les micro-entreprises), une facture créée sur papier, puis numérisée pour être envoyée et reçue de façon électronique (par courriel ou réseau sécurisé) est considérée sous conditions par l’administration comme une facture électronique .
14. Jusqu’à présent , cette mesure de tolérance s’appliquait sous réserve du respect des conditions cumulatives suivantes par l’émetteur : la facture numérisée devait être sécurisée au moyen d’une signature électronique quelles que soient les caractéristiques de cette dernière ; l’émetteur de la facture devait conserver la facture sous les deux formats, papier et électronique. Le récepteur de la facture, considéré pour sa part comme ayant reçu une facture électronique, devait conserver la facture ainsi reçue uniquement sous format dématérialisé.
15. Pour tenir compte de la possibilité de numérisation des factures papier, la tolérance administrative est aménagée : une facture créée sur papier, puis numérisée pour être envoyée et reçue de façon électronique sera considérée comme une facture électronique sous réserve des conditions ci-après : l’émetteur sera dispensé de conserver la facture papier dès lors qu’il sécurise et conserve la facture numérisée conformément aux dispositions de l’article A 102 B-2 du LPF (nos 2 s.) ; le récepteur de la facture, considéré pour sa part comme ayant reçu une facture électronique, devra conserver la facture ainsi reçue uniquement sous format dématérialisé, conformément aux dispositions de l’article 96 F bis de l’annexe III au CGl (RIE-IV-5565 s.) (BOI-TVA-DECLA-30-20-30-10 nos 90 et 95).
Cas particulier du «double original» des factures de vente créées sous forme informatique et transmises sur support papier
16. Certaines entreprises créent, à l’aide d’un logiciel de facturation, des factures qu’elles transmettent à leurs clients sur support papier. Les conditions de conservation de la facture, par l’émetteur, ont été précisées par le BOI-CF-COM-10-10-30-20 nos 1 s., lequel offre aux entreprises deux possibilités :
– soit conserver un double papier de la facture transmise ;
– soit conserver un « double électronique » dans les conditions précisées par ledit BOI (RIE-IV-6620 s.). L’administration précise, dans la mise à jour au 7 février 2018 du BOI précité et du BOI-CF-COM-10-10-30-10 no 107, que ces commentaires administratifs conservent leur portée jusqu’au 30 juin 2018 , par mesure de tolérance . Ainsi, à compter du 1er juillet 2018, les factures papier émises (de vente) pourront être conservées sur support informatique en respectant les conditions mentionnées à l’article A 102 B-2 du LPF (BOI-CF-COM-10-10-30-20).
Numérisation des documents constitutifs de la piste d’audit fiable
17. En vertu de l’article L 102 B, I bis du LPF, les documents constitutifs de la piste d’audit fiable de la facture papier (destinés à assurer l’authenticité de l’origine, l’intégrité du contenu et la lisibilité de la facture) peuvent, depuis le 1er janvier 2016, être conservés pendant le délai de six ans sur support papier ou numérique, au choix de l’entreprise, quelle que soit leur forme originale. Les entreprises peuvent ainsi, aux fins de l’archivage, numériser immédiatement les documents qui ont été établis ou reçus sous forme papier, selon les modalités prévues par l'article A 102 B-1 du LPF (RIE-IV-6385).
18. Conformément à l’article A 102 B-1 du LPF, le résultat de la numérisation de ces documents doit être la copie conforme à l’original en image et en contenu. Les couleurs sont reproduites à l’identique , notamment en cas de mise en place d’un code couleur.
Toutefois, par mesure de tolérance , et comme pour les factures (no 2), la numérisation en respectant le code couleur n’est exigée que dans le cas où les couleurs sont porteuses de sens.
Exemple : Lorsque sur un bon de commande papier ont été apposés une signature, des mentions particulières annotées à la main ou un tampon encreur en couleurs attestant du contrôle effectué, les couleurs sont porteuses de sens et doivent donc être reproduites à l’identique lors de la numérisation de ce document (BOI-CF-COM-10-10-30-10 no 175).
19. Dans le cas où le contribuable présente un document numérisé qui ne remplit pas les conditions fixées par l’article A 102 B-1 du LPF, le contribuable est alors tenu de le présenter sous forme papier. Si le contribuable n’est plus en possession du document papier, l’administration n’est pas en mesure de s’assurer que les contrôles documentés et permanents mis en place par l’entreprise permettent d’établir une piste d’audit fiable (BOI-CF-COM-10-10-30-10 no 175).
A noter : L’administration assimile cette hypothèse à l’absence de piste d’audit (elle renvoie en effet aux nos 80 s. du BOI-TVA-DECLA-30-20-30-50), ce qui peut entraîner, s’agissant du récepteur de la facture chez lequel cette absence serait constatée, la remise en cause de son droit à déduction (RIE-IV-5970).
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